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Audition de Robert Ophèle, président de l'AMF - Commission des lois de l’Assemblée nationale - Mission d’information sur l’évaluation de la loi dite Sapin 2 - 24 mars 2021

Audition de Robert Ophèle, président de l'AMF - Commission des lois de l’Assemblée nationale - Mission d’information sur l’évaluation de la loi dite Sapin 2 - 24 mars 2021

Seul le prononcé fait foi

De très nombreuses dispositions de la loi Sapin 2 ont concerné d’une manière ou d’une autre l’Autorité des marchés financiers mais, dans mes propos introductifs, je vais me concentrer sur deux thématiques, les apports de la loi en matière de protection des épargnants et en matière d’efficacité de la procédure répressive, laissant les autres points concernant par exemple les lanceurs d’alerte, la lutte contre la corruption ou le « say on pay » pour les questions ultérieures.

En matière de protection des épargnants, la loi Sapin 2 a permis trois avancées significatives :

  • elle a instauré un dispositif d’interdiction de la publicité pour des produits financiers hautement spéculatifs,
  • elle a renforcé l’encadrement de l’intermédiation en biens divers,
  • elle a facilité le blocage des sites internet proposant des produits financiers dans des conditions illicites.

La loi Sapin 2 a donc notamment introduit dans le code monétaire et financier un dispositif d’interdiction des communications à caractère promotionnel portant sur certains contrats financiers hautement spéculatifs. Cette interdiction a été précisée par le règlement général de l’AMF et par une position de l’Autorité. Le dispositif était complété par des dispositions introduites dans le code de la consommation concernant les annonceurs, diffuseurs et autres prestataires de la publicité ainsi que les opérations de parrainage ou de mécénat.

Le dispositif législatif concerne :

  • les communications à caractère promotionnel adressées par voie électronique à des clients susceptibles d’être non professionnels ;
  • relatives à la fourniture de services d'investissement portant sur des contrats financiers OTC c’est-à-dire non admis sur un marché réglementé (MR) ou sur un système multilatéral de négociation (SMN) ;
  • relevant d’une catégorie définie par le règlement général AMF et présentant l’une des caractéristiques précisées : risque maximal inconnu à la souscription, risque de perte supérieur au montant investi ou inintelligibilité du profil rendement/risque.

Notre règlement général a donc défini les contrats concernés ; ce sont les options binaires, certains contrats sur différences (CFD) et certains contrats financiers Forex. La position est venue préciser sous forme de questions/réponses les conditions dans lesquelles les prestataires peuvent continuer de promouvoir certains contrats financiers qui, quoi que proches, ne répondraient pas aux caractéristiques décrites dans le règlement général. Elle précise notamment, s’agissant des CFD, la mise en place nécessaire d’un mécanisme dit de « protection intrinsèque », c’est-à-dire limitant la perte possible à 100 % de chaque position.

Ces dispositions nationales se combinent depuis 2018 avec les dispositions issues de la réglementation européenne, MIFIR, qui donnent aux autorités compétentes nationales, donc à l’AMF, et à l’AEMF-ESMA (Autorité européenne des marchés financiers) des pouvoirs d’interdiction de commercialisation. L’ESMA a d’ailleurs immédiatement utilisé son pouvoir pour interdire la commercialisation, sur l’ensemble de l’Union, des options binaires et de certains CFD risqués. L’ESMA ne pouvant cependant procéder qu’à des interdictions pour une période limitée, elle a passé le témoin aux autorités nationales qui ont, elles, la capacité de décider d’interdictions sans limitation de durée. L’AMF, comme la plupart des autorités nationales, ont ainsi repris à l’identique le dispositif ESMA à compter de l’été 2019.

Ce dispositif MIFIR a un champ d’application plus large que celui issu de Sapin 2 puisqu’il :

  • ne concerne pas uniquement la publicité mais la possibilité même de proposer ces produits en France ou depuis la France ;
  • ne concerne pas uniquement les contrats OTC mais également les contrats admis sur un MR/SMN (marché réglementé/système multilatéral de négociation) et couvre également les CFD et options binaires structurées sous forme de titres financiers (securitised derivatives).

Le périmètre des CFD couverts par les deux dispositifs MIFIR et Sapin 2 sont cependant légèrement différents puisque l’approche européenne exige, pour qu’ils soient admis à la commercialisation, qu’il y ait un dispositif automatique de clôture par compte alors que pour la publicité nous exigeons en France un dispositif de clôture par position ce qui est plus protecteur pour l’investisseur.

