
- Accueil
- Actualités & publications
- Prises de parole
- Discours de Marie-Anne Barbat-Layani, Présidente de l'AMF - Conférence de presse du lundi 26 mai 2025 - Rapport annuel 2024
Discours de Marie-Anne Barbat-Layani, Présidente de l'AMF - Conférence de presse du lundi 26 mai 2025 - Rapport annuel 2024
Seul le prononcé fait foi
Bonjour à tous,
Je vous remercie de votre présence ce matin à l’AMF. Après le rendez-vous des vœux en janvier, celui de la publication de notre rapport annuel 2024 est l’occasion de revenir sur les faits marquants et principales actions de l’AMF de l’année passée, mais aussi d’évoquer avec vous les premiers mois de 2025.
Je reviendrai sur trois grandes priorités : au niveau international, poursuivre les travaux sur la stabilité financière ; au niveau européen, faire aboutir le projet d’Union de l’épargne et de l’investissement ; et, au plan national, rester mobilisés pour la protection des investisseurs et la lutte contre l’insécurité financière.
Nous avons vécu ces derniers mois des tensions géopolitiques qui ont marqué les marchés financiers.
Face à des annonces d’une grande ampleur sur les tarifs douaniers début avril, les marchés financiers ont réagi fortement, mais au fond normalement, et ils ont absorbé ce choc, tout en donnant des signaux utiles. Malgré des pics importants de volatilité, les infrastructures de marché et les acteurs financiers ont montré une grande résilience, notamment technique : on a observé un doublement du volume d’activité par rapport aux précédents épisodes, et les opérations se sont déroulées avec fluidité. Les échanges nourris entre régulateurs de marché ont confirmé que cela avait été le cas sur toutes les grandes places financières.
Au-delà de ce choc exogène, la vigilance reste de mise. La finance évolue de manière structurelle et très rapide. Les sujets de fond qui occupent les travaux internationaux en matière de stabilité financière portent notamment sur le poids croissant de la finance non bancaire, le développement rapide de la finance privée qui se traduit partout dans le monde par une attrition des marchés, et les interactions entre les différentes composantes du monde financier. Nous aurons l’occasion de présenter notre nouvelle cartographie des risques le 1er juillet 2025, le secrétaire général de l’AMF, Sébastien Raspiller, reviendra donc de manière plus approfondie sur ces évolutions.
Les régulateurs de marché jouent un rôle central dans ces travaux, puisque la finance non bancaire représente aujourd’hui la moitié de la finance mondiale. L’organisation internationale des régulateurs de marché, IOSCO, a ainsi un rôle croissant au sein du Conseil des stabilité financière et l’AMF s’y implique fortement. La coopération internationale est plus que jamais fondamentale pour comprendre, anticiper et décider ensemble d’agir, lorsque cela est nécessaire, pour mieux assurer la stabilité financière.
Afin d’approfondir la coopération entre superviseurs, nous avons d’ailleurs décidé d’organiser à Paris, le 26 septembre prochain, une réunion du Financial Stability Engagement Group d’IOSCO, qui réunit les 20 plus grands régulateurs de marché mondiaux, et que j’ai l’honneur de présider avec mon homologue de la Financial Conduct Authority, Nikhil Rathi. Ce sera aussi l’occasion d’organiser, en marge de cette réunion, une conférence internationale autour de l’impact de l’intelligence artificielle, mais aussi de l’informatique quantique et de la cybersécurité sur les marchés.
Les travaux internationaux se déclinent naturellement au niveau européen. L’Europe s’interroge aujourd’hui sur le cadre macro-prudentiel de la gestion d’actifs, à la suite des travaux internationaux sur les problématiques de liquidité et de levier dans la gestion d’actif. Nous souhaitons peser dans ces débats, et nous avons publié en avril 2024 une position commune avec nos homologues italien, espagnol et autrichien sur ce sujet. Nous souhaitons être force de proposition vis-à-vis de la Commission européenne, dans ce domaine où notre expertise est reconnue. Nous promouvons une supervision européenne, sur base consolidée, des grands gestionnaires d’actifs. Il est temps de mettre fin à la dilution des responsabilités en matière de surveillance des grands acteurs financiers paneuropéens.
