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13e colloque de la Commission des sanctions - Discours de Marie-Hélène Tric, Présidente de la Commission des sanctions - Lundi 5 octobre 2020

13e colloque de la Commission des sanctions - Discours de Marie-Hélène Tric, Présidente de la Commission des sanctions - Lundi 5 octobre 2020

Seul le prononcé fait foi

Bonjour à tous,

Je vous accueille bien chaleureusement, que vous soyez présents ou nous suivant à distance, à notre 13ème colloque de la Commission des sanctions.

Je suis navrée des conditions de cet accueil, alors que ce rendez-vous annuel se veut habituellement convivial et nous donne l’occasion de rencontres amicales, ce qui n’est pas possible cette année.

Je suis d’autant plus désolée que c’est la dernière fois que vous subissez mon discours, puisque j’aurai atteint dix années de participation aux travaux de la Commission des sanctions lors du Colloque de 2021.

C’est pourquoi, avant de me lancer dans l’exposé classique des évènements de l’année, je tiens à vous dire quelques mots : permettez-moi de faire un rapide bilan de ce qui m’a le plus marquée au cours des dernières années.


D’abord, la procédure de sanction n’a cessé d’évoluer : après l’exclusion du rapporteur du délibéré, le rôle du représentant du Collège en séance et la publicité de celle-ci, est apparue, point très important, lors de la phase de l’enquête, la lettre circonstanciée. Elle permet aux intéressés de connaître la position des enquêteurs avant le dépôt de leur rapport et de faire des observations en réponse, apportant ainsi une possibilité de discussion de la position des enquêteurs qui est de nature à éclairer le Collège lorsqu’il prend sa décision de notifier ou non des griefs. Un processus similaire, la restitution des documents, existe en fin de contrôle. C’est comme on l’a dit, « un soupçon de contradictoire » dans une procédure préalable à la notification de griefs qui, selon la jurisprudence, ne bénéficie pas des droits de la défense mais seulement de la garantie de la loyauté des enquêteurs et contrôleurs.

L’AMF a établi une charte de l’enquête et du contrôle qui garantit cette loyauté.

Ensuite, la composition administrative, créée dans un souci d’économie de moyens, de rapidité et d’efficacité, représente aujourd’hui la moitié de nos décisions. Après avoir été réservée aux manquements professionnels, elle recouvre aussi les abus de marché. L’accord passé entre le Secrétaire général et le mis en cause doit être homologué par la Commission des sanctions. Si le rôle de la commission est moins visible, il n’en est pas moins important. J’ai rappelé à chaque colloque que la Commission des sanctions n’est pas une simple chambre d’enregistrement qui se contente d’apposer un tampon sur l’accord conclu entre le Secrétaire général et le mis en cause, mais qu’elle examine le dossier de façon approfondie. Cependant, les textes, très laconiques, ne disent rien du pouvoir de la commission, ce qui explique la situation, exceptionnelle il est vrai, qui a donné lieu à l’arrêt du Conseil d'Etat dont le président de l'AMF vous parlera tout à l'heure.

Enfin, un travail continu est entrepris pour que la motivation de nos décisions soit précise et complète tout en restant concise.

Nous avons allégé les visas et adopté un plan : exposé des faits et de la procédure, motivation et décision. L’exposé des moyens de défense s’est enrichi. Nous écrivons en style direct, en langage plus simple tout en restant technique, avec des phrases courtes, des titres et des paragraphes bien distincts et enfin, nous numérotons les paragraphes. Nous espérons aussi avoir rendu plus clair notre dispositif.

En outre, il a été décidé de publier, en même temps que la décision, un communiqué de presse en français et en anglais.

Nous faisons ainsi un effort constant pour que nos décisions soient bien comprises et pédagogiques.

Décision après décision, nous tentons d’apporter de la clarté sur la façon dont les règles doivent s’appliquer, aidés en cela par la défense compétente et combative des personnes mises en cause.

Mais la règlementation ne cesse d’évoluer, de s’étendre à de nouveaux domaines et de se compliquer, tant en droit interne qu’en droit européen, tout en restant très générale et parfois lacunaire. 

C’est ainsi que nous sommes amenés à faire œuvre jurisprudentielle, par exemple en matière d’imputabilité des manquements, ou par l’adoption de grands principes de la procédure pénale. Si nous le faisons, c’est parce que c’est le devoir de la Commission des sanctions de participer à la mission de la régulation financière de l’AMF, en toute indépendance et toujours avec l’objectif de protection de l’intégrité du marché et de l’intérêt des investisseurs.

