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Union des marchés de capitaux : Distribution transfrontière des fonds en Europe : identifier les barrières à l'entrée et améliorer la confiance des investisseurs

Union des marchés de capitaux : Distribution transfrontière des fonds en Europe : identifier les barrières à l'entrée et améliorer la confiance des investisseurs

Le projet d'Union des marchés de capitaux européens mettait en avant la possibilité que demeurent des obstacles à l'investissement transfrontière des fonds d'investissement européens, obstacles qui trouveraient leur origine dans le droit national ou dans les pratiques administratives. Afin d'évaluer leur ampleur, la Commission européenne a rendu public, le 2 juin, une consultation sur la distribution transfrontière des fonds d'investissement, visant principalement les gestionnaires, les distributeurs et les investisseurs européens. L'objectif est de recueillir leur avis sur la réalité des barrières à l'entrée pouvant freiner la distribution de fonds européens dans d'autres pays (coûts de distribution, frais et taxation, dispositions administratives, etc.). Dans ce position paper, l'Autorité des marchés financiers apporte une réponse argumentée à cette consultation.

Le passeport européen est dynamique et son fonctionnement efficace

Les passeports semblent largement utilisés au sein de l’espace européen

Le premier constat est que le mécanisme de passeport européen, déjà bien connu des professionnels, est largement demandé par les fonds européens. PwC mettait en avant que 74 000 passeports européens étaient distribués fin 2014 (OPCVM et FIA confondus) chiffre tiré notamment par le nombre important de fonds irlandais et luxembourgeois distribués dans d’autres pays d’Europe(1). Ces chiffres soulignent le succès du mécanisme de passeport pour la commercialisation transfrontière des fonds.

La plupart des pays européens sont visiblement très ouverts aux fonds provenant d’autres pays d’Europe, ces derniers représentant souvent plus de la moitié des fonds proposés sur leur territoire (Italie : 89%, Allemagne : 88%, Espagne : 81%, Belgique : 74%, Irlande : 43%, Luxembourg : 13%)(2). En France, le nombre de fonds européens obtenant un passeport ne cesse de croître, représentant plus de 800 FIA et 6 700 OPCVM en 2015, soit 42% des fonds commercialisés en France. Si les sociétés de gestion françaises exportent également leurs produits dans d’autres pays d’Europe (634 passeports de commercialisation de produits OPCVM et FIA en 2015), elles le font dans une moindre proportion et avec une plus grande diversité de destinations que les fonds entrants en France (qui viennent principalement du Luxembourg et de l’Irlande).

La principale formalité administrative, le passeport, ne semble pas représenter un frein à l’entrée en matière de coûts et de délais

Le passeport européen fonctionne efficacement. Les délais d’obtention sont réduits, puisque dès qu’un fonds européen a communiqué à son autorité nationale compétente les documents nécessaires, ce dernier peut alors entamer sa commercialisation transfrontalière. L’obligation de traduction de l’information relative au produit proposé dans un autre pays européen, si elle ajoute un coût supplémentaire, semble légitime en matière de protection de l’investisseur et de cohérence juridique entre pays.

Concernant les coûts du passeport, chaque pays les fixe librement, ces derniers pouvant être prélevés sous la forme d’une taxe d’un montant fixé par le Parlement (comme c’est le cas en France), ou de frais déterminés par l’autorité de marché du pays d’accueil. L’hétérogénéité de ces frais démontre l’absence d’impact du montant des frais sur le choix des territoires d’exportation. Par exemple, l’Allemagne et l’Italie, dont les frais à l’entrée pour les passeports de commercialisation sont respectivement parmi les plus élevés et les plus faibles d’Europe, accueillent toutes deux un nombre quasiment semblable de fonds européens.

Surtout, ces frais, qu’il convient de relativiser en les mettant en regard des coûts juridiques de création de nouveaux prospectus ou de nouveaux produits adaptés à une nouvelle clientèle, sont très peu élevés. Compris entre 0 € et 4 000 €, ils représentent entre 0% et 0,0016% du montant moyen d’actifs sous gestion des fonds européens(3) . Il ne semble donc pas que ces frais puissent constituer une réelle barrière à l’implantation sur un nouveau marché européen.

Au final, au vu du succès en nombre et des faibles coûts qui lui sont attachés, le passeport européen fonctionne efficacement. Cependant, il ne semble pour l’instant pas s’être traduit totalement par un succès commercial, car nombre de fonds « passeportés » ne semblent pas activement commercialisés de manière transfrontalière. En effet, le nombre de fonds ayant effectué les démarches et obtenu un passeport est largement supérieur au nombre de fonds européens effectivement commercialisés. Cela signifie que certaines barrières à la commercialisation peuvent subsister, et qu’elles semblent davantage liées au niveau de la demande et des réseaux de distribution, qu’à des contraintes administratives liées à l’obtention du passeport.

