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Discours de clôture de Robert Ophèle, président de l’AMF – Crypto & Finance Forum - "Saisir l'opportunité de la crypto-finance" - 18 juillet 2022

Discours de clôture de Robert Ophèle, président de l’AMF – Crypto & Finance Forum - "Saisir l'opportunité de la crypto-finance" - 18 juillet 2022

Seul le prononcé fait foi

Bonjour à toutes et tous,

Il est assez symbolique que ma dernière intervention publique en tant que Président de l’AMF soit en clôture du Crypto & Finance Forum.

De fait, depuis 5 ans, à l’AMF nous nous sommes efforcés d’accompagner, en France et en Europe, le développement du recours aux technologies de registre distribué dans la finance ; la digitalisation de la finance est en effet une des priorités du plan stratégique dont nous nous sommes dotés en 2017.

Nous l’avons fait sans a priori, considérant qu’il fallait encourager l’essor d’un écosystème diversifié.

Notre cible prioritaire était naturellement les titres financiers « traditionnels », en premier lieu ceux dont le marché secondaire a une liquidité limitée où ceux dont la connaissance fine des détenteurs est un atout pour gérer au mieux le produit, je pense en particulier aux OPCVM.

Les titres financiers étant couverts par des réglementations européennes, il fallait donc une évolution de celles-ci pour permettre les expérimentations. Notre ambition était, dès l’origine, une mise en place d’un régime dérogatoire sur un périmètre significatif mais limité. Les marchés financiers sont une mécanique de précision qu’il convient de ne pas déstabiliser indûment. C’est désormais chose faite avec le Régime pilote DLT qui, dès le début de l’année prochaine, permettra d’agréer dans l’Union Européenne des projets avec un certain nombre d’exemptions réglementaires. Nous nous sommes battus pour que ce régime pilote soit suffisamment ouvert pour attirer des porteurs de projets ambitieux et, de fait, certaines contraintes ont effectivement été allégées au cours des négociations comme vous pouvez le constater en comparant le texte final et la proposition initiale de la Commission. Nous verrons rapidement si ce régime est un succès et, dans cette perspective, la capacité des banques centrales de l’Eurosystème de proposer des jetons de monnaie banque centrale aux acteurs de marché sera probablement décisif. Si tel était le cas, cela serait porteur à terme d’une véritable révolution dans la structure des marchés financiers, que ce soit dans le trading, avec la capacité d’interagir sans intermédiaire sur le marché, ou sur le post-trading avec un règlement-livraison immédiat. Sachez que l’AMF s’est mise en ordre de bataille pour proposer, avec l’aide du Haut Comité Juridique de Place, le HCJP, les évolutions législatives françaises qui sont nécessaires ; je vous signale à ce titre la publication ce matin du rapport du HCJP sur « La réforme du régime juridique des titres financiers numériques ». L’AMF se mobilise pour accueillir et accompagner les porteurs de projets français vers l’agrément et pour participer, au sein de l’ESMA, à la finalisation du cadre réglementaire européen et participer à la revue des dossiers déposés dans les autres pays de l’Union.

La loi Pacte a, de son côté, posé en 2019 les bases d’un encadrement des activités sur actifs numériques qui ne sont pas des titres financiers.

Nous avions estimé qu’un régime franco-français, mis en place dans une phase relativement précoce de l’essor des activités sur crypto-actifs et traitant d’opérations sans ancrage territorial solide devait être souple. L’enregistrement des prestataires de services sur actifs numériques a donc été rendu obligatoire pour pouvoir toucher une clientèle française, mais c’est une procédure très légère, et l’agrément, qui assure un encadrement et une supervision plus complets, est resté optionnel comme le visa de l’AMF sur des ICO. C’était assumé car nous pensions que les rendre obligatoires n’avait de sens que dans le cadre plus vaste de l’Union Européenne.

La mode des Utility Tokens a fait long feu et, depuis 2019, ce sont les Stable Coins et les NFT qui se sont développés ainsi que les protocoles DeFi.

A ce jour, le Collège de l’AMF a enregistré 41 PSAN et, pour des raisons diverses, aucun n’a, à ce stade, été agréé.

Or, vous le savez, l’enregistrement est fondé uniquement sur la pertinence des dispositifs de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme ainsi que sur la qualité et l’honorabilité des dirigeants. C’est un progrès par rapport à des prestataires localisés dans des paradis réglementaires et qui s’abritent derrière une soi-disant « reverse sollicitation » pour toucher leurs clients. Mais cela ne garantit en rien la qualité de l’organisation interne ni n’assure la protection des clients du prestataire.

Or le monde a changé au cours de ce premier semestre 2022 pour les acteurs du marché des cryptos-actifs. Les désastres se sont enchaînés avec des valorisations en chute libre, des défauts en chaîne et des promesses non-tenues, que ce soit de stabilité de la valorisation ou de rémunération élevée ; cela met sérieusement à mal la crédibilité de tout l’éco-système. Même si les acteurs installés en France ne sont pas à l’origine de ces problèmes, ces problèmes vous affectent directement ; le besoin d’une réglementation plus stricte du secteur fait dorénavant consensus au niveau international et correspond à une attente d’une partie significative de vos clients.

Certes ces effondrements sont restés limités au monde des crypto-actifs sans effet notable sur la finance traditionnelle, mais ils ont mis en évidence les interactions à l’intérieur de ce périmètre des crypto-actifs ainsi que les effets de levier dévastateurs qui se sont constitués sur la base de la DeFi. Il est vrai que le levier sur des actifs dont la valorisation est incertaine et volatile est particulièrement dangereux et a des effets pro-cycliques massifs en cas de deleveraging contraint.

Est-ce une crise de croissance et un assainissement salutaire ou est-ce plus grave ? L’avenir nous le dira, mais mon message est clair aujourd’hui. Si vous souhaitez regagner de la confiance, le temps du simple enregistrement est achevé, il faut impérativement rechercher l’agrément. Seul l’agrément présente un niveau de garantie suffisant pour limiter les risques qui se sont matérialisés ces dernières semaines. Or l’agrément des PSAN va, de fait, devenir obligatoire dans le cadre du régime européen MiCA pour lequel un trilogue a pu aboutir au dernier jour de la Présidence française de l’Union. Cet agrément est très proche de l’agrément français, et ce n’est pas le fruit du hasard.

Mais, on le sait, cette obligation d’agrément dans le cadre de MiCA n’interviendra probablement pas avant deux ans si on intègre le délai incompressible de finalisation du texte avec sa traduction dans les différentes langues de l’Union et sa parution au JOUE ; de plus les acteurs autorisés via les régimes nationaux bénéficieront d’une période transitoire supplémentaire de 18 mois pendant laquelle ils pourront continuer à intervenir, même si le passeport lui ne sera accessible qu’avec l’agrément de plein exercice

Dans la situation de crise actuelle du secteur, c’est à l’évidence beaucoup trop long et mon conseil aujourd’hui, pour préserver l’écosystème dynamique que nous avons désormais en France, est de ne pas attendre pour rechercher l’agrément de l’AMF. Je suis persuadé que les PSAN agréés bénéficieront d’un avantage comparatif très notable par rapport aux PSAN simplement enregistrés, ne serait-ce que parce que les acteurs issus de l’industrie financière traditionnelle, qui sont des partenaires indispensables pour atteindre certaines clientèles, y seront très attentifs. Je peux d’ailleurs vous assurer que l’AMF le valorisera dans sa communication publique.

Je vous remercie de votre attention.