Au niveau national, nous nous préparons actuellement, avec la Banque de France et l’ACPR, à réaliser le premier « stress test » trans-sectoriel, pour mieux comprendre les interactions entre les différentes catégories d’acteurs financiers en cas de tensions.
Le deuxième chantier clef de ces années 2024 et 2025 est la relance de l’Union de l’épargne et de l’investissement. Je considère que c’est projet le plus important de notre génération en matière financière. Après la réussite remarquable du projet de monnaie unique, il s’agit de donner à l’Europe les moyens de son autonomie stratégique et de ses choix politiques. Les besoins de financement liés aux transitions numérique et climatique sont considérables. S’y ajoutent désormais le financement de la défense européenne. Cela n’est pas hors de portée, puisque l’Europe dispose d’une épargne abondante qu’il faut aider à mieux financer son économie, et de circuits et d’acteurs financiers puissants.
Mettre fin à la fragmentation des marchés financiers européens et permettre leur développement est aujourd’hui une nécessité pour que le moteur de la finance européenne fonctionne plus efficacement.
Pour faire aboutir ce projet d’Union pour l’épargne et l’investissement, trois grandes priorités nous semblent devoir être poursuivies :
- Favoriser l’investissement des particuliers dans l’économie européenne : C’est l’investisseur européen qui fera, in fine, le succès de ce projet. Il faut donc créer un cadre favorable à un investissement de long terme, plus favorable au financement de l’économie, mais aussi porteur de meilleurs rendements pour l’investisseur. Cette question de l’orientation de l’épargne est d’ailleurs le sujet que nous avons choisi cette année pour le colloque de notre conseil scientifique qui se tiendra le 13 juin prochain. Au plan réglementaire, la simplification du parcours client de l’investisseur doit aussi venir faciliter la mobilisation de l’épargne vers l’investissement : l’Autorité européenne des marchés financiers, l’ESMA, vient de lancer, le 21 mai dernier, un très important appel à contributions sur ce thème.
- Renforcer la supervision européenne. La fragmentation de la supervision des marchés est un obstacle au bon fonctionnement des marchés de capitaux européens. Elle est de plus une des causes majeures de la sur-réglementation européenne. En effet, le manque de convergence des pratiques de supervision nous incite à produire toujours plus de normes. Sans progrès décisif vers une supervision plus intégrée, il n’y aura donc pas de réelle simplification. Il faut des décisions fortes dans ce domaine, avec un transfert des compétences vers un superviseur européen dont la gouvernance et a culture devront évidemment évoluer en conséquence. L’AMF est sans doute le régulateur national le plus engagé sur cette évolution, qui nécessitera un portage politique particulièrement fort tant les forces conservatrices ne manqueront pas de s’exercer… et nous serons force de proposition.
- Enfin, relancer le marché de la titrisation. La révision du règlement sur la titrisation doit permettre de dynamiser un marché européen très peu développé par rapport aux États-Unis, en maintenant évidemment une haute qualité de sécurité qui est la marque de fabrique des titrisations européennes. L’ensemble des régulateurs de marché européens s’est prononcé en faveur de telles évolutions dans le rapport publié par l’ESMA au printemps dernier sur la relance des marchés de capitaux en Europe.
Nous suivons également de près l’effort de simplification entrepris autour de la finance durable. Comme vous le savez, il s’agit d’une des six grandes priorités de l’AMF. Sans rien renier des objectifs, il nous faut aujourd’hui changer de méthode. Nous accueillons ainsi favorablement les décisions prises pour simplifier le cadre, notamment la directive sur le reporting de durabilité (CSRD). Nous appelons de nos vœux une évolution cohérente de la directive SFDR qui encadre la transparence dans la gestion d’actifs en matière de finance durable.