Nos décisions permettent une clarification de la doctrine par exemple, l’information financière diffusée par les sociétés cotées nous a conduits à rendre plusieurs décisions largement commentées. Le grand principe auquel la communication financière obéit est simple : les sociétés doivent diffuser au marché dès que possible toute information privilégiée. Elles peuvent cependant, sous leur responsabilité et sous certaines conditions, en différer la diffusion. Reste à la Commission d'apprécier dans chaque cas ce qu'il en est.

De même, nous avons défini la qualification de CIF et les obligations qu’entraîne cette qualité. Encore, nous avons tracé clairement la ligne de partage entre un bien courant, tel un tableau, une bouteille de vin, un panneau solaire etc., et un bien divers qui fait l’objet d’opérations qui ne doivent pas échapper au contrôle de l’AMF.  

Pendant ces dernières années, la commission des sanctions a vu des changements textuels, nationaux ou européens, tels les règlements MAR et EMIR. Elle les a appliqués ou a apporté des précisions sur leur application. Ainsi, régulièrement, la commission a dû apprécier le caractère plus doux ou plus sévère des dispositions nouvelles pour déterminer si elles sont applicables aux procédures en cours. Je note que la position prise par la commission n’a pas été discutée sur ces points.

Je constate que les juridictions de recours nous confortent le plus souvent dans notre analyse.

Il me semble qu’il reste un travail très important à effectuer, c’est l’étude de la jurisprudence de nos homologues afin de vérifier quelle est leur application ou interprétation des textes et la façon dont ils caractérisent les griefs et les sanctionnent.

Ce travail n’est pas facile car si nous connaissons bien les décisions de la Cour Européenne des Droits de l'Homme et de la Cour de Justice de l'Union Européenne, nous avons beaucoup plus de mal pour celles des commissions des sanctions nationales en Europe.


Mais, revenons à l’heure présente. Comme tous, nous faisons face à la crise sanitaire mondiale qui nous frappe.

1/ Evidemment, cette crise a affecté l’activité de la Commission des sanctions, tant sur le plan pratique que sur le déroulement de la procédure. C’est ce dont je vais vous parler en premier.

En pratique la crise s’est traduite par :

  • le report de plusieurs séances de la commission à des dates ultérieures ;
  • le rallongement des délais d’instruction du fait du report de certaines auditions et de la prolongation des délais d’observations des mis en cause en réponse aux notifications de griefs et aux rapports des rapporteurs.

Nous avons géré cette crise avec un double objectif :

  • assurer un plein respect des droits de la défense ;
  • maintenir des délais raisonnables de traitement des dossiers et éviter de prendre du retard pour les prochaines affaires ; il en va de l’intérêt des mis en cause eux-mêmes qui attendent d’être jugés dans des délais raisonnables ;

Ce double objectif est rempli :

  • les mis en cause et leurs avocats ont pu bénéficier de délais supplémentaires pour préparer leur défense tout au long de l’instruction du dossier et ce jusqu’à la séance de la commission ;
  • pour autant nous avons évité un trop grand dérapage des calendriers procéduraux : au 31 décembre 2020 nous devrions avoir tenu 14 séances de la commission sur l’année, ce qui n’est pas très éloigné de notre objectif initial qui était de 17 à 18 séances ; ce léger retard par rapport à nos prévisions devrait être rattrapé au 1er semestre 2021, si en tout cas la situation sanitaire nous le permet.
  • de plus nos délais de traitement sont restés corrects ; ils se sont mêmes encore améliorés au 1er semestre.


Mais à côté de la maîtrise du temps, la crise sanitaire nous a conduit à accélérer le recours à la dématérialisation des procédures et des échanges qui était déjà en cours, mais toujours avec la préoccupation d’assurer un respect optimal des droits de la défense des personnes mise en cause.

C’est pourquoi nous avons décidé d’en faire le thème de la 1ère table-ronde de ce colloque :

Au-delà de la question de la dématérialisation, il s’agira d’aborder les grands enjeux et les questions pratiques soulevés par l’entrée des nouvelles technologies dans les procédures de sanction AMF et, d’une manière plus large, dans les procédures répressives et administratives, et leurs conséquences sur les droits de la défense. Cette thématique sera ainsi l’occasion de traiter des questions liées aux données ainsi qu’à la préservation des secrets et de la vie privée. Il s’agira sur ces différents sujets tout à la fois de traiter des questions que les nouvelles technologies posent aujourd’hui et d’adopter une approche plus prospective.


