Merci de désactiver le bloqueurs de pub pour visualiser cette vidéo.
Discours de Marie-Anne Barbat-Layani, Présidente de l'AMF - Présentation du rapport annuel 2022 de l'AMF et des orientations stratégiques 2023-2027 – Lundi 26 juin 2023

Discours de Marie-Anne Barbat-Layani, Présidente de l'AMF - Présentation du rapport annuel 2022 de l'AMF et des orientations stratégiques 2023-2027 – Lundi 26 juin 2023

Seul le prononcé fait foi

Bonjour à toutes et à tous,

En janvier dernier, je m’étais engagée à revenir vers vous avant l’été concernant nos grandes orientations stratégiques pour la période 2023-2027. Nous y sommes ! Elles seront la colonne vertébrale qui guidera nos choix et nos actions dans l’accomplissement de nos missions d’autorité publique indépendante, au service de l’intérêt général.

Ce plan porte un nom fort qui en exprime l’ambition : IMPACT 2027. Le nom que nous avons choisi illustre notre objectif d’être un régulateur à fort impact, impliqué à la fois dans l’élaboration des textes et dans leur déploiement. Un régulateur à impact aussi dans ses pratiques de supervision, mais également l’impact que nous voulons donner à l’action des collaborateurs de l’AMF.

Quelques mots du processus

Nos orientations résultent des travaux que nous avons menés ces derniers mois avec nos équipes et le Collège sur les grandes leçons des années passées et sur les éléments du contexte dans lequel l’AMF exercera ses missions dans les années à venir. Elles ont été nourries de l’écoute de l’ensemble des parties prenantes. Cette posture d’écoute et d’interaction est importante et nous souhaitons la développer.

Le contexte

L’année 2022 a été une année complexe, marquée par la guerre en Ukraine et le retour de l’inflation, dans un environnement financier en mutation et confronté à des risques nouveaux. Les marchés financiers ont connu une forte volatilité et une baisse significative.

En 2023, se confirme un environnement marqué par la fin d’une longue période de taux bas, voire négatifs. Face à l’inflation et la montée des taux d’intérêt, les acteurs financiers et les investisseurs vont devoir s’adapter.

Dans ce contexte, les problématiques d’endettement, de risques de taux et de liquidité, prennent davantage d’importance. 

Des difficultés sectorielles sont apparues :

  • le marché de la dette souveraine britannique a connu une forte crise en septembre 2022 ;
  • le monde des crypto-actifs a connu ses premières crises majeures d’abord avec Terra Luna en mai 2022, puis avec la faillite de FTX en novembre 2022 ;
  • des acteurs financiers spécifiques ont rencontré des difficultés, notamment certaines banques régionales américaines en mars dernier, et le Crédit Suisse.

> Les réactions ont été adaptées.

La stabilité financière globale n’a pas été remise en cause, mais ces évènements ont montré à quel point la vigilance et une forte coordination des autorités de régulation sont nécessaires.

Dans le même temps, la Place de Paris est devenue la première place financière européenne par la capitalisation boursière.

C’est un atout considérable pour l’autonomie stratégique de l’Union européenne et le financement de l’économie. C’est aussi une responsabilité pour le régulateur. 

La Place de Paris bénéfice d’une grande diversité d’acteurs. Dans le domaine de la gestion d’actifs, nous comptons 702 sociétés de gestion agréées pour un encours total de 1862 milliards d’euros, à fin 2022. Nous comptons également de grands acteurs financiers au rayonnement européen. C’est la preuve que la stratégie d’attractivité post-Brexit et le choix d’une finance responsable, comme d’un haut niveau d’exigence en termes de régulation, s’avèrent gagnants.  

Cependant, nous observons que le financement des entreprises repose de plus en plus sur les financements privés (capital investissement et recours à la dette), et que la cotation en bourse semble moins attractive ces dernières années.

Nous observons également que les marchés européens restent encore de taille modeste au regard de l’économie européenne, et fragmentés.