Dans ce contexte, l’AMF traite avec pragmatisme les premiers reportings de durabilité, mais elle exerce toute sa vigilance pour assurer une bonne information du marché et des investisseurs. Nous nous sommes fixé l’objectif d’un taux de revue de 20% de ces reportings cette année.
L’Union des marchés de capitaux doit aussi être une Union de l’innovation.
L’innovation est au cœur du dynamisme de la finance. Nous devons l’accompagner, offrir un cadre sécurisé et permettre l’expérimentation.
C’était l’objectif du régime Pilote européen qui vise à faciliter le développement de projets nouveaux sur la blockchain. Mais depuis son entrée en application en mars 2023, celui-ci peine à se déployer. Nous avons donc formulé, avec nos homologues italiens (CONSOB), des propositions concrètes pour instaurer un cadre plus compétitif, en élargissant son champ d’application et en offrant davantage de visibilité à long terme pour permettre une plus grande expérimentation des registres distribués par les infrastructures de marché en Europe.
En matière de crypto-actifs, nous sommes entrés dans l’ère du règlement MiCA. Nous venons d’agréer un premier acteur. Et nous instruisons d’autres demandes d’agrément.
Nous nous coordonnons très étroitement avec nos collègues européens, pour éviter que l’absence de compétence directe de l’ESMA ne se traduise par une course au moins-disant règlementaire au détriment de l’investisseur. Mais la coordination ne suffit pas. De tous les domaines dont nous avons la charge, c’est sans doute celui où le passage à la supervision européenne est le plus urgent. C’est le sens de la tribune que j’ai publiée en 2024 sur ce sujet avec le Gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau. L’AMF rendra publiques très prochainement des propositions de révision du règlement MICA.
J’aimerais à présent m’arrêter quelques instants sur le sujet de la protection des investisseurs, qui est notre première priorité.
Notre stratégie est assez simple : comprendre et agir.
Le paysage de l’épargne est en pleine révolution. Les investisseurs se tournent de plus en plus vers les crypto-actifs, les néo-brokers, les actions fractionnées, les produits structurés et, bien sûr, les fonds indiciels cotés, les « ETF », dont nos enquêtes sur l’épargne montrent la progression très rapide.
Vous le savez, nous avons mené une étude très approfondie avec l’OCDE pour mieux comprendre les spécificités des « nouveaux investisseurs » et adapter nos actions d’éducation financière. Notre campagne à destination des jeunes investisseurs « Les mystères d’investipolis » (menée en 2024), est le fruit de cette approche.
Nous publierons très prochainement une étude sur l’influence des réseaux sociaux sur les comportements des investisseurs en Bourse. En synthèse, celle-ci montre que les investisseurs sont plus sensibles au volume des messages publiés, autrement dit à l’exposition médiatique d’un titre, qu’à la teneur de ces messages. Et cette sensibilité est plus développée chez les moins de 35 ans.
Protéger les investisseurs, c’est aussi lutter contre les arnaques. Nos enquêtes montrent qu’il s’agit d’un phénomène massif : 15% des Français estiment avoir été victimes d’une arnaque financière, et ce chiffre atteint 35 % chez les moins de 35 ans. Malheureusement, les réseaux sociaux, et maintenant l’intelligence artificielle, sont aussi des outils redoutables pour les escrocs.
Face à ces évolutions mondiales, les régulateurs de marché ont souhaité une réponse internationale. C’est ce qui nous a collectivement conduits, dans le cadre de l’Organisation internationale des commissions de valeurs (IOSCO), à engager un dialogue avec les grandes plateformes numériques pour les responsabiliser sur la lutte contre la fraude et les sites frauduleux. Après une première réunion à Dublin il y a quelques jours, un courrier vient de leur être adressé en ce sens. Il leur demande notamment d’utiliser I-Scan, le moteur de recherche lancé en mars dernier par IOSCO, qui est en quelque sorte la compilation de toutes les listes noires de plus de 150 régulateurs. L’ESMA rebondira très prochainement sur cette initiative au niveau européen.