Le déploiement de MIFIR ne fait donc au final pas obstacle au maintien du dispositif Sapin 2 dès lors que ce dernier :

  • vise et permet d’encadrer également, via le code de la consommation, la pratique des publicitaires/annonceurs ;
  • est plus protecteur dans certaines de ses dispositions, en particulier, stop loss garanti fixé à 100 % par position.

Il est toutefois envisagé d’harmoniser à la marge les exigences pesant sur les fournisseurs de CFD en matière d’avertissement standard à faire figurer dans la communication promotionnelle, en se limitant au pourcentage de clients « perdants ».

L’introduction de la loi Sapin 2 puis l’adoption des mesures MIFIR, le nombre de réclamations des investisseurs en lien avec ces produits (CFD et options binaires) a très nettement diminué. Ainsi, alors que l’AMF enregistrait en 2015, s’agissant des options binaires, près de 1200 réclamations et, s’agissant des CFD, 477 réclamations, ces chiffres ont rapidement baissé avec, s’agissant des options binaires 63 réclamations en 2018 puis une quasi-disparition de ces offres et, s’agissant des CFD, 185 réclamations en 2018. La baisse plus limitée pour les CFD n’est pas surprenante puisque, ne s’agissant pas d’une interdiction générale, le dispositif est plus difficile à faire respecter. Il a d’ailleurs nécessité la mise en place d’une nouvelle activité de surveillance au sein de l’AMF.

Compte tenu de la double accroche juridique du texte dans le code monétaire et financier et dans le code de la consommation, l’AMF a ainsi développé une coopération avec la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes, avec l’Autorité de Régulation des Professionnels de la Publicité puisque tous les professionnels de la publicité peuvent être passibles de sanctions  pénales et avec le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel. C’est l’ensemble de ce dispositif qui a permis de rendre la mesure efficace. Entre l’année de la mise en place de la loi Sapin 2 et l’année 2019, le volume de publicités non conformes relatives aux CFD est en baisse de 89 % avec 10 cas en 2019. La mesure a donc démontré son efficacité avec une bonne prise en compte par les acteurs.

Les prestataires de services d’investissement (PSI) récalcitrants, principalement des acteurs agissant en libre prestation de services, ont systématiquement été contactés par l’AMF afin qu’ils mettent leurs communications promotionnelles en conformité avec la loi. Nous avons également exigé de certains PSI qu’ils fournissent une attestation technique prouvant l’effectivité du mécanisme de protection intrinsèque du contrat de CFD.

Au cours de la période récente, une certaine remontée des offres a pu cependant être constatée due à des stratégies de contournement mises en place avec des plateformes situées hors de l’espace économique européen, souvent en lien avec des acteurs agissant en LPS (libre prestation de service) faisant partie du même groupe.

La loi Sapin 2 a également renforcé le régime de l’intermédiation en bien divers en alignant le régime de contrôle préalable de l’AMF sur les propositions d’investissement relevant des biens divers 2 (biens pour lesquels est « mise en avant la possibilité d’un rendement financier direct ou indirect ou ayant un effet économique similaire ») sur celui des biens divers 1 (visant à « souscrire des rentes viagères ou acquérir des droits sur des biens mobiliers ou immobiliers lorsque les acquéreurs n'en assurent pas eux-mêmes la gestion ou lorsque le contrat leur offre une faculté de reprise ou d'échange et la revalorisation du capital investi »).

L’AMF a ainsi fixé dans son règlement général et dans une instruction trois catégories de garanties exigées d’un placement de biens divers destiné au public :

  • celles que doivent présenter les personnes qui prennent l’initiative de l’opération, qui recueillent les fonds des investisseurs ou gèrent les biens : conditions d’honorabilité, de compétence, d’expérience et d’organisation ;
  • les garanties supplémentaires requises de l’intermédiaire permettant par exemple :
    • de protéger les sommes correspondant aux souscriptions des investisseurs, aux produits devant leur revenir et aux droits qu’ils ont acquis ;
    • d’assurer une bonne valorisation des biens au moment des souscriptions et, le cas échéant, à les assurer ;
  • enfin, les garanties liées aux documents d’information et contrats type. Ils doivent être complets, cohérents et compréhensibles ; ils doivent être accompagnés du rapport d’un expert indépendant, des éléments justifiant du respect des garanties précitées et des projets de communications à caractère promotionnel.

Sur cette base, une liste blanche a pu être constituée recensant les offres enregistrées par l’AMF et donc licites. A ce jour, ce sont seulement 7 offres qui ont été enregistrées, 6 offres dans le vin et une dans la forêt. D’autres dossiers sont en cours d’agrément mais l’instruction est en général longue et délicate sur le plan juridique.

