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Discours de Marie-Anne Barbat-Layani, présidente de l'AMF - Conférence annuelle de l’AFG « S’investir ensemble pour 2030 » - Mardi 18 juin 2024

Discours de Marie-Anne Barbat-Layani, présidente de l'AMF - Conférence annuelle de l’AFG « S’investir ensemble pour 2030 » - Mardi 18 juin 2024

Seul le prononcé fait foi

Monsieur le Président (P. Setbon),
Madame la Directrice Générale (L. Delahousse),
Mesdames, Messieurs,

Je vous remercie pour votre invitation à venir m’exprimer devant vous à l’occasion de la Conférence annuelle de l’AFG.

L’industrie de la gestion est à la fois fondamentale pour le financement de l’économie, pour le développement de la Place de Paris dont elle est l’un des fleurons, et pour l’AMF, dont elle est le principal contributeur – en termes de décisions et de sujets de fond, [pas simplement en termes de recettes pour l’Autorité].

C’est pour moi l’occasion de saluer le dynamisme et le professionnalisme de votre association, que je connais bien. Elle joue un rôle très important auprès de l’AMF, pour relayer les objectifs et les préoccupations des acteurs de la gestion d’actifs. L’AFG est force de propositions, ce qui est particulièrement apprécié. Elle est également très réactive quand les évènements le nécessitent. Elle entretient d’excellentes relations avec l’AMF, à tous les niveaux, et en particulier la Direction de la gestion d’actifs et la Direction de la régulation et des affaires internationales.

La qualité des relations du régulateur avec la Place est l’un des objectifs que j’ai annoncés dès mon arrivée à l’AMF. Nous l’avons traduit dans nos orientations stratégiques, avec une attention portée à nos interlocuteurs et une compréhension fine de leurs enjeux, mais aussi la transparence sur nos performances : nous publions chaque année nos indicateurs de performance, et nous sommes engagés à réaliser annuellement une enquête d’image auprès de la Place. Bien sûr, chacun est dans son rôle. Mais nous nous devons d’être à l’écoute : un régulateur ne doit pas être dans sa tour d’ivoire. Cette posture d’écoute et d’interaction est très importante.

Sur un plan plus opérationnel, l’AMF s’efforce de disposer de délais d’instruction compétitifs concernant les acteurs de la gestion d’actifs et veille à maintenir cet avantage compétitif que nous savons apprécié de ces acteurs.

En accord avec les dirigeants de l’AFG, j’axerai ma présentation sur le financement de l’économie française et européenne par les marchés de capitaux. Ce sujet est au cœur de l’excellent document publié récemment par l’AFG : « Europe 2030 : réussir ensemble les transitions vitales ». Il est également central dans la stratégie de l’AMF, qui a fait de l’attractivité de la Place de Paris et de la relance de l’Union des marchés de capitaux des éléments centraux de ses orientations stratégiques 2023-2027 – j’y reviendrai. Ce sujet revêt une importance capitale.

J’organiserai donc mon intervention autour de trois points clefs suivants :

  • L’attractivité de la Place de Paris,
  • L’Union des marchés de capitaux,
  • La supervision européenne et la stabilité financière.

I - L’attractivité de la Place de Paris

  • Les Orientations Stratégiques (« Impact 2027 ») dont s’est dotée l’AMF pour la période 2023-2027 affichent clairement le souhait de faire de la compétitivité de la Place une priorité d’action de l’AMF. Et de le faire sans rien céder de son niveau d’exigence, car la compétence du régulateur est un facteur clef de l’attractivité de la Place de Paris.
  • Au titre de ces Orientations Stratégiques, figure en particulier l’engagement de l’AMF de ne plus sur-réglementer, ni sur-transposer le droit européen, hormis dans des cas exceptionnels mettant en jeu la protection des épargnants. C’est ainsi, par exemple, que l’AMF aborde la mise en œuvre du Règlement ELTIF 2.
  • C’est aussi dans ce contexte qu’est intervenue la loi du 13 juin 2024 visant à accroître le financement des entreprises et l'attractivité de la France. L’AMF a soutenu cette initiative législative et a eu ainsi l’occasion ces derniers mois de contribuer aux réflexions sur les mesures nécessaires pour renforcer les capacités de financement des entreprises depuis la France, moderniser, simplifier et renforcer l’attractivité du droit en faveur de l’économie française.

