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Application du règlement PRIIPs : quel sort pour les produits packagés américains souscrits avant son entrée en vigueur ?

Application du règlement PRIIPs : quel sort pour les produits packagés américains souscrits avant son entrée en vigueur ?

Depuis le 1er janvier 2018[1], le règlement européen PRIIPs vise à homogénéiser l’information précontractuelle des produits financiers dits « packagés » (ETF, produits dérivés, produits d’assurance-vie, etc.) proposés à des investisseurs non professionnels, à travers un document d’informations clés. Ce document d’informations clés est désormais nécessaire pour que soit autorisée la commercialisation des produits entrant dans le champ d’application de PRIIPs.

Dans ce dossier de médiation que je vous présente, le teneur de compte a refusé un ordre de vente sur un produit packagé élaboré par une société de gestion américaine. Ce produit avait été acquis par un investisseur non professionnel, avant l’entrée en vigueur de la réglementation PRIIPs et sans qu’un document d’informations clés n’ait été fourni à l’époque.

Ce litige m’a permis de clarifier la finalité de cette exigence, qui, à mon sens, n’aurait pas dû s’appliquer dans une telle situation – ce que le teneur de compte a fini par reconnaitre.

Les faits 

Madame H indique avoir acheté des parts d’un fonds coté sur indice (exchange traded funds ou ETF en anglais) américain en 2017, qu’elle a acquis sur son compte-titres ordinaire dans les livres de l’établissement X.

Le 20 août 2018, Madame H a pris contact avec l’établissement X, pour pouvoir vendre la totalité de ses parts.

L’établissement lui a répondu que son ordre de vente ne pouvait pas être exécuté, sans lui donner plus d’explications.

Ne parvenant pas à obtenir d’information sur les raisons du blocage et confrontée au silence persistant de son teneur de compte, Madame H s’est découragée et explique avoir abandonné ses démarches pour vendre ses parts.

En août 2022, souhaitant transférer son compte-titres ordinaire vers un autre établissement et constatant que l’établissement X avait affecté un cours nul (égal à zéro) aux parts de l’ETF dont elle était titulaire, Madame H s’est à nouveau rapprochée du service client pour faire part de son mécontentement quant à l’impossibilité d’arbitrer sur son ETF, tout en signifiant que, même si le cours avait chuté, il n’était pas nul.

En septembre 2022, l’établissement X a finalement pris l’attache de Madame H pour lui préciser que les parts de son ETF ne pouvaient être vendues puisque l’initiateur de ce produit, une société de gestion américaine, n’avait pas communiqué de document d’informations clés, ni avant, ni après l’entrée en vigueur du règlement PRIIPs.

L’établissement X a donc indiqué à Madame H, qu’il lui appartenait de prendre contact avec la société de gestion américaine, afin que cette dernière lui fournisse un tel document, et qu’en l’absence de ce document, aucune vente sur cet ETF ne pourrait être opérée.

Insatisfaite de la réponse apportée par l’établissement X, considérant qu’elle aurait dû pouvoir vendre la totalité de ses parts au cours du 20 août 2018, Madame H m’a saisie pour obtenir réparation.

L’instruction

J’ai interrogé le teneur de compte X qui m’a confirmé avoir valorisé les parts de l’ETF à zéro depuis 2018, à la suite de l’entrée en vigueur du règlement PRIIPs. Il m’a informée avoir refusé toute vente sur cet ETF, dès lors que ce dernier n’était, selon l’établissement X, plus en conformité avec la règlementation.

L’établissement X m’a également expliqué que le compte-titres ordinaire de Madame H avait été transféré vers un nouveau prestataire de service d’investissement.

La recommandation

A titre liminaire, je me suis intéressée au règlement PRIIPs, applicable depuis le 1er janvier 2018, soit après l’acquisition des parts d’ETF par Madame H.

Ce règlement s’applique à tous les « produits d’investissement packagé de détail » (PRIIP), dont la définition intègre bien les ETF, qui sont des instruments financiers destinés à répliquer fidèlement les variations d’un sous-jacent, à la hausse comme à la baisse.