Ce dispositif a également conduit l’AMF, dans le cadre d’une nouvelle activité de surveillance des offres atypiques, d’alimenter les alertes au public et sa liste noire de « biens divers ». Nous utilisons notamment des outils de détection avancée de ces offres, basés sur l’intelligence artificielle et s’appuyant notamment sur un partenariat avec l’association Signal Spam. Ce sont ainsi 350 adresses internet qui ont été placées sur la liste noire des sites non autorisés ; on observe d’ailleurs le développement de nouvelles formes d’offres illégales avec l’apparition de « supermarchés de placements atypiques » proposant sur le même site Internet des offres variées de placements  dans des cheptels de vaches laitières, du cannabis thérapeutique, des forêts, des panneaux photovoltaïques, puis en 2020, des valeurs dites « patrimoniales ou refuge » comme le vin, le whisky puis le champagne, ou  encore l’or ou les conteneurs maritimes.

S’agissant du blocage des sites proposant de façon illégale des produits financiers, il est important de souligner les apports de la loi Sapin 2 qui a doté l’AMF de la possibilité d’engager de façon plus simple une action judiciaire pour obtenir le blocage de l’accès à ces sites. Alors que la loi Sapin 2 visait initialement les offres de services d’investissement en ligne par des prestataires non agréés, ce dispositif a été étendu par la loi Pacte à diverses offres effectuées par des acteurs non régulés : offres de financement participatif par des personnes ne disposant pas d’un agrément, offres de biens divers diffusées sans validation préalable par l’AMF, offres de services sur actifs numériques par des acteurs non enregistrés …

Concrètement, le Président de l’AMF, après avoir fait constaté par huissier l’accessibilité du site au public français, envoie désormais une mise en demeure aux éditeurs des sites (alors qu’auparavant il devait les assigner) et, en cas d’inobservation, il saisit le président du Tribunal judiciaire de Paris et sollicite le blocage de l’accès aux sites par les 9 opérateurs de télécommunication fournissant en France des accès internet ; les décisions rendues sont définitives et non plus provisoires puisque l’audience a lieu « en la forme des référés » et non plus simplement « en référé » classique. Depuis l’entrée en vigueur de cette mesure, les procédures de demande par l’AMF de blocage de l’accès aux sites illicites en justice ont concerné au total 114 sites Internet et ont permis d’obtenir 74 ordonnances ou jugement de blocage imposant la fermeture de 150 adresses Internet liées aux sites concernés. A ce dernier nombre, il convient d’ajouter 68 adresses de sites Internet fermées postérieurement à la réception d’un acte de procédure de l’AMF mais avant l’audience, soit un total de 218 adresses Internet rendues inaccessibles.

Pour la première fois en octobre 2020, l’AMF a fait usage de la possibilité offerte par la loi Pacte de demander le blocage de l’accès à des sites proposant des placements financiers de biens divers non autorisés et le Tribunal judiciaire de Paris a ordonné la fermeture de 6 adresses internet relatives à 3 sites proposant illégalement ces investissements.

Ces chiffres sont positifs mais il faut avoir en tête qu’ils sont obtenus grâce à une forte mobilisation de l’appareil d’Etat et que, malgré cela, la fermeture d’un site peut demander environ 9 mois (entre le moment où il est identifié et celui où il est fermé suite à une décision du tribunal). Dans ce contexte, on pourrait s’interroger sur l’opportunité d’une procédure administrative, plus rapide, laissant la main à l’AMF avec possibilité de recours.

Mais le pouvoir de bloquer l’accès à un site internet est un pouvoir exorbitant et en conséquence confié en principe exclusivement au juge judiciaire. En 2009, lors de la discussion parlementaire de la loi relative au projet de loi sur « l’ouverture à la concurrence et à la régulation des jeux d’argent et de hasard en ligne », la question du recours à une décision administrative avait précisément été posée. Dans ce cadre, divers arguments tenant au souci de rapidité et d’efficacité, au caractère proportionné de l’atteinte à la liberté concernée et à son encadrement, ainsi qu’à la gravité des troubles constatés et au respect des droits de la défense, avaient ainsi été présentés au soutien de la proposition visant à conférer à l’Autorité de régulation des jeux en ligne, le pouvoir de bloquer l’accès aux sites illégaux ; mais cela n’avait pas été retenu. Plus récemment, dans sa décision du 18 juin 2020, le Conseil constitutionnel a déclaré inconstitutionnelle la disposition de la loi « Avia » visant à lutter contre les contenus haineux sur internet imposant aux opérateurs de plateforme de retirer un contenu manifestement illicite dans un délai rapide aux motifs notamment de l’absence d'intervention préalable d'un juge.