Sur ces questions, nous avons été force de propositions. En particulier, les mesures visant à développer le financement des PME/ ETI sont à saluer, s’agissant notamment de la simplification des règles d’éligibilité au PEA-PME et dans les fonds d’épargne salariale pour les actions négociées sur un marché de croissance des PME.

Nous avons aussi agi directement en faisant évoluer notre règlement général pour supprimer l’obligation de prévoir une « tranche retail » dans  les introductions en bourse, sécurisant ainsi le choix de Paris pour deux très belles IPOs qui viennent d’intervenir : Planisware et Exosens.

  • Je souhaite également souligner que le financement de l’économie passera à la fois par les professionnels de l’investissement dont vous, adhérents de l’AFG, faites partie, et par les investisseurs de détail.

Certains outils sont déjà en place, et il revient aux acteurs de s’en emparer, de se les approprier, et d’en faire des propositions d’investissement rencontrant les besoins et profils des investisseurs.

Je pense ici à la réglementation ELTIF 2. L’AMF est résolue à renforcer la compétitivité du cadre français afin que Paris soit une place importante de domiciliation des ELTIF au niveau européen. Nous avons ainsi travaillé étroitement avec les services de la DG Trésor à plusieurs mesures en ce sens, en particulier un projet d’ordonnance visant à adapter le cadre législatif de plusieurs types de véhicules de droit français pour faciliter le développement des ELTIF domiciliés en France.

Nous nous sommes mobilisés, car, ce véhicule, dont certains standards techniques d’application - les « fameux » RTS - sont encore en cours de discussion au niveau européen, a vocation à jouer un rôle majeur pour le financement de long terme de l’économie.

Mes services sont d’ores et déjà à disposition de vos adhérents pour recevoir leurs demandes d’agréments au titre du règlement ELTIF 2, sans attendre la finalisation des RTS.

II - L’Union des marchés de capitaux

  • La Place de Paris peut et doit jouer un rôle clef dans le dossier fondamental de relance de l’Union des marchés de capitaux. Ce dossier est fondamental, et recueille enfin un portage politique fort qui peut nous donner quelque espoir de le voir progresser.
  • L’intégration des marchés financiers européens apparaît aujourd’hui comme une nécessité compte tenu des besoins de financement considérables de l’économie européenne : financement de la double transition écologique et digitale, financement de l’industrie de défense européenne…

Les chefs d’Etat européens ont donc placé le sujet de la relance de l’Union des marchés de capitaux au premier rang de leurs priorités politiques. C’est en effet un prérequis pour que l’Union européenne finance son autonomie stratégique.

  • C’est précisément le sens des rapports d’Enrico Letta et de la mission Noyer, publiés en avril dernier, et qui plaident en faveur de l’Union des marchés de capitaux, rebaptisée par Enrico Letta « Union de l’épargne et de l’investissement ».
  • C’est aussi le sens du rapport, très important, publié par l’ESMA intitulé « Construire des marchés de capitaux plus efficients et attractifs en Europe » publié le 22 mai 2024. Ce papier, qui présente les recommandations de la communauté des régulateurs de marché, est le fruit de travaux lancés en 2023 auxquels j’ai pris une part active, avec 7 autres président(e)s d’autorités nationales.
  • Parmi les 20 recommandations, de nombreuses idées ont été poussées par l’AMF et nous tiennent à cœur.
     
    • En premier lieu : celle d’une supervision européenne directe. Certaines catégories d’acteurs gagneraient à bénéficier d’une supervision européenne directe, comme les grandes infrastructures de marché et les prestataires de services sur actifs numériques paneuropéens.
    • Parmi les autres recommandations, l’AMF soutient tout particulièrement les axes suivants :
      • La relance de la titrisation, qui pourrait être un moteur essentiel pour donner un nouvel élan au projet de l’Union des marchés de capitaux.
      • La mise en place de produits attractifs pour les investisseurs, investis dans l’économie européenne, tels que l’épargne salariale, qui est restée jusqu'à présent un "territoire inexploré" dans la législation européenne. Son développement au niveau européen pourrait être un véritable déclencheur pour augmenter de manière substantielle les investissements des ménages dans les instruments du marché des capitaux et favoriser un actionnariat véritablement local pour les entreprises européennes.
      • La mise en place en droit EU d'un système de « no action letter » juridiquement solide entre les mains, ou à l'initiative, de l'ESMA, a minima pour suspendre les mesures dysfonctionnelles de niveau 2, et éventuellement aussi les mesures de niveau 1.
      • Une plus grande prise en compte des impératifs de compétitivité (des marchés et des entreprises de l'Union européenne), lesquels devraient constituer une considération fondamentale et être mieux ancrés dans l'ADN législatif de l'Union.

