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Discours de clôture de Marie-Anne Barbat-Layani, présidente de l'AMF - Les 20 ans de l’Autorité des marchés financiers - Jeudi 23 novembre 2023
Seul le prononcé fait foi
Mesdames, Messieurs,
Chers amis,
Nous arrivons au terme de ces échanges, et il me revient de prononcer le discours de clôture.
Je voudrais, en premier lieu, remercier très sincèrement l’ensemble des intervenants qui ont retracé, chacun à leur manière, l’histoire de l’AMF, et qui ont contribué à dessiner des enjeux qui guideront notre action pour le futur.
Il y a 20 ans, à l’occasion de l’installation de l’AMF, Francis Mer avait souligné l’ambition des pouvoirs publics, à travers la loi de sécurité financière : il s’agissait de disposer d’une « autorité efficace et puissante, tant sur le plan national qu’international ».
Francis Mer souhaitait une « tour de contrôle vigilante du marché », disposant de « tous les moyens lui permettant d’agir avec fermeté et rapidité ».
Il entendait également rendre le système de régulation français plus lisible, et ainsi permettre à l’AMF de « peser un plus grand poids sur la scène internationale ». Il a souhaité la pleine indépendance de l’AMF et c’est évidemment essentiel.
En 2023, cette vision continue à guider notre action.
Mais nous sommes également confrontés à un contexte radicalement différent, dont la caractéristique majeure est sans doute l’accélération des changements comme leur multiplicité. C’est pourquoi nous avons souhaité approcher aujourd’hui, en donnant la parole à des intervenants pluridisciplinaires et de différents pays, le rôle de régulateur dans ce monde en mutation.
En 20 ans, le monde a changé. Il serait difficile de citer toutes les évolutions qui nous impactent en tant que régulateur, mais en voici quelques-unes :
- nous avons connu des crises financières et extra-financières – je pense à la pandémie de Covid 19 – majeures, qui ont conduit à des renforcements tout aussi majeurs de la régulation financière et à la mise en exergue de la problématique de la stabilité financière, qui figure désormais dans les missions de l’AMF. C’est d’autant plus important que la finance non bancaire a connu un essor considérable ;
- la réglementation européenne a pris une ampleur considérable : elle est devenue la source principale de nos travaux ;
- le Brexit a eu un impact fondamental. La place financière de Londres était le « poumon financier » de l’Union européenne. Il revient désormais à l’Europe continentale de prendre en main son destin dans ce domaine ;
- face à une accélération des changements climatiques, le « verdissement » de la finance est devenu un enjeu majeur, que la France porte plus que tout autre pays ;
- l’impact de la digitalisation et, plus récemment, de l’intelligence artificielle sur l’univers financier et les épargnants est considérable ;
- enfin, nous sommes confrontés à des bouleversements sociétaux : dans les modes de consommation, comme dans les modes d’information. Gilles Finchelstein en a donné un aperçu tout à l’heure en soulignant la difficulté paradoxale, pour une institution fondée sur l’expertise, d’inspirer la confiance.
Être régulateur dans cet univers caractérisé par des mutations multiples, rapides et structurelles, cela implique d’exercer en permanence sa curiosité, d’être ouvert et à l’écoute de l’ensemble des parties prenantes, d’anticiper, de savoir se remettre en question, pour comprendre les évolutions et leurs impacts, sans a priori, et pour prendre des positions claires et judicieuses.
De manière plus conjoncturelle, il nous faut également tenir compte d’un environnement macroéconomique complexe, aujourd’hui marqué par le retour de l’inflation et la remontée des taux d’intérêt.
De tout cela, nous devons anticiper et identifier les risques pour adapter notre action et nos priorités de supervision, et donner les bons signaux à la Place.
Au rôle de « tour de contrôle » fixé par Francis Mer, j’ajoute donc celui de boussole.
Quelques mots de nos priorités stratégiques pour la période 2023-2027
Au nombre de six, elles témoignent à la fois de notre fidélité à notre ADN et de notre adaptation à ces nouveaux enjeux. Nous nous fixons pour ambition :
- d’être un régulateur exigeant pour la première place financière européenne ;
- d’avoir une action internationale et européenne forte ;
- de protéger les investisseurs et les épargnants ;
- de promouvoir une finance plus durable ;
- d’accompagner l’innovation ;
- et, socle essentiel de notre action, d’être une autorité attractive pour nos collaborateurs, et performante, au service de l’intérêt général.
