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Inéligibilité d’une valeur au PEA postérieurement à la souscription : la responsabilité du teneur de comptes peut-elle être engagée ?

Inéligibilité d’une valeur au PEA postérieurement à la souscription : la responsabilité du teneur de comptes peut-elle être engagée ?

En contrepartie des avantages fiscaux accordés aux souscripteurs d’un PEA, ces derniers sont contraints dans le choix des valeurs inscrites en compte. Ainsi, l’épargnant ne pourra choisir d’investir dans le cadre de son PEA que dans des valeurs qui y sont éligibles en fonction des critères définis par la réglementation (1). Si cette contrainte d’investissement est bien comprise au moment de la souscription qu’en est-il lorsque la valeur souscrite évolue et notamment lorsque cette dernière devient inéligible au PEA. Quels sont les recours de l’épargnant ? La responsabilité du teneur de comptes peut-elle être engagée lorsque c’est ce dernier qui a conseillé la valeur devenue inéligible ?
 

Voici les questions soulevées dans le dossier que je vous présente ce mois-ci.

Les faits

Le 5 octobre 2017, la banque Z propose à M. X d’ouvrir un PEA PME[2], afin de diversifier son épargne, et lui recommande d'acquérir des parts du fonds Y, dans ce PEA PME, pour un montant 10 000 euros.

Le 22 février 2019, l’épargnant reçoit un courrier de la société de gestion du fonds Y l’informant de ce que le fonds   vient de devenir inéligible au PEA PME. La banque Z confirme, le 12 avril 2019, cette information à M. X.

Le client ne comprend pas cette situation. Il considère que les fonds éligibles initialement au PEA PME ne peuvent être modifiés sans préavis, et sans indemnisation des souscripteurs. Par ailleurs, il estime que son teneur de comptes a failli à son obligation de conseil en lui recommandant, en 2017, d’investir dans le fonds Y, fonds qui, par la suite, est devenu inéligible au PEA PME.

Par conséquent, il demande une indemnisation à la banque Z. Le teneur de comptes n’ayant pas souhaité apporter de réponse favorable à sa demande, Monsieur X sollicite mon intervention dans son dossier.

J’ai interrogé le teneur de compte de M. X afin d’avoir des informations complémentaires dans ce dossier.

L’instruction

Cet établissement m’a confirmé que son client avait réagi à la décision de la société de gestion de supprimer l'éligibilité de son fonds Y au PEA PME, dont il avait été informé par courrier du 22 févier 2019. Ce dernier a ainsi adressé une réclamation par courrier en date du 1er avril 2019 à laquelle le teneur de comptes a apporté une réponse par un courrier en date du 12 avril 2019. La banque Z m’a communiqué l’ensemble de ces courriers.

La banque Z m’a informée que, par la suite et sur les instructions de son client, les parts du fonds Y ont été transférées de son PEA PME vers son compte titres ordinaire. Le PEA-PME de M. X a donc pu rester ouvert après reversement d’une somme équivalente au sein du PEA-PME.

Pour ma part, j’ai procédé à une étude attentive des éléments de ce dossier.

Dans sa demande de médiation, Monsieur X invoque deux griefs :

  • Il conteste la décision de la société de gestion de modifier les caractéristiques du fonds dans lequel il avait investi et,
  • Il considère que son teneur de comptes a failli à son obligation de conseil en lui recommandant, en 2017, d’investir dans un fonds qui ne peut plus figurer dans son PEA PME en 2019.

Concernant la décision unilatérale de la société de gestion de modifier le fonds Y, j’ai constaté que, par son courrier du 22 février 2019, la société de gestion informait les porteurs de son fonds Y de sa décision de modifier la stratégie d’investissement de ce fonds, cette modification le rendant inéligible au PEA PME. Par conséquent, Monsieur X. ne pouvait plus détenir des parts de ce fonds dans son PEA PME.

J’ai indiqué à l’épargnant que la décision de modification des caractéristiques essentielles d’un fonds entrainant la suppression de son éligibilité au PEA PME, prévue initialement, est une décision de gestion, exclusivement prise par la société de gestion du fonds qui s’impose à l’ensemble des porteurs ainsi qu’à la banque X, son teneur de compte.

En effet, en application de l’article 411-15 du règlement général de l’Autorité des marchés financiers, deux types de modifications peuvent intervenir, à l’initiative de la société de gestion, dans la vie d’un OPCVM[3] :

  • les modifications soumises à agrément préalable de l’AMF appelées « mutations », il s’agit des transformations et opérations de fusion, scission, dissolution, liquidation ;
  • les modifications non soumises à agrément appelées « changements ».

L’article 8 de l’instruction AMF n°2011-19 indique que la suppression sur un fonds de l’éligibilité à des dispositifs fiscaux, comme le PEA PME, nécessite uniquement une information particulière des porteurs du fonds et n’est pas soumise à l’agrément de l’Autorité des marchés financiers.

