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Réunion du Conseil Scientifique de l'AMF - 6 avril 2021
La séance était structurée autour de deux interventions. Ivar Ekeland (Université de Paris-Dauphine PSL) a partagé, avec Jean-Charles Rochet (Université de Genève) leurs premières réflexions issues de leur projet de recherche en cours sur une réforme du système fiscal reposant sur une taxation des paiements. Carole Gresse (Université de Paris-Dauphine PSL) a présenté un article publié en tant que document de travail par l’ESMA sur la liquidité fantôme sur les marchés européens, article co-écrit avec Rudy De Winne (Université Catholique de Louvain), Hans Degryse (Université Catholique de Louvain) et Richard Payne (Cass Business School, City University of London).
Pour une modernisation du système fiscal international
Dans un contexte d’aggravation des déséquilibres des finances publiques liée à la crise sanitaire, Ivar Ekeland et Jean-Charles Rochet proposent de développer une nouvelle approche de la fiscalité reposant directement sur les systèmes de paiement, à partir de la proposition formulée en 2000 par Edgar Feige. Un taux unique et faible serait prélevé sur tous les transferts d’argent entre les comptes bancaires des personnes (physiques ou morales). Les transferts entre les comptes de réserve des banques commerciales à la banque centrale seraient également taxés. En revanche, les opérations liées à la politique monétaire et les prêts interbancaires seraient exclues de l’assiette. Les auteurs estiment l’effet de cette réforme sur les différentes typologies d’agents. Les ménages dépensant la totalité de leur revenu paieraient ainsi moins de 0,5 % de leur revenu annuel et ceux gérant une épargne significative de manière relativement active seraient plus pénalisés. Les entreprises non financières verraient leurs profits réduits de 0,4 % alors que les entreprises financières, et particulièrement celles qui ont recours au trading à haute fréquence seraient plus fortement pénalisées. Aux yeux des auteurs, la facilité de mise en œuvre de cette mesure, son faible coût de collecte, son rendement, l’absence d’effets distorsifs et la transparence du système seraient des avantages notables.
Ces propositions résultent d’un travail théorique préliminaire que les auteurs proposent de prolonger l’analyse par un modèle d’équilibre afin notamment d’analyser les potentiels effets distorsifs du dispositif, par une étude du marché interbancaire et par une analyse empirique, la difficulté ici étant que les données sur les paiements sont relativement difficiles pour les marchés de gros.
Les membres du Conseil scientifique ont souligné le caractère ambitieux et et stimulant du travail présenté qui dépasse le clivage traditionnel entre fiscalité du capital et fiscalité du travail mais qui nécessite une coordination internationale pour éviter l’exode fiscal. Les discussions ont principalement porté sur les possibles effets en cascade du système proposé, qui pourrait notamment pénaliser les entreprises ayant des chaînes d’approvisionnement complexes et sur la comparaison avec la taxe sur la valeur ajoutée. Les risques de contournement, par le biais de paiements en cryptomonnaies ou en liquide, du troc ou par le recours aux produits dérivés, ainsi que l’impact de la taxe envisagée sur les volumes de transaction ont également été évoqués.
Sur des marchés d’actions fragmentés, la liquidité consolidée tend à surestimer la liquidité réelle mais l’ampleur de ce phénomène est limitée
Carole Gresse et ses co-auteurs, Rudy De Winne, Hans Degryse et Richard Payne, mesurent et analysent l’écart entre la liquidité consolidée et la liquidité réelle sur des marchés d'actions fragmentés, en particulier son impact sur les coûts de transaction. Qualifié par les auteurs de « liquidité fantôme » (Ghost Liquidity), cet écart apparaît lorsque les opérateurs, pour optimiser leur stratégie d’exécution, placent des ordres à cours limité identiques sur des places concurrentes avec l'intention qu'un seul des ordres soit exécuté. Lorsque c’est le cas, les ordres placés sur les autres plateformes sont annulés.
Ce travail de recherche a bénéficié d’un accès à une base de données de l’ESMA. Elle comprend des données d’ordres et de transactions portant sur 91 actions de 9 pays -dont la France- négociées sur les bourses primaires et trois plateformes alternatives de négociation (Chi-X, BATS et Turquoise) en mai 2013. La liquidité fantôme est mesurée au niveau des opérateurs de marché, différenciés entre trois catégories d’agents : des acteurs identifiés comme HFT, des traders algorithmiques, définis à partir de la durée de vie des ordres (décile des ordres les plus courts et qui n’émanent pas d’acteurs du HFT) et les opérateurs les moins rapides.
La liquidité fantôme, estimée en moyenne à 4 % de la profondeur consolidée totale, apparaît significative mais limitée et ne remet pas en cause l’intérêt de la concurrence entre plate-formes. Des différences sont observées selon la plateforme considérée, les titres, et les acteurs de marché. En particulier, la liquidité fantôme est plus importante chez les traders algorithmiques et surtout les acteurs HFT et sur les plateformes alternatives. En outre, elle augmente avec le niveau de capitalisation et les volumes de négociation des titres et diminue avec leur volatilité. La liquidité fantôme ne serait par ailleurs pas utilisée par les fournisseurs de liquidité pour rééquilibrer des stocks excessifs mais plutôt pour prendre des positions. Il apparaît également que la présence de Smart Order Routers (SORs) tend à réduire, à partir d’un certain seuil, l’incitation à adopter de telles stratégies d’optimisation. Enfin, il apparaît qu’une augmentation de la liquidité fantôme accroît les coûts d'exécution des traders lents et algorithmiques mais de manière modérée.
Les membres du conseil scientifique ont souligné l’intérêt de l’étude qui porte sur les bénéfices de la fragmentation en termes de liquidité et ont unanimement salué la richesse des travaux, en particulier des données utilisées : les donneurs d’ordres sont identifiés et peuvent être classés selon certains critères de manière très fine, cette classification pouvant notamment varier selon le titre considéré. Certaines pistes de recherche ont également été évoquées afin d’affiner l’interprétation des résultats, en particulier la question de l’éventuelle causalité entre liquidité fantôme et spreads effectifs, la pratique de duplication d’ordres, thème encore peu étudié dans la littérature, ou encore celle des ordres en miroir. L’intérêt d’une actualisation de l’étude a également été souligné, la période d’étude étant antérieure à l’entrée en vigueur de MIF2 et aux évolutions réglementaires portant sur le HFT et les tick size, ainsi qu’à la fusion des plateformes Chi-X et BATS.
En savoir plus
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Responsable de la publication : Le Directeur de la Direction de la communication de l'AMF. Contact : Direction de la communication, Autorité des marchés financiers - 17, place de la Bourse - 75082 Paris Cedex 02