Notre première orientation stratégique, c’est d’être :
Un régulateur exigeant au service de la première place financière de l’Union européenne.
Cette priorité traduit une conviction forte : la qualité et l’exigence de la régulation sont des atouts pour le développement d’une place financière. Le développement de la Place de Paris en témoigne.
L’AMF affirme donc son positionnement de régulateur exigeant et attentif à l’attractivité de la Place financière.
C’est la vision française de la finance que nous souhaitons porter, celle d’une finance intègre et utile, au service de l’économie réelle.
L’exigence du régulateur passe par l’utilisation et l’adaptation de tous nos outils : veille, surveillance, supervision, contrôles et, lorsque c’est nécessaire, sanctions.
Cette exigence, nous la posons aussi vis-à-vis de nous-mêmes, en évitant la sur-réglementation et notamment la sur-transposition des textes européens.
C’est dans cet esprit que nous abordons, par exemple, la mise en œuvre prochaine des textes européens sur les fonds d’investissements de long terme, dits « ELTIF 2 » et nous répondrons présents pour contribuer à tous les travaux sur l’attractivité de la Place de Paris qu’évoquait le directeur général du Trésor.
Nous considérons que la compétitivité de la Place de Paris est un enjeu essentiel pour le financement de notre économie et de sa transition vers un modèle à la fois plus durable et plus innovant. Cela nécessite, on le sait, des investissements considérables : nous avons donc besoin d’un secteur financier puissant et utile pour répondre à ces objectifs.
Nous avons également besoin d’un secteur financier solide pour assurer l’autonomie stratégique de la France et de l’Union européenne.
De par son poids dans l’Union européenne, la Place de Paris assume en effet une responsabilité première en la matière.
Cette première priorité stratégique trouve ainsi son prolongement naturel dans notre action européenne et internationale.
« Une action internationale forte » : c’est ainsi que nous avons défini notre deuxième priorité stratégique
Je me réjouis que de plus en plus de voix s’élèvent à la suite des ministres des finances français et allemand pour appeler à la relance de l’Union des marchés de capitaux. C’est un enjeu majeur pour l’Europe, comme l’a rappelé Stéphanie Yon-Courtin.
L’AMF s’engage à être force de proposition et à soutenir les initiatives visant à relancer l’Union des marchés de capitaux. Dans ce cadre, je le rappelle, nous appelons de nos vœux un renforcement du rôle de l’Autorité européenne de supervision des marchés financiers, l’ESMA, dont la présidente, Verena Ross, vient de s’exprimer devant nous.
Les marchés doivent en effet se développer pour répondre aux besoins financiers européens, qui sont, comme pour la France, le financement de la transition énergétique et de la transition digitale et assurer l’autonomie stratégique de l’Europe en matière de financement.
Au-delà de l’Union des marchés de capitaux, nous nous fixons deux priorités au niveau européen : contribuer à la qualité de la réglementation et encourager la convergence des pratiques de supervision sur une base exigeante. C’est le sens de notre engagement auprès de l’ESMA.
Au niveau international, les enjeux de stabilité financière et le développement des innovations sont au cœur des travaux de l’OICV. Jean-Paul Servais, son président, en a rappelé tout à l’heure le rôle. L’AMF poursuivra son implication forte dans ces travaux.
Je me tourne maintenant vers notre troisième priorité stratégique : la protection des épargnants, qui est en réalité la première de nos priorités.
On ne protège pas les épargnants et les investisseurs comme autrefois, à l’heure des réseaux sociaux, des influenceurs, de la « gamification » et de l’intelligence artificielle.
C’est un vrai défi pour l’AMF qui doit adapter ses outils, ses moyens et son mode de raisonnement à cet environnement nouveau.
Pour être plus efficace, il faut d’abord mieux comprendre : c’est pourquoi nous venons de faire réaliser par l’OCDE, avec l’appui de la Commission européenne, un portrait des « nouveaux investisseurs ».
Nous observons en effet deux phénomènes intéressants : le rajeunissement des investisseurs et un réel regain d’intérêt pour l’investissement.