Des limites à la distribution des produits « passeportés » existent

Le poids des réseaux de distribution, principalement bancaires, dans l’offre commerciale

Les réseaux bancaires sont les canaux de distribution privilégiés en Europe. Dans beaucoup de pays, la très grande majorité de la collecte des fonds européens, auprès des institutionnels ou des particuliers, est effectuée par les banques généralistes ou privées. Ces réseaux étant très majoritairement domestiques, cela entraîne une commercialisation plus difficile pour les fonds qui ne disposent pas de relais au sein des réseaux bancaires. En France, ce mode de distribution est important, de même que les liens de détention entre sociétés de gestion de portefeuille et établissements de crédit. Ces derniers peuvent encourager l’établissement concerné à favoriser les produits « maison », issus de leurs sociétés de gestion. Compte tenu de la largeur de l’offre proposée au sein des réseaux existants, ce facteur n’est pas dommageable pour le consommateur en matière de profondeur de l’offre, mais peut l’être au niveau de son coût.

Des investissements pour s’adapter aux consommateurs locaux semblent nécessaires

Les spécificités nationales en matière de profils des épargnants forment des contraintes structurelles, qui doivent être prises en compte par les fonds entrants sur un marché national. Au sein de l’Europe, on observe de grandes différences en matière de taux d’épargne, de patrimoine et de détention d’actifs risqués (actions, fonds communs de placement, obligations) (4). Cette dernière représente ainsi 11 % de la valeur des actifs des ménages en Belgique, 5 % en Allemagne, environ 3,5 % en Italie et en France, et moins de 2 % en Espagne. Cela montre que les produits commercialisés et l’accompagnement afférent doivent s’adapter aux pratiques d’épargne locales.

Dans ce but et comme dans toutes les industries, tout nouvel entrant sur le marché doit investir en développement commercial, marketing, publicité pour se différencier des produits nationaux, envoyer un signal quant à la qualité de son produit, ou pratiquer des prix compétitifs afin d’attirer une nouvelle clientèle. Cela présuppose également une capacité d’investissement importante, qui favorise les fonds de grande taille ou les stratégies de niches.

L’hétérogénéité de la fiscalité oriente l’offre et la demande de produits financiers

Les ménages européens sont largement incités à se tourner vers des produits d’épargne nationaux offrant des avantages fiscaux. Pour les sociétés de gestion qui souhaitent proposer leurs produits dans un autre pays, il s’agit donc de saisir les différences entre droits nationaux, afin de proposer des produits conformes aux incitations en vigueur localement. Cela signifie un coût de conformité juridique qui peut être important. A ceci s’ajoute, dans certains pays européens, des frais ou une charge administrative supplémentaire, afin de se conformer à certains traitements ou statuts fiscaux nationaux (désignation d’un représentant fiscal, transmissions de rapports financiers spécifiques, pour obtenir un statut fiscal préférentiel pour les investisseurs, comme en Allemagne, en Autriche ou au Royaume-Uni).

La préférence nationale en matière de produits financiers reste importante pour les consommateurs

L’hétérogénéité de l’appétence des consommateurs pour les produits européens peut également s’expliquer par des biais culturels mis en avant par la littérature économique. L’existence d’une préférence nationale (home bias) et d’un biais de familiarité (familiarity bias) incite les investisseurs individuels à privilégier les produits financiers issus d’acteurs nationaux, ou dont ils connaissent déjà la marque ou les caractéristiques. Ces biais sont renforcés par le manque d’éducation financière, dont les niveaux sont très hétérogènes en Europe. Ces résultats signifieraient qu’à caractéristiques équivalentes, les fonds étrangers auront davantage de difficultés à être commercialisés dans un pays donné, que les fonds issus de sociétés de gestion nationales.

Quelques propositions pour améliorer la concurrence européenne

Promouvoir l’innovation technologique et la convergence européenne en matière de distribution et de commercialisation

La numérisation des réseaux de distribution, qui vient diminuer les avantages liés à la présence locale ou à la connaissance des réseaux de distribution habituels, peut être un facteur bénéfique à une moindre dépendance aux réseaux de distribution nationaux. Il faut également veiller à ce que les réglementations financières européennes récentes, par le coût de leur mise en œuvre, ne soient pas un facteur privilégiant les architectures fermées ou les grands réseaux de distribution existants.