Parmi ces idées, plusieurs font d’ailleurs directement écho aux propositions publiées récemment par l’AFG. Nous nous rejoignons, je crois, pour considérer que l’ampleur sans précédent des besoins de financement des grandes transitions énergétiques, de l’innovation et de la défense européenne rend indispensable de mobiliser l’épargne européenne des ménages. Et je note avec intérêt le fort tropisme pan-européen de la gestion d’actifs française – avec les trois quarts de ses investissements directement réalisés dans l’Union européenne – qui la distingue des grands acteurs non-européens de la gestion.

La position de soutien de l’AMF en faveur d’une supervision européenne intégrée avec l’ESMA comme pivot s’inscrit aussi dans notre réflexion sur l’amélioration de la régulation de la gestion d’actifs dans un objectif de stabilité financière.

Une supervision européenne plus efficace est également nécessaire dans un objectif de stabilité du système financier.

III – Supervision européenne et stabilité financière

  • Les risques découlant de l’intermédiation financière non bancaire, dont le poids dans le système financier mondial s’est accru, font l’objet d’un regain d’attention de la part des régulateurs à travers le monde au cours des dernières années, notamment au Conseil de stabilité financière, mais aussi à IOSCO, et, plus particulièrement, en son sein, du FSEG (Financial Stability Engagement Group) que je co-préside avec mon homologue britannique Nikhil Rathi. La réglementation macro-prudentielle de la gestion d’actifs est aussi un sujet sur lequel la Commission européenne vient de lancer une consultation.
  • C’est dans ce contexte que l’AMF a pris publiquement position, conjointement avec trois de ses homologues, sur ce que devraient être les priorités d’une approche macro-prudentielle de la gestion d’actifs.
  • Dans cette publication, nous nous prononçons en faveur d’une approche qui prenne pleinement en compte les spécificités de la gestion d'actifs, sans les confondre à celles des banques, et de bien définir les risques que l’on cherche à adresser s’agissant d’une activité réalisée pour le compte d’investisseurs tiers qui supportent les risques financiers de leur investissement.
  • La première proposition qui y figure, qui fait le lien avec le sujet de l’organisation de la supervision en Europe, porte sur l’introduction de la notion de groupe pan-européen, ce qui ouvrirait des pistes de rationalisation en matière de supervision sur une base consolidée.
  • Dans le cas où plusieurs autorités nationales ont une compétence partagée sur certaines grandes SGP, nous préconisons, au-delà des collèges de supervision volontaires, le développement de collèges de supervision obligatoires et la désignation d’une "autorité de surveillance principale" qui assumerait un rôle prédominant dans certaines circonstances, notamment en cas de crise.
  • Une telle évolution renforcerait également les gérants pan-européens, en les libérant des lourdeurs de la complexité actuelle du paysage réglementaire européen.
  • Parmi les axes prioritaires que nous évoquons dans ce papier, figure également celui d’assurer un plus grand usage des outils de gestion de la liquidité dans tous les types de fonds ouverts.
  • Il s’agit là d’un thème qui tient à cœur à l’AMF depuis plusieurs années, avec notamment l’adoption de mesures visant à inciter les gérants d’actifs à prévoir des ‘gates’ dans leurs fonds ouverts. A ce sujet, je veux saluer les efforts récemment effectués par votre profession pour introduire ces gates. En effet, la proportion des fonds disposant de ces outils, encore marginale il y a quelques années, est désormais très significative, avec par exemple près des trois quarts des OPCVM disposant désormais de la possibilité de ‘gater’ les rachats. L’effort doit se poursuivre, mais l’AMF doit reconnaitre que le chemin parcouru est déjà significatif et permet d’anticiper les changements qui seront requis par la révision récente de la directive AIFM.

Je vous remercie de votre attention.