L’objectif de ce travail, très riche d’enseignements, c’est d’adapter ensuite nos actions de pédagogie financière. Il s’agit de savoir s’adresser à des investisseurs qui s’informent principalement sur les réseaux sociaux et via les influenceurs. Cela justifie pleinement notre action en vue de mieux encadrer les « fin-influenceurs ».
Autre enseignement clef de l’étude de l’OCDE : la moitié des nouveaux investisseurs a investi dans les crypto-actifs.
C’est une évolution majeure pour l’AMF, en charge, avec l’ACPR, de réguler ce secteur depuis la loi PACTE. Elle met en évidence la nécessité d’accompagner les prestataires de services sur actifs numériques qui doivent se préparer à la mise en œuvre d’une régulation plus exigeante et plus protectrice des investisseurs avec le règlement européen MICA.
D’ores et déjà, nous participons, par ailleurs, aux réflexions sur une réglementation plus adaptée aux acteurs globaux du monde de la crypto, qui pourrait, en Europe, prendre la forme d’un règlement « MICA 2 ».
Il nous faut également renforcer notre capacité de veille et nos outils pour mieux lutter contre les arnaques.
Nous souhaitons pour ce faire donc élargir nos possibilités de recours à l’identité d’emprunt, et nous doter d’outils de veille et de surveillance sur les réseaux sociaux qui nous permettent d’exploiter de manière automatisée des données publiques. Nous espérons qu’un véhicule législatif pourra être trouvé prochainement pour porter cette évolution majeure.
Je souhaite évoquer maintenant notre quatrième priorité : promouvoir une finance plus durable.
La transition énergétique est une priorité collective et une urgence absolue. Les échanges de la deuxième table-ronde l’ont rappelé, s’il en était besoin : les attentes sont très fortes.
Pour répondre à ces attentes, la qualité de l’information délivrée est clé. Mais il est important d’établir au préalable un langage commun. Qu’est-ce qu’une activité durable ? Qu’est-ce qu’un investissement durable ? Et comment être certain qu’un investissement que l’on qualifie de vert est vraiment vert ?
De ce point de vue, la réglementation avance rapidement. Nous nous préparons à une véritable révolution avec la mise en œuvre de la directive sur le reporting de durabilité des entreprises (CSRD), qui est l’une des pièces maitresses du Pacte Vert pour l’Europe de la Commission européenne. Ce texte introduit des exigences de transparence très nettement renforcées, y compris sur les plans de transition climatique, et une vérification obligatoire de l’information par un tiers. C’est une évolution majeure, qui doit rapprocher, à terme, la qualité du reporting extra-financier de celle du reporting financier des entreprises.
S’agissant du monde financier, les investisseurs sont en demande de repères clairs. Cela se traduit par des attentes fortes en matière de labellisation des produits financiers.
Dans l’univers des fonds d’investissement, les travaux réalisés au niveau national sur le label ISR, comme ceux entrepris par l’ESMA sur la dénomination des fonds, doivent permettre de mieux répondre aux attentes des investisseurs. Ce sera aussi un enjeu majeur de la revue du règlement SFDR.
En tant que régulateur, nous avons la charge de veiller à la bonne mise en œuvre de la réglementation en matière de finance durable, en utilisant l’ensemble des outils à notre disposition, y compris lorsqu’il s’agit de lutter contre le « greenwashing » ou éco-blanchiment.
Cet objectif, nous le mettons en œuvre au quotidien, au travers de notre action de supervision, une action invisible mais dont il ne faut pas sous-estimer l’importance. Il s’agit de veiller à ce que l’information soit exacte, sincère et non trompeuse. Nous n’écartons évidemment pas l’option de la sanction en cas de manquement avéré à la réglementation.
Par ailleurs, dans le contexte d’une réglementation qui avance très rapidement, et qui reste parfois incomplète ou complexe, nous menons auprès des acteurs financiers un important travail de pédagogie, de clarification et d’information sur les règles applicables.
Nous venons ainsi de publier notre deuxième étude sur le Reporting taxonomie des sociétés cotées non financières. Ces constats permettront, nous l’espérons, d’encourager les sociétés à améliorer leurs efforts de communication sur la durabilité de leurs activités.