Ainsi, depuis le 1er janvier 2018, il revient à l’initiateur d’un produit packagé de rédiger un document d’informations clés, conformément l’article 5 du règlement PRIIPs et il appartient, en vertu de l’article 13 du règlement, au teneur de compte de fournir aux investisseurs de détail ce même document.

Si le Règlement PRIIPS ne permet pas à un produit packagé dépourvu d’un document d’information clés d’être commercialisé auprès de clients de détail, il m’est apparu que l’absence d’un tel document ne devait évidemment pas empêcher un investisseur ayant acquis le dit produit antérieurement à l’entrée en application du Règlement de le revendre De fait, si c’est à bon droit que l’établissement X en a interdit la souscription, il m’a semblé tout à fait anormal que la vente des parts de cet ETF ait été refusée à Madame H, qui en l’espèce, avait déjà une position ouverte sur ce titre en portefeuille.

En effet, l’obligation de rédiger et de communiquer un document d’informations standardisé aux investisseurs avant toute souscription a pour but fondamental d’éclairer leur consentement en leur permettant de comparer les principales caractéristiques d’un produit et les risques qui y sont associés.

Or, dans ce dossier, j’ai considéré que le fait pour un teneur de compte de conditionner la vente des parts souscrites avant l’entrée en vigueur du règlement PRIIPs à l’obtention du document d’informations clés, n’était manifestement pas fondé.

Au vu de ces éléments, j’ai proposé à l’établissement X d’indemniser Madame H à hauteur du produit de la vente de la totalité de ses parts, qu’elle aurait pu effectuer le 20 août 2018, comme elle l’avait demandé.

Concernant la ligne de parts d’ETF valorisée à zéro qui subsistait sur le compte-titres ordinaire de Madame H chez son nouvel intermédiaire financier, au vu des difficultés relatives à la vente de titres étrangers et de l’absence de document d’informations clés, j’ai indiqué à la cliente qu’une solution était, parallèlement à une indemnisation, de procéder au désistement des titres. Cette opération permet de supprimer définitivement la ligne du portefeuille, ce qui a été accepté par le professionnel.

La leçon à en tirer

Le document d’informations clés introduit par la règlementation européenne PRIIPs est un document précontractuel permettant d’éclairer le consentement des investisseurs au moment de la souscription. C’est un document synthétique dans lequel sont présentés de manière homogène pour tous les produits financiers : la nature juridique du produit, l’objectif de gestion, la stratégie d’investissement, le niveau de risque, les coûts et charges ainsi que les scenarii de performance.

En outre, il est clair que, depuis l’entrée en vigueur de PRIIPs, les produits américains packagés entrant dans le champ de ce règlement, qui ne seraient pas assortis du document d’informations clés, ne peuvent plus être commercialisés.

Il n’en reste pas moins que la règlementation doit être appliquée avec bon sens et, dans une situation comme le cas d’espèce, doit nécessairement se poser la question de l’application de la loi dans le temps.

Dans ce dossier, même en l’absence de document d’informations clés, l’établissement X aurait dû permettre à Madame H de vendre ses parts dès août 2018, puisque ces dernières avaient été acquises avant l’entrée en vigueur de PRIIPs et étaient, de fait, déjà inscrites en portefeuille. Ainsi, le refus non fondé de l’établissement X a porté préjudice à Madame H, qui s’est retrouvée avec des parts d’ETF sur son compte-titres ordinaire sans pouvoir les vendre alors que leurs valeurs chutaient.

En outre, ce dossier rappelle qu’investir sur des titres étrangers entraine parfois des déconvenues, dès lors que la règlementation applicable peut être différente de celle appliquée dans l’Espace économique européen, ce qui peut générer des conflits dans l’application des normes juridiques.

[ [1] ] L’entrée en vigueur du règlement a été différée au 1er janvier 2023 pour les fonds d’investissement.