Au-delà de ce contexte, deux sujets de fond prennent une importance croissante : la digitalisation du monde financier et la finance durable.

La digitalisation n’est pas un fait nouveau mais elle s‘accélère et génère de nouveaux acteurs, de nouvelles opportunités, de nouvelles pratiques, mais aussi de nouveaux défis pour les régulateurs, notamment en matière de protection des investisseurs, de protection des données et de cyber-sécurité.

Quant à l’urgence climatique, c’est une priorité absolue, confirmant la pertinence de la position pionnière de l’AMF en matière de finance durable. La finance doit contribuer à la transition vers une économie plus durable. Le récent Sommet « Pour un nouveau Pacte financier pour le climat » a de nouveau montré l’ampleur des besoins de financement. 

Dans ce contexte, nous avons retenu six grandes orientations pour la période 2023-2027 : 

Tout d’abord, deux axes stratégiques transversaux : 

  • [Etre] un régulateur exigeant pour une place financière de premier plan ;
  • [Avoir] une action internationale forte.  

Ensuite, trois priorités thématiques : 

  • protéger les épargnants ; 
  • promouvoir une finance plus durable ; 
  • accompagner l’innovation. 

Enfin, ce que nous avons appelé notre « socle essentiel » : notre organisation et nos équipes pour lesquelles nous nous sommes fixé une priorité interne : [être] une autorité attractive et performante au service de l’intérêt général. 

Revenons à notre premier axe transversal : « Un régulateur exigeant pour la première place financière européenne ». 

Cet axe repose sur une conviction et un engagement.

> Une conviction : une régulation exigeante n’est pas antinomique avec une place financière dynamique, bien au contraire.

L’intégrité des marchés et la confiance des investisseurs sont des atouts pour la compétitivité d’une grande place financière. La conquête de la première place européenne par la Place de Paris le prouve alors que la France n’a jamais joué le jeu du moins disant réglementaire.

L’AMF se positionnera donc en régulateur exigeant, pour garantir le bon fonctionnement des marchés et la bonne information des investisseurs.  

Nous exercerons toute notre vigilance sur l’intégrité des marchés, l’information financière et extra-financière, la protection des actionnaires minoritaires et la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme.

Notre action de supervision s’appuiera sur l’identification des risques liés à l’environnement macroéconomique et financier, en particulier en matière de stabilité financière. Nous inciterons, par exemple, les gestionnaires d’actifs à mettre davantage en place des outils de gestion de la liquidité performants, pour mieux protéger les investisseurs.

Nous souhaitons développer et pérenniser nos outils en matière d’enquête, de contrôle et de sanction, avec par exemple le souhait d’instituer une procédure de transaction simplifiée pour les manquements simples. Nous poursuivrons la pratique des contrôles à visée pédagogique, que nous appelons les « contrôles SPOT ».  

> Un engagement : œuvrer à l’attractivité de la Place de Paris, dont la première place européenne en matière de capitalisation est un atout pour l’autonomie stratégique européenne et le financement de l’économie. Nous intégrerons pleinement l’enjeu d’attractivité de la Place de Paris.

Nous éviterons la surrèglementation, toute sur-transposition de la réglementation européenne, sauf, évidemment au cas par cas, en cas d’enjeux majeurs de protection des épargnants. 

Nous nous efforcerons d’offrir le meilleur environnement de supervision possible, en développant le dialogue avec les acteurs et en surveillant nos délais et notre réactivité. Nous publierons des recommandations et des questions-réponses pour les accompagner dans la mise en œuvre de la réglementation.

Nous poursuivrons la modernisation de nos outils, notamment en matière d’exploitation de la donnée.  

Nous réaliserons régulièrement des études de perception ciblées. Enfin, nous rendrons davantage compte de notre activité et de notre performance, pour laquelle nous travaillons à la mise en œuvre d’indicateurs que nous rendrons publics.

Deuxième axe transversal : « Une action internationale forte ». 