Nous menons également des contrôles thématiques à visée pédagogique, souvent dans le cadre d’actions de supervision communes coordonnées par l’ESMA. En juin dernier, nous avons ainsi publié le résultat d’une série de contrôles visant à s’assurer que les sociétés de gestion se mettent bien en situation de respecter leurs engagements contractuels en matière de durabilité.
Nous rendons ainsi publiques nos attentes, ce qui signifie que nous ne prenons personne en traître, mais aussi que le radar est annoncé sur le bord de la route, et que les gendarmes ne sont pas loin.
J’ai évoqué plus tôt l’ADN favorable à l’innovation de l’AMF. Dans notre plan stratégique, nous avons réaffirmé avec force notre positionnement de régulateur ouvert à l’innovation. Accompagner l’innovation est notre grande cinquième grande priorité.
Cela se traduit par un dialogue régulier avec l’écosystème de l’innovation et le développement d’une compétence forte des équipes de l’AMF. Plusieurs sujets nous occupent actuellement parmi lesquels l’ouverture de l’accès aux données financières, la finance décentralisée, mais aussi de manière croissante, l’intelligence artificielle évoquée par Gary Gensler. Celle-ci est source d’opportunités. Nous utilisons déjà nous-mêmes des outils à base d’intelligence artificielle pour la surveillance des marchés, et nous en mesurons toute l’efficacité.
Elle peut aussi être source de risques nouveaux, notamment pour la stabilité financière, sur lesquels nous travaillons notamment avec nos homologues au sein de l’OICV.
Notre dernière orientation stratégique porte sur notre propre organisation : être une autorité attractive pour ses collaborateurs, et performante, au service de l’intérêt général.
Bien que ce soit notre « socle essentiel », je n’y reviendrai pas en détail, car Francis Mer avait bien souligné dès la création de l’AMF l’importance de lui donner les moyens de répondre à ses objectifs… et cela n’a évidemment pas changé.
Avec nos orientations stratégiques, que je viens de rappeler, nous nous sommes fixé une ambition forte : être un régulateur à fort impact. C’est d’ailleurs le nom que nous avons donné à notre plan stratégique : « Impact 2027 ».
Être à la hauteur aujourd’hui des objectifs fixés il y a 20 ans nécessite de poursuivre le développement de l’AMF. Elle est aujourd’hui un régulateur reconnu et respecté, en France comme à l’international.
Ses missions se sont multipliées, avec notamment la régulation de la finance durable et des crypto-actifs, qui n’existaient évidemment pas lors de sa création. L’AMF est aussi devenue le régulateur de la première place financière européenne. C’est une belle réussite et une immense responsabilité.
Cette réussite, nous la devons, d’abord à la qualité des équipes de l’AMF, qui sont « le socle essentiel » que j’évoquais. Leur expertise est reconnue, et je tiens à les saluer aujourd’hui.
Pour mener à bien notre mission d’autorité publique indépendante au service de l’intérêt général et faire face au développement de nos missions, nous devons être en mesure d’adapter en permanence notre gouvernance, notre organisation, nos outils et nos moyens humains et financiers.
Etant aujourd’hui à Bercy, je remercie le Ministre Bruno Le Maire pour la reconnaissance apportée en loi de finances à l’AMF, au travers d’une augmentation de ses moyens budgétaires et de son plafond d’emplois, d’autant plus remarquable que les ressources publiques sont rares, mais qui reste modeste au regard de l’ampleur de nos missions.
Et je forme le vœu que le Ministère de l’Economie et des Finances, et plus largement les pouvoirs publics, continuent à être attentifs à donner les moyens à l’AMF de remplir ses missions pour les années à venir.
Nous avons eu un bel anniversaire, je crois.
Je vous propose de le conclure avec un proverbe chinois : « Le meilleur moment pour planter un arbre était il y a 20 ans. Le deuxième meilleur moment est maintenant. ». L’arbre est planté, souhaitons-lui un bel avenir !
Je vous remercie de votre attention.
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Responsable de la publication : Le Directeur de la Direction de la communication de l'AMF. Contact : Direction de la communication, Autorité des marchés financiers - 17, place de la Bourse - 75082 Paris Cedex 02