Ainsi, à ce jour, le champ du blocage administratif sans recours au juge est donc relativement étroit.

Au-delà de ces blocages ou interdiction de commercialisation, il faut en tout état de cause avoir conscience des limites des pouvoirs de l’AMF dans ce domaine des produits atypiques. Ils ne concernent que les intermédiaires qu’elle régule et les offres publiques. Cela se prête aux contournements, via des initiateurs non régulés ou régulés dans d’autres pays ou via la constitution de sociétés supports de moins de 150 porteurs de parts. Ainsi dans de nombreux cas, les initiateurs sont poursuivis – ou pas – par les procureurs ou par l’autorité du pays d’origine, l’AMF se limitant à poursuivre les distributeurs français, souvent des conseillers en investissements financiers (CIF).

La loi Sapin 2 a également significativement renforcé l’arsenal répressif de l’AMF ; au-delà de l’habilitation donnée pour transposer en droit français la directive européenne MAD (market abuse directive), elle a étendu le périmètre des sanctions et relevé leur montant maximum ainsi qu’élargi le champ de la transaction (composition administrative) instaurée en 2010 à l’ensemble des manquements, y compris aux abus de marché.

La composition administrative constitue une méthode rapide et efficace pour traiter des cas simples de manquement à la réglementation, tout particulièrement, s’agissant du contrôle des intermédiaires régulés, lorsque des sanctions disciplinaires ne sont pas envisagées.

La procédure est la suivante : le Collège notifie des griefs mais propose la voie transactionnelle en mandatant le Secrétaire général pour négocier à la fois la somme à verser au Trésor Public et les remédiations à apporter. En cas d’accord, le Collège valide la composition administrative et la transmet pour homologation à la Commission des sanctions, une fois homologuée la composition administrative est publiée sans possibilité d’anonymisation. Entre la notification de griefs et l’homologation la durée est d’environ 8 mois alors qu’en l’absence de composition administrative, c’est-à-dire en cas de décision de la Commission des sanctions, le délai est d’environ 16 mois.

85 dossiers ont donné lieu à la signature de 100 transactions, dont 96 publiées à ce jour. Sur ces 100 transactions, 20 transactions relèvent sur le domaine des enquêtes (abus de marché, information financière des émetteurs, seuils…) dont 17 en matière d’abus de marché (manipulations de cours ou initiés).

La Commission des sanctions a naturellement la possibilité de refuser l’homologation d’une composition administrative ; elle l’a fait à deux reprises. Le second refus a cependant posé un problème au Collège en raison de sa motivation particulièrement lapidaire se limitant à indiquer « que les griefs soulèvent des questions nouvelles sur le fond qui doivent être tranchées par la Commission des sanctions ». Avec l’accord du Collège, j’ai donc fait un recours auprès du Conseil d’Etat pour défaut de motivation. Le Conseil d’Etat a confirmé en 2020 le refus d’homologation en considérant que la Commission des sanctions devait, entre autres, vérifier que l’accord n’était pas « inapproprié au regard de l’exigence de répression des manquements » et que, par ailleurs, la motivation d’un refus pouvait être faite « de manière succincte ». Cette décision, qui dans une certaine mesure applique à la composition administrative de l’AMF les principes de la CRPC (comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité) ou de la CJIP (convention judiciaire d’intérêt public), a d’ailleurs fait l’objet d’une large publicité par le Conseil d’Etat qui a, à cette occasion, qualifié de « sanction » le contenu d’un accord de composition administrative.

Compte tenu de cette décision du Conseil d’Etat, il est devenu pour le moins problématique, tant pour le Collège de l’AMF que pour les personnes incriminées, de s’engager sur la voie d’une procédure transactionnelle alors que l’accord, une fois conclu, sera désormais qualifié de « sanction » bien qu’il écarte toute reconnaissance de culpabilité, sachant, en outre, qu’il pourrait ne pas être homologué car pouvant être considéré comme inapproprié, et ce, avec une motivation très succincte. Le Collège de l’AMF a donc émis le souhait d’une évolution législative afin de pouvoir encadrer la procédure et réserver les cas de non-homologation à des erreurs de droit ou de fait et aux erreurs manifestes d’appréciation ; pour ma part je m’oppose désormais quasi systématiquement, lors des délibérations du Collège, à l’entrée en composition administrative.

La loi SAPIN 2 a étendu le champ des manquements, relevé le niveau maximum des sanctions et précisé les conditions d’anonymisation des décisions de la Commission des sanctions.

