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Discours de Benoît de Juvigny, secrétaire général de l'AMF - Forum Fintech AMF-ACPR, Mercredi 19 octobre 2022

Discours de Benoît de Juvigny, secrétaire général de l'AMF - Forum Fintech AMF-ACPR, Mercredi 19 octobre 2022

Seul le prononcé fait foi

Photo Forum Fintech BdJ 19 oct 22

Monsieur le Gouverneur, Monsieur le Ministre, chers amis,

C’est un plaisir de vous retrouver aujourd’hui pour cette troisième édition du Forum Fintech AMF-ACPR.

Comme vous le savez, nous sommes très engagés à l’AMF dans le soutien au développement des fintechs et de l’innovation dans le secteur financier. Notre plan stratégique sur 5 ans #Supervision2022 qui s’achève cette année, fait la part belle à l’accompagnement de l’innovation.

Le premier de nos engagements – je le rappelle – est celui d’accueillir vos projets innovants. C’est la vocation de notre équipe dédiée « Innovation et Finance Digitale » qui est à votre disposition et que vous pouvez contacter. Celle-ci a rencontré plus de 800 porteurs de projets ces 5 dernières années, ce qui témoigne du dynamisme du secteur des fintechs, ce dont nous pouvons nous réjouir.

Le secteur fintech se porte donc bien, très bien même, si l’on en juge par les levées de fonds. Selon les chiffres publiés dans une récente étude(1), elles atteignent en cumul près de 2 Mds € sur le 1er semestre 2022, soit une croissance de 27 % par rapport au premier semestre 2021 ce qui fait de la France le 1er écosystème fintech dans l’Union européenne. Egalement, les modèles s’internationalisent et les recrutements s’intensifient, qui feront nous l’espérons les champions européens et internationaux de demain dans de nombreux secteurs. Ces éléments sont positifs mais doivent nous rappeler que l’enjeu de compétitivité de l’Union reste central et doit être pris en compte, y compris dans nos processus de réglementation ou de révision des textes.

Nul doute que l’innovation et la finance digitale occuperont une place de choix dans notre futur plan stratégique qui sera réalisé sous l’égide de notre prochaine Présidente. Les défis en cours et à venir pour la supervision et la régulation des marchés financiers en France et en Europe devront prendre en compte les nouvelles technologies apportées par le secteur et les régulateurs se devront ainsi de trouver le bon équilibre entre une approche favorable aux innovations, protectrice des épargnants ainsi que de la sécurité des marchés et de la lutte anti blanchiment.

L’année passée, Robert Ophèle évoquait ici le paquet législatif sur la finance digitale de la Commission européenne qui était alors en cours de négociation entre les co-legislateurs européens. Celui-ci comprend 3 propositions législatives ambitieuses qui sont globalement arrivées à bon port [MiCA, Régime Pilote et DORA](2).

Permettez-moi de dire un mot sur les deux briques essentielles de ce dispositif pour le développement de la blockchain et l’utilisation des crypto-actifs en Europe : les règlements Régime Pilote et MiCA.

Le règlement européen sur un régime pilote pour les infrastructures de marché reposant sur la technologie blockchain – ou « Régime Pilote » - a été publié le 2 juin 2022. Il est inspiré des travaux de l’AMF en 2019 et je salue le caractère résolument pro-innovation de ce dispositif. Ce régime pilote, d’une durée initiale de trois ans, pouvant être portée à six ans, lève certaines exigences du cadre réglementaire existant, temporairement, afin de permettre aux opérateurs d’infrastructures de marché et aux nouveaux entrants, en particulier les fintechs, d’utiliser la technologie blockchain pour exploiter un système multilatéral de négociation et/ou un système de règlement-livraison sur des instruments financiers tokénisés (ou « security tokens »). Ce régime permettra aux acteurs comme aux régulateurs nationaux et européens d'acquérir une expérience significative quant à l'utilisation de la technologie blockchain dans le cadre des activités de marché. La création de ce régime est innovante puisque, pour la première fois, un texte européen d’application directe autorise certains acteurs de marché à déroger à certaines exigences de la règlementation de droit commun, sous certaines conditions.

Je crois que cette démarche est saine ; elle permet d’apporter une dose de flexibilité dans un environnement qui est réglementairement contraint. Je trouve très positif que nous nous dotions en Europe de tels dispositifs et l’AMF est d’ores et déjà pleinement engagée dans sa mise en œuvre. Nous avons déjà identifié des candidats potentiels mais n’hésitez pas à nous contacter dès maintenant sans attendre l’entrée en application du texte prévue fin mars 2023. L’AMF aura à cœur d’accompagner les acteurs dans ce régime.

