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Le Conseil scientifique de l'AMF a consacré sa séance du 5 octobre à l'impact de l'information et des réseaux sociaux sur la valorisation des actifs financiers

Le Conseil scientifique de l'AMF a consacré sa séance du 5 octobre à l'impact de l'information et des réseaux sociaux sur la valorisation des actifs financiers

Lors de la séance du Conseil scientifique de l'AMF du 05 octobre 2018, Thierry Foucault a présenté un article sur l'impact qu'exercerait l'incertitude entourant les annonces relatives à l'emploi américain (incertitude mesurée par la demande d'informations correspondantes) sur le prix des titres de dette souveraine aux États-Unis. De son côté, Gunther Capelle-Blancard a présenté un document de travail écrit par un de ses collègues (Thomas Renault) sur la manipulation des marchés, les réseaux sociaux et les fake news et les résultats préliminaires relatifs à un travail conjoint dans le prolongement de cet article initial.

Impact de l’incertitude et de la demande d’information sur la valorisation des Treasuries

Thierry Foucault (HEC Paris, membre du Conseil scientifique de l’AMF) et ses co-auteurs (Heidi Benamar et Clara Vega, US Fed) s’intéressent à l’impact des nouvelles économiques sur les variations de prix des actifs

La littérature académique considère que l’impact des nouvelles informations diffère selon le degré d’incertitude qui les entoure. L’impact d’une annonce est plus élevé en situation d’incertitude marquée. Les auteurs montrent qu’en cas de forte incertitude économique, les investisseurs tentent d’affiner leurs anticipations en cherchant plus activement de l’information. Selon eux, la demande d’information peut donc être considérée comme un prédicteur des variations de prix des actifs postérieurs à la publication d’une nouvelle économique. Cette idée est testée dans le cas d’annonces macroéconomiques. Plus précisément, les auteurs s’intéressent à l’impact de la publication des chiffres du chômage américain (nonfarm payroll) sur le prix des Treasuries. Au cas d’espèce, les bonnes surprises en termes de créations d’emploi diminuent sensiblement le prix des bons du Trésor américain, dans la mesure où les acteurs de marché anticipent alors un resserrement de la politique monétaire et donc, une augmentation des taux.

Les auteurs mesurent la demande d’information en comptant le nombre de clics sur des articles de presse contenant le mot « payroll » dans leur titre, dans les deux heures précédant l’annonce des chiffres officiels (source Bitly). Les principaux avantages de cette mesure sont 1) la précision temporelle de l’information permettant de distinguer spécifiquement la période précédant l’annonce ; 2) la caractérisation d’une demande d’information et non d’une offre ; 3) le fait que cette demande émane d’institutionnels actifs sur les marchés examinés (et non de particuliers qui s’informeraient par simple curiosité).

En considérant les observations sur 66 jours d’annonces sur la période 2011-2016, les auteurs montrent que la réponse du prix des titres est significativement amplifiée lorsque le nombre de clics est plus élevé que la normale. Plus précisément, les jours où la demande pour l’information est anormalement élevée (et en contrôlant pour les différentes variables explicatives classiques des rendements obligataires), la réaction des prix des titres aux annonces augmente de 6 points de base pour l’emprunt à 2 ans, de 20 bp pour l’emprunt à 5 ans et de 25bp pour l’emprunt à 10 ans.

Lors de la discussion, les membres du Conseil ont souligné le caractère original et la pertinence de la mesure de la demande d’information proposée les auteurs, tout en observant que l’indicateur reflète la quantité d’information consommé, et non sa qualité. Ils ont noté que la période sous revue intégrait celle du Quantitative Easing, ce qui implique sans doute une moindre attention aux chiffres du chômage. Ils suggèrent d’analyser spécifiquement la période du tapering (2013) et d’étendre l’étude à 2018 pour inclure le choc de février 2018. Une extension sur les marchés actions pourrait aussi être envisagée.

Manipulation des marchés, réseaux sociaux et fake news

Les travaux de Gunther Capelle-Blancard (Université Paris 1, membre du Conseil scientifique de l’AMF) et Thomas Renault (Université Paris 1) portent sur les manipulations des cours de bourse. Après un rappel des principales techniques de manipulation du carnet d’ordre (« pump and dump », « corner and squeeze », etc.), Gunther Capelle-Blancard aborde le cas des manipulations reposant sur la publication d’informations erronées. Le développement d’internet et des réseaux sociaux a permis la résurgence de ces pratiques, dans la mesure où ils permettent de toucher une cible d’investisseurs potentiels plus importante, de manière anonyme et peu coûteuse. Il convient de noter que ces pratiques concernent tout particulièrement les petites capitalisations peu liquides.

Thomas Renault a analysé les messages Twitter relatifs aux actions américaines cotées afin d’évaluer leur impact sur les cours et met en évidence des tentatives de manipulations : certaines actions accumulent soudainement des tweets aux contenus favorables, qui sont associés à de fortes hausses des cours suivies de baisses importantes les jours suivants. Il s’avère que l’ampleur des mouvements de prix est plus importante quand les tweets sont émis par des personnes rémunérées pour faire la promotion de certains titres (stock promoters). En revanche, l’effet est moindre quand ces manipulations sont dénoncées par des « pump trackers ».

Gunther Capelle-Blancard et Thomas Renault préconisent un contrôle en temps réel de l’information publiée sur les réseaux sociaux. Ils plaident pour une meilleure éducation des investisseurs sur l’usage d’internet à des fins d’investissement en bourse, notamment dans des petites capitalisations, mais surtout pour la limitation de l’order-to-trade-ratio (OTR) afin d’éviter de favoriser des conditions de négociation de nature à perturber le fonctionnement du marché.

Les membres du Conseil ont insisté sur l’intérêt de ces travaux pour le régulateur. Ils observent néanmoins la faible variance expliquée et s’interrogent sur les autres facteurs pouvant être à l’origine des rendements anormaux observés. Ils soulignent la difficile caractérisation juridique des manipulations de cours, et la démarcation floue avec la publicité. La notion de stock promoter mériterait d’être creusée et le cadre juridique correspondant d’être rappelé, Gunther Capelle-Blancard suggère d’attribuer des primes pour des lanceurs d’alertes, telle que la SEC la pratique. Par ailleurs, il évoque la possibilité pour l’AMF de réaliser via son compte Twitter une veille active des informations publiées par des comptes non identifiés. Enfin, les circuit-breakers (suspension de cotation temporaire lorsque le prix d’un titre varie trop fortement) peuvent s’avérer efficaces pour limiter l’impact d’une information nouvelle sur les marchés, en donnant le temps nécessaire à la vérification des sources. Manifestement, les manipulations de cours et la propagation de fausses nouvelles pourraient nuire à l’attractivité des marchés. Enfin, il serait intéressant de reproduire l’étude de Thomas Renault sur les données européennes.