Le secteur financier figure parmi les éléments clés de l’autonomie stratégique de l‘Union européenne. Dans ce contexte, l’AMF considère la dimension européenne qu’elle considère comme essentielle et lui donnera naturellement la priorité.

Notre action sera ciblée, et donnera la priorité à la qualité de la règle et à la convergence des pratiques de supervision dans le marché intérieur. Au sein de l’ESMA, qui est pour l’AMF un partenaire essentiel, nous privilégierons les outils permettant une convergence fondée sur la bonne compréhension des pratiques de marché : l’étude de cas concrets, les « peer reviews » et les actions de supervision communes. 

Nous soutiendrons tous les efforts de mise en place d’un marché des capitaux européens plus unifié. Mais prenant acte de sa fragmentation actuelle, et des risques qu’elle crée pour les épargnants, nous plaiderons pour une adaptation de règles de fonctionnement du marché unique, en recherchant un meilleur équilibre des pouvoirs entre autorités dans le cadre de la libre prestation de services. 

Au plan international, l’AMF poursuivra son implication forte dans les travaux conduits notamment au sein de l’Organisation internationale des commissions de valeur, l’OICV, en particulier sur les enjeux de stabilité financière et d’innovation financière. 

Nous avons également identifié trois priorités thématiques. 

  • Protéger les épargnants est la première de nos priorités. 

Nous souhaitons porter le message d’une finance accessible à tous, et pas seulement aux experts ! Nous plaçons la protection des épargnants au premier rang de nos objectifs, pour rendre la finance accessible, utile et de confiance.

Nous veillerons à la clarté et l’intelligibilité de l’information fournie aux investisseurs, à la comparabilité des produits. Nous serons attentifs à l’accessibilité et à la qualité du conseil ainsi qu’à sa proximité. Celui-ci doit être réalisé dans l’intérêt exclusif de l’épargnant. Il doit aussi être adapté au profil et aux objectifs de l’épargnant.

La formation des professionnels et l’éducation financière des épargnants sont les piliers d’une décision d’investissement éclairée : les épargnants doivent se sentir capables de prendre le pouvoir sur leur épargne, et bien accompagnés. 

Nous serons donc très attentifs au caractère compréhensible des supports d’investissement, et à la transparence sur les frais. Cette thématique a été au cœur des travaux confiés par l’AMF au Comité consultatif du secteur financier, qui ont conduit à la publication en mars 2023 de propositions pour améliorer la lisibilité des frais des produits financiers en droit européen.

Nous participerons activement aux travaux issus de la stratégie sur l’investissement le détail (Retail Investment Strategy) proposée par la Commission européenne, en particulier sur le concept du rapport qualité -prix des instruments financiers.

Nous poursuivrons notre investissement sur la régulation des influenceurs financiers. Nous développerons notamment une cartographie des épargnants afin de davantage cibler nos actions. 

Dans un univers financier numérique et ouvert, nous renforcerons également nos outils de veille des pratiques de commercialisation et des offres d’investissement et nous contribuerons à la mise en place d’un encadrement renforcé de l’activité des influenceurs. Nous serons très actifs pour comprendre les enjeux de la "gamification", qui rend la frontière entre le jeu et l’investissement floue. Nous serons vigilants sur la protection des données.

Enfin, les arnaques et pratiques de commercialisation problématiques ne cessant de se renouveler, nous serons au côté des épargnants pour mieux les aider à s’en prémunir. Nous poursuivrons nos actions répressives (listes noires, fermetures de sites internet…) mais aussi nos actions de communication afin de mieux armer le public et d’aider l’épargnant à développer son esprit critique.  

  • Promouvoir une finance plus durable est notre deuxième priorité thématique. 

L’urgence climatique est une priorité collective. La France porte en la matière un message singulier. L’AMF a été pionnière dans ces sujets, et entend porter le leadership d’une transformation ambitieuse, en contribuant à faire avancer et à clarifier la réglementation, en œuvrant pour un cadre cohérent et exigeant, et en veillant à l’information des épargnants.