S’agissant du règlement européen sur les marchés de crypto-actifs (« Markets in Crypto-Assets » ou « MiCA »), là encore je salue cette initiative. Même si nous disposons d’un régime national avec la loi Pacte qui nous a permis de construire un écosystème national dynamique, il était très clair pour nous depuis le début que l’encadrement d’un tel environnement n’avait de sens qu’à une échelle européenne. Nous avons donc accueilli très favorablement la proposition de la Commission de doter l’Europe d’un cadre complet pour les crypto-actifs et avons participé de près à sa construction, en particulier au 1er semestre 2022 en apportant notre soutien à la présidence française du Conseil de l’Union européenne. Grâce à MiCA, l’Europe fait un pas en avant vers l’harmonisation. Ce texte permettra notamment aux prestataires de services sur actifs numériques français – les PSAN – qui auront obtenu l’agrément MiCA, d’étendre leur activité en Europe par une logique de passeport.

Le texte vient d’être finalisé début octobre, nous devons donc continuer de travailler avec les acteurs et les associations professionnelles afin d’anticiper les prochaines étapes et d’accompagner la transition du cadre français vers le cadre européen, mais notre message est clair : le temps de l’enregistrement selon le régime français, fondé uniquement sur la pertinence des dispositifs de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme ainsi que sur la qualité et l’honorabilité des dirigeants, va bientôt toucher à sa fin. J’invite les acteurs à rechercher dès maintenant un niveau d’exigence supérieur qui sera prochainement obligatoire via le règlement MiCA. Cette mise à niveau est nécessaire afin d’apporter les garanties suffisantes pour limiter les risques – nous l’avons vu ces derniers mois – et de regagner la confiance du public et des investisseurs.

Néanmoins, les réflexions règlementaires doivent nous permettre de voir loin et d’anticiper les évolutions technologiques et les prochaines échéances qui façonneront le paysage fintech de demain. C’est la raison pour laquelle nous avons choisi ce matin, conjointement avec l’ACPR, d’organiser deux tables rondes sur les thèmes de l’Open Finance et de la Finance Décentralisée, qui seront, j’en suis sûr, passionnantes.

La première fait écho aux travaux de la Commission européenne qui a lancé cet été des consultations pour permettre, d’une part, de réaliser le bilan de l’Open banking, qui a permis le partage des données collectées par les institutions bancaires avec d'autres sociétés, et, d’autre part, d’ouvrir les réflexions sur l’Open Finance, le but étant d’encourager le développement de nouveaux business models pour développer la concurrence et proposer des services financiers inédits. Il est certain qu’une telle ouverture nécessitera une attention particulière des régulateurs qui devront s’assurer que ces nouveaux services servent à l’intérêt des clients et s’appuient sur des prestataires sérieux et robustes en terme de protection, de garanties et de sécurité des données.

La deuxième table ronde abordera le sujet de la finance décentralisée et de ses incidences règlementaires. La finance décentralisée – ou DeFi –  est un système financier nouveau et alternatif au carrefour (i) de la blockchain, (ii) des crypto-actifs, (iii) des services financiers, nouveaux ou existants, (iv) d’acteurs décentralisés avec ou sans entités « contrôlantes ». La croissance récente de cet écosystème a engendré la création d’une multitude d’applications et des nombreux acteurs, parfois PSAN, se sont positionnés pour offrir des services DeFi à leurs clients. Comme toute évolution technologique, celle-ci apporte également son lot de risques et nous avons vu, notamment au 1er semestre, que ces protocoles pouvaient engendrer des risques importants de perte pour les investisseurs, voire de fraude étant donné l’absence de réglementation à ce jour. Peu d’autorités financières se sont exprimées sur la Finance décentralisée, tant ce phénomène est difficile à appréhender juridiquement, mais les réflexions européennes et internationales se poursuivent pour envisager le rôle que devront jouer les superviseurs pour encadrer cet écosystème.

Ces débats sont importants et témoignent du dynamisme des acteurs en France. Les régulateurs doivent s’en nourrir et continuer sur la voie d’une régulation agile et ouverte, en renforçant leurs expertises et en adaptant leurs modes de fonctionnement et d’intervention. C’est dans cette ambition que se sont inscrites nos actions ces dernières années et que nous façonnerons nos priorités de supervision à venir.

Je vous souhaite à tous une belle journée d’échanges constructifs.

[ 1 ] France Fintech, 1er juillet 2022

[ 2 ] (i) un Règlement sur les marchés de crypto-actifs (Regulation on Markets in Crypto Assets, ou MiCA) ; (ii) un régime dédié aux infrastructures de marché qui souhaitent négocier et régler des opérations sur instruments financiers sous forme de crypto-actifs (Pilot regime for market infrastructures based on distributed ledger technology, ou « régime pilote ») ; (iii) une proposition de loi sur la résilience opérationnelle numérique (Digital Operational Resilience Act, ou DORA) ; ainsi (iv) qu’un projet de directive modifiant un certains nombres de textes, principalement en complément du projet de Règlement DORA (appelé « petite DORA »).