Pour donner toutes ses chances au numérique, l’AMF appelle à repenser la supervision européenne de la libre prestation de services en intégrant ces nouvelles pratiques de distribution (par exemple, la définition des notions de territorialité et de conseil à l’heure du numérique), ainsi qu’à une harmonisation des règles de commercialisation pour les services en ligne et une meilleure coopération en matière de surveillance, d'enquête et de sanction spécifique aux prestataires en ligne. Parallèlement, une clarification européenne des pratiques de la phase située en «amont» de la fourniture de services (pré-marketing) ou des outils disponibles en matière de règlement-livraison permettrait d’assurer une continuité de l’offre européenne sur toute la chaîne de commercialisation.

Assurer une égalité de protection des investisseurs européens, quelle que soit la nationalité du produit souscrit

Les spécificités culturelles doivent être prises en compte dans la manière d’adresser les informations aux épargnants, afin qu’elles puissent pleinement jouer leur rôle : informer, expliquer, mettre en garde. Cela signifie que, pour le grand public, la langue de l’information commerciale doit être celle de l’investisseur.

De plus, la réglementation européenne ne doit pas conduire à priver l’autorité du pays d’accueil de moyens de s’assurer que la fourniture de services financiers sur une base transfrontalière est bien adaptée aux spécificités des investisseurs de détail situés sur son territoire. Une connaissance fine des niveaux d’éducation financière, des profils de risques et des préférences des investisseurs individuels est nécessaire pour assurer la protection des consommateurs, et ainsi maintenir la confiance dans les produits provenant d’autres États membres. Ne plus transmettre à l’autorité d’accueil d’informations concernant les fonds européens lors de leur commercialisation dans leur pays serait dangereux. Dans une telle situation, l’offre transfrontalière pourrait menacer la bonne protection des investisseurs de détail et nuire à l’image des produits provenant des autres Etats membres.

L’AMF souhaite donc que soit entériné le rôle des autorités de régulation nationales comme prépondérant pour garantir la correspondance entre l’offre et les caractéristiques de la demande, notamment en ce qui concerne la documentation commerciale des fonds européens.

Assurer une égalité de protection des investisseurs européens, quelle que soit leur nationalité

Il s’agit tout d’abord de renforcer l’éducation financière des épargnants européens, afin qu’ils appréhendent mieux leurs actes d’investissement Au niveau européen, l’AMF appelle à la mise en place d’un plan européen d'éducation financière. Ensuite, pour le consommateur, savoir vers qui se tourner en cas de problème lié à un investissement financier est primordial. L’accès facile à un dispositif de médiation ciblant les produits financiers, comme c’est le cas en France, permet également de simplifier les démarches de réclamations et de donner confiance à l’épargnant, y compris lors d’achats de produits financiers européens.

Face aux sites illégaux de trading ou aux plateformes dangereuses (Forex, options binaires, etc.), l’AMF souhaite que chaque citoyen européen puisse être protégé promptement, afin d’éviter toute crise de confiance. Pour cela, chaque autorité nationale européenne devrait avoir la possibilité de réagir rapidement en cas d’inaction de l’État d’origine des sociétés créant un préjudice pour ses épargnants en retirant, par exemple, provisoirement l’agrément à ces acteurs.

L’AMF propose ainsi une forme de délégation de pouvoir entre autorités compétentes, en cas de pratique abusive ou de commercialisation inadaptée à la population-cible. Afin d’agir rapidement pour protéger les consommateurs, elle permettrait de donner la possibilité aux autorités d’accueil d’agir pour le compte de l’autorité d’origine.

Cette proposition semble d’autant plus pertinente qu’il est rare d’observer des contrôles par les autorités de l’État d’origine sur un autre territoire européen. S’assurer d’un dialogue continu et d’une médiation au niveau de l’ESMA lors de telles difficultés permettra d’améliorer la protection des investisseurs européens.

[ 1 ] Ce constat est étayé par la Consultation de la Commission Européenne, qui estime que 80% des fonds OPCVM et 40% des FIA européens sont commercialisées de manière transfrontalière en Europe.

[ 2 ] Estimations issues d’extractions Lipper effectuées en avril 2016, sur la base des fonds actifs primaires par pays, OPCVM et FIA confondus (ici en % du nombre de fonds total).

[ 3 ] Moyenne de portefeuille pour les fonds européens issue des estimations de l’EFAMA. Voir EFAMA (2015), “International Statistical Report Q3 2015”

[ 4 ] Arrondel et Savignac (2016), « Immobilier et actifs financiers des ménages : quelles différences de comportement au sein de la zone euro ? », Rue de la Banque n°19, février 2016, Banque de France.

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