En matière de frais, nous avons pris des mesures très concrètes. En 2024, nous avons fait évoluer nos règles sur la gestion collective pour interdire les commissions de mouvement perçues à l’occasion d’opérations d’achat ou de vente portant sur le portefeuille d’un placement collectif. En avril dernier, nous avons décidé d’étendre cette interdiction à la gestion sous mandat.
2024 a également été l’occasion de progresser sur des « irritants » tels que les problèmes de transferts de PEA, où l’action de l’AMF commence à porter ses fruits. Pour autant, les difficultés des investisseurs n’ont pas cessé, et les plaintes adressées à notre service en charge des relations avec les épargnants, comme les saisines de notre médiatrice, Marielle Cohen-Branche, qui présentera le 11 juin prochain son rapport annuel, ne cessent de se développer.
En janvier dernier, j'exprimais le souhait que l'attractivité de la place reste une priorité collective.
Le sommet Choose France a été l’occasion de nouvelles annonces très importantes, qui montrent que l’attractivité de la Place de Paris est une réalité concrète. Indéniablement, l’Europe attire de nouveau tous les regards des investisseurs internationaux. Si nous sommes collectivement capables de montrer notre efficacité pour lever les freins au développement des marchés de capitaux européens, nous pouvons espérer bénéficier de ce mouvement. Nous avons, par ailleurs, récemment engagé des travaux avec certains homologues afin de faciliter les doubles cotations, ce qui dynamiserait la bourse de Paris.
Nous nous tenons à notre engagement de ne pas sur-transposer les textes européens. Un engagement qui porte ses fruits s’agissant du règlement ELTIF2 sur les fonds d’investissement à long terme. Ce mois-ci, nous avons agréé un 27ème ELTIF. Nous avons également soutenu et accompagné les efforts de compétitivité de la cote portés par la loi « Holroyd ».
Par ailleurs, depuis le début de l’année, nous avons visé un prospectus et un supplément permettant à deux entreprises d’émettre des obligations vertes labellisées EU Green Bond. Et nous avons d’autres dossiers en cours d’instruction.
Nous nous sommes engagés à un traitement accéléré des demandes d’agrément pour les fonds Défense. Nous avons agréé en avril dernier un premier fonds sur cette thématique. Deux autres sont en cours d’agrément, et nous échangeons avec les acteurs en amont de leur dépôt de demande sur plusieurs autres dossiers.
Vous connaissez notre vision de l’attractivité : l’exigence du régulateur en est l’un des principaux atouts sur la Place de Paris. Nous sommes donc mobilisés contre la délinquance financière qui met à mal l’intégrité de nos marchés. J’ai déjà eu l’occasion d’évoquer notre lutte contre les réseaux internationaux d’initiés. Pour lutter contre ces réseaux, nous coopérons intensément avec le Parquet national financier et nos homologues étrangers.
Nous avons eu l’occasion en mars dernier d’évoquer le sujet devant la commission d’enquête du Sénat sur la délinquance financière et avons présenté nos propositions d’articles législatifs pour renforcer l’efficacité de notre action répressive et lutter contre l’insécurité financière. J’espère que ces propositions trouveront leur place dans un véhicule législatif prochainement.
Dans un contexte international marqué par l’instabilité, le rôle de l’Autorité des marchés financiers est plus important que jamais.
Nous réaffirmons notre engagement en faveur d’une finance bien régulée, utile, intègre, résiliente et compétitive, au service de la protection des épargnants et du financement de l’économie.
Face à l’ampleur des défis à relever, le soutien du Gouvernement et du Parlement a été et reste déterminant pour donner à l’AMF les moyens de poursuivre ses missions au service de l’intérêt général. L’AMF est quant à elle pleinement consciente des efforts qu’elle doit accomplir, et poursuit ses mesures de meilleure gestion et de transformation, en définissant notamment, en 2025, sa feuille de route sur l’intelligence artificielle.
Je vous remercie de votre attention.
Sur le même thème



Responsable de la publication : Le Directeur de la Direction de la communication de l'AMF. Contact : Direction de la communication, Autorité des marchés financiers - 17, place de la Bourse - 75082 Paris Cedex 02