Depuis 2018, l’Europe a développé un cadre réglementaire ambitieux. Je veux parler ici notamment du règlement Taxonomie, de la directive sur le reporting de durabilité des entreprises (CSRD) et du règlement SFDR. Nous serons force de proposition en vue de la finalisation de ce cadre, et afin de parvenir à un ensemble de règles cohérent et de qualité. 

Ce cadre est très exigeant, notamment en matière de reporting extra-financier. Nous nous assurerons de sa bonne mise en œuvre, en accompagnant l’ensemble des acteurs (les entreprises, les gestionnaires de fonds), et en assurant une supervision opérationnelle dans le but d’assurer l’intégrité et la qualité de l’information extra-financière pour les investisseurs et le marché. 

  • Accompagner l’innovation est notre troisième priorité. 

Nous réaffirmons avec force notre positionnement de régulateur ouvert et favorable à l’innovation. 

L’AMF a su développer une vraie expertise de l’écosystème de l’innovation. Nous souhaitons à la fois identifier les principaux enjeux en matière d’innovation (finance ouverte, finance décentralisée, intelligence artificielle...) et développer les savoir clés en lien avec ces enjeux.

Nous prendrons également part aux travaux nationaux, européens et internationaux pour la construction d’un cadre réglementaire, à l’exemple des travaux sur la finance décentralisée. 

Nous veillerons également à la bonne mise en œuvre et au respect de la réglementation européenne sur les crypto-actifs (MiCA) qui prévoit un agrément obligatoire des prestataires de service sur crypto-actifs. Nous souhaitons en effet accompagner ces acteurs vers la maturité.

Enfin, un socle essentiel : être une autorité attractive et performante, au service de l’intérêt général. 

L’AMF jouit d’une réputation d’excellence qui est son premier atout. Celle-ci repose sur la qualité de ses systèmes d’information, mais aussi et surtout sur la qualité et l’engagement de ses équipes, que je salue et que je m’engage à valoriser. 

Travailler au sein d’une autorité publique indépendante, reconnue, et œuvrer au service de l’intérêt général donne un sens fort à l’engagement de nos collaborateurs. 

Mais nous souhaitons travailler encore davantage à notre attractivité et proposer un univers de travail apprécié et recherché. Nous entendons confirmer notre statut d’employeur exemplaire, pour avoir un impact pour nos collaborateurs en assurant des conditions de travail épanouissantes, des possibilités de carrière enrichissantes, et en veillant au maintien d’un dialogue social de qualité. Nous offrirons ainsi à nos salariés la possibilité d’avoir un véritable impact, sur l’univers que nous régulons, mais aussi sur notre organisation. Ce n’est pas pour rien que le nom de notre plan stratégique a été choisi par notre Shadow Comex, qui réunir des jeunes collaborateurs issus de tous nos métiers !

L’AMF poursuivra également sa transformation dans une dynamique d’amélioration de sa performance. En tant qu’entité publique, nous devons être exemplaires dans la gestion de nos ressources. 

Nous nous engageons à mettre en place une gestion resserrée et à rendre davantage compte de notre action, notamment par des indicateurs de performance que nous sommes en train d’élaborer, et en nous inspirant, partout où cela est possible, des meilleures pratiques de nos homologues.   

Vous le voyez, nos missions se sont développées ces dernières années et vont continuer à s’accroître. C’est une vraie gageure pour une autorité publique, dont les ressources sont contraintes ! L’AMF s’est engagée à une gestion interne resserrée qui permettra de dégager des marges de manœuvres. J’espère que nous pourrons convaincre de la nécessité de nous donner les moyens de continuer à nous développer, compte tenu de l’importance des enjeux qui sont devant nous, et de notre ambition d’avoir un réel impact chacun d’entre eux.

Le déploiement des orientations que je viens de vous présenter, permettra à l’AMF d’accomplir au mieux ses missions et de s’affirmer comme le régulateur d’une place financière française intègre, dynamique, et engagée, essentielle pour le financement de l’économie et de sa transition vers un modèle plus durable. 

Je vous remercie de votre attention.