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Discours de Benoît de Juvigny, secrétaire général de l’AMF - Fintech R:Evolution, Jeudi 20 octobre 2022

Discours de Benoît de Juvigny, secrétaire général de l’AMF - Fintech R:Evolution, Jeudi 20 octobre 2022

Seul le prononcé fait foi

Bonjour à toutes et tous,

C’est un plaisir de vous retrouver aujourd’hui pour cette septième édition de Fintech R:Evolution, l’événement annuel de France Fintech, et je remercie Alain Clot pour son invitation.

Cet événement s’inscrit dans le cadre de la French Fintech Week à laquelle l’AMF et l’ACPR prennent part. J’ai rappelé hier dans le cadre du Forum Fintech AMF-ACPR à quel point le secteur des fintechs est essentiel dans la construction du paysage économique français. Nous nous réjouissons de voir que les chiffres du baromètre France Fintech sont porteurs d’optimisme, tant en termes de levées de fonds que de développement en France et à l’international.

Comme vous le savez, nous sommes très engagés à l’AMF dans le soutien au développement des fintechs et de l’innovation dans le secteur financier. Notre plan stratégique sur 5 ans #Supervision2022 s’est achevé cette année. Il était nourri de l’expérience des années précédentes qui ont vu l’éclosion d’innovations technologiques majeures et l’AMF a pleinement pris en compte à la fois les opportunités qu’elles peuvent représenter pour l’industrie financière ou les épargnants, pour la Place et son attractivité, mais également les risques qu’elles peuvent comporter. Nul doute que notre prochain plan stratégique sera sur cette ligne et que l’innovation dans le secteur financier et la finance digitale seront les grands enjeux de demain pour l’AMF. Il est toujours essentiel pour nous, régulateurs, de conserver un bon équilibre entre la promotion de l’innovation – qui sert à développer de nouveaux services, à renforcer la concurrence et à rendre les marchés plus efficients – à la protection des investisseurs, à l’intégrité du marché (LCB-FT comprise) et au soutien de la Place.

Le premier de nos engagements – je l’ai rappelé hier – est celui d’accueillir vos projets innovants. C’est la vocation de notre équipe dédiée « Innovation et Finance Digitale » qui est à votre disposition et que vous pouvez contacter. Celle-ci a rencontré plus de 800 porteurs de projets ces 5 dernières années, ce qui témoigne du dynamisme du secteur des fintechs, ce dont nous pouvons nous réjouir.

Une part significative de ces rendez-vous l’a été pour des sociétés du secteur des crypto-actifs, secteur qui s’est considérablement développé ces dernières années. J’interviens aujourd’hui dans ce cadre pour vous livrer un regard, actuel et prospectif, sur les grands enjeux de cet écosystème.

De fait, depuis 5 ans, à l’AMF, nous nous sommes efforcés d’accompagner, en France et en Europe, le développement du recours aux technologies de registre distribué dans la finance, ou technologie blockchain. Nous l’avons fait sans a priori, considérant qu’il fallait encourager l’essor d’un écosystème diversifié.

Notre cible prioritaire était naturellement les titres financiers « traditionnels » (« security tokens »), couverts par des réglementations européennes, et il fallait une évolution de celles-ci pour permettre les expérimentations sur la blockchain. Notre ambition était, dès l’origine, une mise en place d’un régime dérogatoire sur un périmètre significatif mais limité. Les marchés financiers sont une mécanique de précision qu’il convient de ne pas déstabiliser indûment. C’est désormais chose faite avec le règlement européen sur un régime pilote pour les infrastructures de marché reposant sur la technologie blockchain – ou « Régime Pilote » - qui a été publié au Journal officiel de l’Union européenne le 2 juin 2022 et qui, dès mars 2023, permettra d’agréer dans l’Union européenne des projets avec un certain nombre d’exemptions réglementaires. Nous nous sommes battus pour que ce régime pilote soit suffisamment ouvert pour attirer des porteurs de projets ambitieux et, de fait, certaines contraintes ont effectivement été allégées au cours des négociations comme vous pouvez le constater en comparant le texte final et la proposition initiale de la Commission. Nous verrons rapidement si ce régime est un succès et, dans cette perspective, la capacité des banques centrales de proposer des jetons de monnaie banque centrale aux acteurs de marché sera probablement décisive. Si tel était le cas, cela serait porteur à terme d’une véritable révolution dans la structure des marchés financiers, que ce soit dans le trading, avec la capacité d’interagir sans intermédiaire sur le marché, ou sur le post-trading avec un règlement-livraison presque immédiat. Sachez que l’AMF s’est mise en ordre de bataille pour proposer les évolutions législatives françaises qui sont nécessaires, pour accueillir et accompagner les porteurs de projets français, en particulier fintech, vers l’agrément et pour participer, au sein de l’ESMA, à la finalisation du cadre réglementaire européen.