En outre, cette instruction précise, dans son article 7, que« toutes les modifications qui ne requièrent pas d’agrément sont simplement soumises à déclaration auprès de l’AMF via l’extranet GECO de la société de gestion ou de la SICAV au plus tard le jour de l’entrée en vigueur de la modification. »

Par conséquent, la société de gestion était en droit de modifier la gestion de son fonds sur ce point, la règlementation imposant simplement une information particulière destinée aux porteurs, pour leur permettre de prendre les dispositions nécessaires dès lors qu’ils ne peuvent dorénavant plus détenir ce fonds dans leur PEA PME.

En l’espèce, j’ai constaté, au regard des pièces communiquées, que la société de gestion avait informé le porteur spécifiquement, dans le courrier du 22 février 2019, de la modification des caractéristiques du fonds Y et notamment de la suppression de son éligibilité au PEA PME.

Concernant le défaut de conseil de la banque Z, si je peux comprendre que cette situation ait été contraignante pour l’épargnant, elle ne saurait, pour autant, être imputable au teneur de comptes. En effet, il ne peut être reproché à cet établissement de ne pas avoir été en mesure, lors la souscription dans le fonds Y en 2017, d’informer son client des futures modifications de stratégie d’investissement, décidées de manière unilatérale par la société de gestion de ce fonds intervenues en 2019, dès lors que le teneur de comptes n’était à aucun moment en capacité de les envisager. Une telle décision de cette société de gestion n’étant pas par nature prévisible, la circonstance qu’un conseiller patrimonial ait recommandé à son client un an et demi  plus tôt de souscrire dans le fonds Y, ne saurait lui être reproché.

Par ailleurs, pour éviter la clôture de PEA PME prévue par l’article 1765 du Code Général des Impôts, j’ai constaté que le teneur de comptes avait proposé, à son client, une alternative par courrier du 12 avril 2019 :

  • soit vendre les parts du fonds,
  • soit transférer les parts vers un compte titres ordinaire, et en compenser le retrait par un versement espèces d'un montant équivalent sur son PEA-PME.

La banque, dans ce même courrier du 12 avril, a également rappelé à son client que réglementairement, il avait un délai de deux mois à compter de la non éligibilité du fonds pour faire connaître son choix et adresser son instruction. En définitive, la banque Z a accordé à son client un délai supplémentaire en lui indiquant que sans instruction, avant le 22 mai, son PEA PME serait clôturé.

La recommandation

Au vu de ces éléments, j’ai indiqué à M.Z que dans la mesure où la modification par la société de gestion, rendant le fonds inéligible au PEA PME, était intervenue conformément à la règlementation et qu’elle ne pouvait être envisagée par son teneur de comptes, au moment de la souscription, je ne disposais d’aucun élément de nature à soutenir sa demande de réparation.

La leçon à tirer

Le porteur d’un OPCVM, devenu inéligible au PEA PME un an et demi après sa souscription, ne saurait se retourner contre son teneur de comptes, pour défaut de conseil, afin de demander réparation du préjudice qu’il estime avoir subi. Le porteur n’a pas davantage de recours à l’encontre de la société de gestion s’agissant d’une décision de gestion prise conformément à la réglementation, incluant une obligation d’information à l’intention des porteurs.

Attention, comme je l’ai rappelé dans mon dossier du mois de février 2015, la situation peut  être  quelque peu  différente lorsque le titre est inéligible lors de la souscription et que  le teneur de compte délivre une information erronée à ses clients en indiquant sur son site internet que le titre est éligible au PEA.

[ 1 ] Actions cotées ou non cotées, en direct ou par l’intermédiaire d’un OPCVM, respectant des plafonds définis par la réglementation c’est-à-dire au chiffre d’affaires inférieur à 1,5 Md€ pour le non coté et 1 Md€ pour le côté.

[ 2 ] En l’espèce il s’est agi d’un PEA-PME mais les règles en la matière sont identiques à celles d’un PEA classique
OPCVM (Organisme de placement collectif en valeurs mobilières) Portefeuilles de valeurs mobilières (actions, obligations, etc.) qui sont gérés par des professionnels (société de gestion) et détenus collectivement par des investisseurs particuliers ou institutionnels. Il existe deux types d’OPCVM, les SICAV (sociétés d’investissement à capital variable) et les FCP (fonds communs de placement)

[ 3 ] OPCVM (Organisme de placement collectif en valeurs mobilières) Portefeuilles de valeurs mobilières (actions, obligations, etc.) qui sont gérés par des professionnels (société de gestion) et détenus collectivement par des investisseurs particuliers ou institutionnels. Il existe deux types d’OPCVM, les SICAV (sociétés d’investissement à capital variable) et les FCP (fonds communs de placement)