2/ Mais revenons à un sujet plus classique et voyons le bilan de l’année écoulée depuis le dernier colloque du 4 octobre 2019.

Nous avons des chiffres en baisse compte tenu du report de certaines séances, mais il reste un bon nombre d’affaires qui sortent de l’ordinaire, que ce soit en raison de la nouveauté des questions juridiques qu’elles soulèvent, de leurs enjeux de place ou encore des sanctions prononcées.

Les chiffres à ce jour sont les suivants :

  • Nombre de décisions de sanction : 14
  • Nombre de décisions d’homologation d’accords de composition administrative : 13 (dans 10 dossiers différents)
  • Décisions des juridictions de recours :
    • Cour d’appel de Paris : 6
    • Conseil d’Etat : 6 => 3 décisions au fond en matière de sanctions, 2 ordonnances du juge des référés, 1 décision de recours contre un refus d’homologation de composition administrative dont le président de l'AMF vous parlera.

J’ai relevé 5 des dossiers à forts enjeux que je vous résume maintenant sans entrer dans les détails, mais vous pourrez vous reporter à leur publication sur le site AMF, ainsi qu’au communiqué de presse en français et en anglais :

Commission des sanctions :

  • CDS 4 décembre 2019 : sanction d’une banque d’investissement pour manipulation du cours d’obligations souveraines et d’un contrat à terme sur obligations souveraines ; sanction de 20 millions d’euros (sanction la plus forte avec celles prononcées dans un autre dossier).
  • CDS 11 décembre 2019 : diffusion par une agence de presse de fausses informations contenues dans un faux communiqué de presse ; sanction de 5 millions d’euros.
  • CDS 24 janvier 2020 : première sanction d’un PSI pour la violation de ses obligations professionnelles issues du règlement européen EMIR ; sanction de 500 000 euros.
  • CDS 17 avril 2020 : sanction de deux gestionnaires de fonds d’investissement pour la violation de leurs obligations déclaratives dans le cadre d’une offre publique d’achat simplifiée ; sanctions pécuniaires de 15 et 5 millions d’euros (en cumulé, sanction équivalente en montant avec deux autres dossiers).
  • CDS 28 juillet 2020 : sanction d’un groupe industriel et de son ancien président-directeur général pour diffusion d’une fausse information ; sanctions de 5 millions d’euros contre la personne morale et de 50 000 euros contre la personne physique.

Plusieurs de ces décisions font l’objet d’un recours, comme c’est le cas désormais de la plupart de nos décisions. Je n'en parlerai pas en détail car le président de l'AMF en parlera en conclusion.

Si l’année a été marquée par des sanctions pécuniaires importantes, la Commission des sanctions a également prononcé plusieurs sanctions professionnelles dans des dossiers issus de contrôles mettant en cause des professionnels régulés par l’AMF :

  • 1 avertissement, 2 blâmes, 7 interdictions professionnelles d’une durée de 5 ans, soit un total de 10 sanctions dans 5 dossiers différents.


Les importantes sanctions tant pécuniaires que professionnelles prononcées au cours de l’année par la Commission des sanctions nous conduisent naturellement à nous interroger sur leur impact : impact sur les personnes morales et physiques sanctionnées mais aussi impact sur les autres acteurs, professionnels régulés, émetteurs, investisseurs et épargnants.

Au-delà, c’est aussi sur les conséquences de la jurisprudence de la Commission des sanctions qu’il nous paraît utile de se pencher. C’est donc le sujet de notre seconde table ronde.

Avant de donner la parole aux intervenants, je tiens à remercier notre keynote speaker, M. Jean François Bonhert, procureur du Parquet national financier, qui, malgré sa charge de travail, a accepté bien volontiers de nous apporter son précieux point de vue, ainsi que chacun de nos intervenants, que nous avons cherché dans un panel varié de personnalités compétentes et qui vous seront présentés par notre modérateur.

Merci aussi à notre modérateur, Maxence Delorme, directeur de l’instruction et du contentieux, qui nous apporte ici, comme dans l’instruction des dossiers, une aide efficace et dynamique.

Merci encore à la direction de la communication qui a dû et su gérer la préparation de ce colloque dans des circonstances peu favorables.

Enfin, la Commission des sanctions remercie M. le président Robert Ophèle qui nous fera l’honneur de clôturer nos travaux par des propos que nous attendons avec un grand intérêt.

Et sans plus tarder, je laisse la parole à M. le procureur Bonhert.