La loi PACTE a, de son côté, posé en 2019 les bases d’un encadrement des activités sur actifs numériques qui ne sont pas des titres financiers. Nous avions estimé qu’un régime franco-français, mis en place dans une phase relativement précoce de l’essor des activités sur crypto-actifs et traitant d’opérations sans ancrage territorial solide, devait être souple. L’enregistrement des prestataires de services sur actifs numériques a donc été rendu obligatoire pour pouvoir toucher une clientèle française, mais c’est une procédure très légère, et l’agrément, qui assure un encadrement et une supervision plus complets, est resté optionnel comme le visa de l’AMF sur les ICO. C’était assumé car nous pensions que les rendre obligatoires n’avait de sens que dans le cadre plus vaste de l’Union européenne.

A ce jour, le Collège de l’AMF a enregistré plus de 50 PSAN ce qui a permis de construire un écosystème national dynamique. En revanche, et pour des raisons diverses, aucun n’a, à ce stade, été agréé.

Or, vous le savez, l’enregistrement est fondé uniquement sur la pertinence des dispositifs de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme ainsi que sur la qualité et l’honorabilité des dirigeants. C’est un progrès par rapport à des prestataires localisés dans des pays exotiques souvent peu regardants mais cela ne garantit en rien la qualité de l’organisation interne ni n’assure la protection des clients du prestataire.

Or le monde des crypto-actifs a changé depuis 5 ans et en particulier au cours de ce premier semestre 2022. Les valorisations ont été fortement impactées, des défauts en chaîne de certains acteurs internationaux sont intervenus et des promesses n’ont pas été tenues : cela met à mal la crédibilité de tout l’écosystème. Même si les acteurs installés en France ne sont pas à l’origine de ces problèmes, ils en sont fatalement des victimes collatérales.

Certes, ces effondrements sont restés limités au monde des crypto-actifs sans effet notable sur la finance traditionnelle, mais ils ont mis en évidence les interactions à l’intérieur de ce périmètre des crypto-actifs, ainsi que les effets de levier qui se sont constitués sur la base de la Finance décentralisée. Est-ce une crise de croissance et un assainissement salutaire ou est-ce plus grave ? L’avenir nous le dira, mais notre message est clair aujourd’hui. Si les prestataires sur crypto-actifs souhaitent regagner de la confiance, il faut impérativement rechercher l’agrément. Seul l’agrément présente un niveau de garantie suffisant pour limiter les risques qui se sont matérialisés ces derniers mois et dernières semaines, [vous avez vu le problème récent avec un PSAN qui a été radié]. Or l’agrément des PSAN va, de fait, devenir obligatoire dans le cadre du régime européen MiCA qui a été finalisé il y a quelques jours. Cet agrément est très proche de l’agrément français, et ce n’est pas le fruit du hasard.

Le règlement MiCA est accueilli très favorablement par l’AMF qui a travaillé de près à sa construction. Ce texte très vaste introduira un cadre harmonisé au sein de l’Union européenne pour les marchés de crypto-actifs. Il sera favorable aux clients, aux épargnants, qui pourront avoir confiance en leurs prestataires, mais également aux sociétés qui opèrent sur ce marché qui pourront se développer dans toute l’Union européenne par une logique de passeport, et ainsi gagner de nouvelles parts de marché.

Mais, on le sait, le règlement MiCA - et l’obligation d’agrément des prestataires – n’entrera en vigueur probablement que dans deux ans environ, si on intègre le délai incompressible de finalisation du texte avec sa traduction dans les différentes langues de l’Union et sa parution au Journal officiel, auquel s’ajoutera une période de transition supplémentaire de 18 mois pour les acteurs opérant en conformité avec les réglementations nationales. De nombreux textes d’application devront également être publiés par les autorités européennes de supervision.

Dans la situation actuelle et pour un secteur en pleine croissance, c’est à l’évidence très long, et mon conseil aujourd’hui, pour préserver l’écosystème dynamique que nous avons désormais en France, est de ne pas attendre pour se mettre à niveau. La recherche de l’agrément PSAN dès maintenant permettra une transition plus souple vers l’agrément MiCA, et je suis persuadé que les PSAN agréés bénéficieront d’un avantage comparatif très notable par rapport aux PSAN simplement enregistrés. Sachez que l’AMF va travailler à la convergence du cadre d’agrément français vers le cadre européen, cela nécessitera sûrement des modifications législatives et prendra du temps, mais nous espérons ainsi que la transition vers MiCA pour les acteurs en sera simplifiée.

Je vous remercie de votre attention et vous souhaite à tous une belle journée d’échanges constructifs.