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Le Conseil scientifique de l'AMF a consacré une séance au thème de la gestion d'actifs

Le Conseil scientifique de l'AMF a consacré une séance au thème de la gestion d'actifs

Lors de la séance du Conseil scientifique de l'AMF du 10 avril 2018, Serge Darolles a présenté un article sur la gestion du risque de liquidité à l'actif et au passif des fonds. De son côté, Thierry Roncalli a exposé une analyse de l'opposition entre gestion active et gestion passive, en se questionnant sur l'avenir de la gestion active et les conséquences pour les marchés financiers.

Le risque de liquidité pour les fonds 

Serge Darolles (Université Paris-Dauphine, membre du Conseil scientifique de l’AMF) et son co-auteur (Guillaume Rousselet, McGill University) ont développé un modèle théorique structurel permettant une représentation stylisée des risques de liquidité auxquels les fonds d’investissement sont confrontés : à l’actif, les gestionnaires peuvent investir dans des actifs peu liquides qui risquent d’encourir de fortes décotes en cas de ventes forcées (market liquidity risk) ; au passif, les clients peuvent décider de retirer leurs fonds (funding liquidity risk). Ce modèle permet d’estimer une quantité optimale de cash nécessaire pour faire face au risque de liquidité ainsi que le coût associé, en termes de performance notamment.

Les auteurs ont introduit dans le modèle un paramètre de limite aux rachats (gates) particulièrement pertinent pour le régulateur. Par ailleurs, ils ont décomposé le choc de liquidité de marché en deux parties : la décote (haircut) liée aux conditions normales du marché secondaire et l'impact sur le marché (market impact) qui dépend de la quantité de titres liquidés par le fonds. Cette structure permet de corréler le risque de liquidité à l’actif avec celui du passif.

Les principales prédictions du modèle sont les suivantes:

  • La quantité optimale de cash augmente avec la probabilité d’occurrence des rachats, mais diminue avec la liquidité normale du marché ;

  • Dans le cas simple sans gates ni contagion, la probabilité de défaut ne dépend pas de la probabilité d’occurrence des rachats, mais diminue lorsque la liquidité normale du marché augmente.

  • L’impact des ventes forcées sur le prix de marché implique une contagion entre le rachat des parts de fonds par les investisseurs (funding liquidity) et la liquidité de marché, mais l’option de suspension des rachats (gates) permet de limiter cette contagion.

Dans une dernière étape, les auteurs ont calibré les différents paramètres de leur modèle pour neuf types de stratégies de hedge funds à partir de données extraites de la base Lipper TASS couvrant la période 2000-2015, et ont classé les stratégies en fonction de leur besoin en actif liquide.

Lors de la discussion, les membres du Conseil ont souligné l’intérêt d’une modélisation des contraintes de liquidité dans la gestion d’actif. Ils ont proposé de raffiner le modèle (au-delà d’un choix binaire entre un actif totalement liquide et un actif totalement illiquide) en introduisant des actifs liquides à différentes échéances de maturité. Ils ont par ailleurs suggéré d’approfondir les phénomènes de contagion par exemple en recourant à un modèle d’équilibre général. Enfin, ils ont souligné que le principe d’équité entre les porteurs de parts pouvait apparaître en opposition avec l’idée d’utiliser le cash disponible pour payer les premiers investisseurs sortants.

Une contribution à l’analyse du débat gestion active vs. gestion passive 

Thierry Roncalli est revenu sur les définitions et les résultats empiriques concernant les modèles de prix d’actifs (actions). Il a rappelé en particulier la signification de l’alpha (risque idiosyncratique ou propre de l’actif) et celle du beta (corrélation au marché), et a poursuivi avec les développements relatifs à l’investissement factoriel (à commencer par les facteurs taille, valeur et momentum). Ce rappel a permis de mettre en lumière deux types de stratégies d’investissement actif, à savoir l’approche discrétionnaire (portant sur l’alpha) et l’approche portant sur les facteurs (les betas).

Dans un second temps, il a présenté sa lecture de l’évolution de la gestion d’actif « systématique » (ou « rule based ») en insistant sur l’élargissement des types de stratégies proposées sur le marché. La part croissante  de la gestion systématique pourrait avoir des conséquences en termes de risque systémique : l’approche systématique repose en effet sur un nombre limité de modèles quantitatifs essentiellement rétrospectifs (backward-looking), et est par nature sujette au mimétisme et donc aux effets d’amplification. Enfin, le marché de la volatilité a été considéré comme une potentielle source de risque systémique. La correction brutale du VIX début février 2018 s’est faite par paliers, reflétant selon Thierry Roncalli le déclenchement de seuils (triggers) intégrés dans les modèles. 

La troisième partie de la présentation est revenue sur la notion d’« active share » qui reflète l’écart observé entre la composition de l’actif d’un fonds et la composition de son indice de référence. L’active share est souvent associée à l'erreur de réplication (tracking error) pour caractériser les styles de gestion (même si l’arbitrage entre ces deux paramètres est en réalité contraint par la relation qui les lie). Les études montrent que la valeur de l’active share dépend de l’indice de référence et de l’univers d’investissement ; l’active share n’est d’ailleurs pas un déterminant de la performance future.

Enfin, Thierry Roncalli a insisté sur le lien entre la performance et les frais : si la probabilité de battre l’indice de référence est de 50 % en l’absence de frais, cette proportion tombe à 40,1% pour des frais de gestion de 1% et à 30.9% pour des frais de 2%. L’auteur a finalement posé la question de la bonne mesure de la performance (ranking ou benchmarking).

Les membres du Conseil scientifique ont souligné l’importance des questions soulevées par Thierry Roncalli. Ils ont insisté sur la nécessité d’évaluer la part de gestion active nécessaire au bon fonctionnement des marchés financiers et à l’établissement des prix d’équilibre. Ils ont aussi noté l’augmentation significative des différents facteurs mis en évidence par les professionnels et académiques, et ont pointé du doigt leur redondance ainsi que leur ambiguïté (sous le même nom, différentes sociétés rangent des facteurs peu corrélés entre eux).