Elle a ainsi étendu aux dossiers de contrôle le manquement d’entrave qui existait dans les dossiers d’enquête. A ce jour, il a été retenu par la Commission des sanctions dans un seul dossier de contrôle, non pas à l’encontre du professionnel régulé, mais à l’encontre de tiers au contrôle. Dans ce dossier, la CDS a sanctionné 3 sociétés liées à la société faisant l’objet du contrôle pour avoir refusé de communiquer aux contrôleurs leurs grands-livres qui leur avaient été demandés dans le cadre du contrôle portant sur une société appartenant au même groupe qu’elles et dirigée par la même personne. La Cour d’appel de Paris a récemment rejeté le recours formé par ces trois sociétés (CA Paris, 16 février 2021), confirmant donc la faculté pour la CDS de prononcer un manquement d’entrave à l’encontre de tiers à la procédure de sanction.

Comme par ailleurs, dans deux dossiers d’enquête, des manquements d’entrave ont été sanctionnés par la CDS, ce manquement a donc été retenu à seulement 3 reprises depuis son introduction. C’est cependant une disposition particulièrement utile pour la bonne conduite des enquêtes et des contrôles en raison de sa dimension dissuasive. Par ailleurs, la Commission des sanctions sanctionne régulièrement le défaut de diligence et de loyauté vis- à-vis des contrôleurs sur le fondement d’une disposition du règlement général de l’AMF, par exemple en cas de délai excessif dans la transmission de documents.

Le quantum maximum des sanctions a également été relevé par la loi Sapin 2. Avant le 11 décembre 2016, les personnes physiques placées sous l’autorité d’une personne régulée encouraient au maximum une sanction pécuniaire de 15 M€ pour un abus de marché et 300 000 € pour les manquements aux obligations professionnelles.

Depuis la loi Sapin 2, les personnes physiques placées sous l’autorité d’une personne régulée encourent une sanction de 15 M€, quel que soit le manquement.

S’agissant des personnes morales, la limite maximale a été portée au montant le plus élevé entre 100 M€ et 15 % du chiffre d’affaires consolidé.

Aucune sanction prononcée par la CDS à l’encontre d’une personne physique placée sous l’autorité d’une personne régulée n’a cependant approché ces 15 M€ et le critère du chiffre d’affaires n’a pas encore été retenu toutes les sanctions restant éloignées de ces maximums.

On observera d’ailleurs que la Commission des sanctions a tendance à retenir des sanctions inférieures au montant demandé par le Collège et que les juridictions de recours réduisent parfois ces montants. Afin d’endiguer cette tendance, un recours incident est désormais systématiquement déposé lorsque le mis en cause fait un recours principal alors que la Commission des sanctions a retenu une sanction inférieure à celle demandée par le Collège.

La France demeure toutefois le pays de l’Union européenne où la répression des manquements semble la plus stricte. Le maximum théorique des sanctions en France est de très loin le plus élevé de l’Union – nous sommes ainsi les seuls à avoir retenu un plafond de 100 M€ la plupart des pays ayant retenu le minimum du maximum fixé par les textes européens ; l’AMF est l’autorité qui surveille le plus étroitement les marchés, non seulement via les transactions mais également via les carnets d’ordres ; c’est l’autorité qui sanctionne le plus sévèrement les manipulations de marché. Cette situation est problématique alors que c’est une seule et même réglementation qui est censée s’appliquer dans l’Union.

La loi Sapin 2 a également revisité la procédure de publication et d’anonymisation des décisions de la Commission des sanctions et des juridictions de recours.

Depuis 2016, la CDS a ordonné la publication de l’ensemble des décisions rendues en matière de sanction, à l’exception des décisions statuant sur une demande de récusation d’un membre de la CDS. Par principe, la CDS ordonne la publication des décisions rendues sous forme non anonymisée à l’encontre des personnes sanctionnées et sous forme anonymisée à l’encontre des personnes mises hors de cause. Les exceptions sont très rares (deux cas depuis 2016). Pour renforcer le caractère pédagogique de ces sanctions, chaque publication est accompagnée depuis 2019 par un communiqué de presse en français et en anglais, présentant de façon synthétique la décision.

Il importe cependant d’être conscient des menaces qui s’accumulent sur l’action de l’AMF en matière de répression des abus de marché ; je fais tout particulièrement référence au possible arrêt, suite à aux décisions de la CJUE (Cour de justice de l’union européenne), de la conservation des données de connexion, si utiles dans les cas de manquements ou délits d’initiés ; j’ai également en tête la contestation désormais presque systématique des actes de procédure et des décisions de la Commission des sanctions, qui mobilise de plus en plus significativement les équipes de l’AMF, retarde les enquêtes et allonge les délais pour disposer d’une jurisprudence définitive.

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11 mars 2024
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