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Discours de Marie-Anne Barbat-Layani, Présidente de l'AMF - Présentation du rapport annuel 2023 - Jeudi 23 mai 2024

Discours de Marie-Anne Barbat-Layani, Présidente de l'AMF - Présentation du rapport annuel 2023 - Jeudi 23 mai 2024

Seul le prononcé fait foi

Mesdames, Messieurs,

Je vous remercie de votre présence à ce rendez-vous que nous renouvelons chaque année à l’occasion de la publication du Rapport annuel de l’AMF. C’est l’opportunité pour moi de revenir sur les faits saillants de l’année 2023 et ceux qui ont marqué les 5 premiers mois de l’année 2024.

L’année 2023 s’est ouverte dans un contexte économique et financier complexe, marqué par une augmentation rapide de l’inflation et des taux d’intérêt et de fortes tensions géopolitiques. Les crises qui ont affecté certaines banques début 2023, qui ont été maîtrisées, ont illustré les vulnérabilités liées à ce nouvel environnement. Pour autant, les marchés boursiers n’ont cessé de se montrer optimistes quant aux perspectives d’un atterrissage en douceur de l’économie et d’une possible fin du resserrement monétaire : l’année s’est conclue sur de nouveaux records historiques : l’indice CAC 40 a ainsi progressé de 20,1 % (performance dividendes réinvestis), et a même franchi depuis la barre symbolique des 8 000 points.

Le début d’année 2024 est marqué par la poursuite des fortes tensions géostratégiques, une baisse plus rapide qu’anticipé de l’inflation, mais aussi une différence de plus en plus marquée entre les États-Unis et l’Europe s’agissant du niveau de croissance et d’inflation.

Alors qu’il n’est pas certain que tous les effets de l’augmentation rapide des taux d’intérêt se soient manifestés, l’incertitude quant à leur évolution demeure donc, et justifie une forte vigilance des autorités de régulation. Dans ce contexte, l’AMF poursuit une surveillance attentive des marchés de capitaux et des actifs dont la valorisation peut être affectée par le contexte de volatilité des taux.

Au-delà de ces éléments conjoncturels, des évolutions structurelles fondamentales sont à l’œuvre : la croissance du secteur financier non bancaire, le développement de la finance privée, une certaine désaffection de la cotation, l’importance des risques liés à la cyber sécurité et la montée en puissance de l’intelligence artificielle. Il est important d’en cerner les enjeux, notamment en matière de stabilité financière.

Revenons sur l’année 2023, une année fondatrice pour l’AMF qui a fêté ses 20 ans et défini ses orientations stratégiques pour la période 2023 – 2027 « Impact 2027 ».

Pour rappel, nous nous sommes fixé pour ambition d’être un régulateur exigeant pour la première place financière européenne, d’avoir une action internationale et européenne forte, de protéger les investisseurs et les épargnants – la première priorité de l’AMF -, de promouvoir une finance plus durable, d’accompagner l’innovation et enfin, socle essentiel de son action, d’être une autorité attractive pour ses collaborateurs, et performante, au service de l’intérêt général.

En 2023, l’AMF a été un régulateur actif :

  • L’AMF a mené une soixantaine de contrôles, dont 37 contrôles SPOT. La Commission des sanctions de l’AMF a rendu 17 décisions et a prononcé des sanctions pécuniaires pour un montant total de près de 35 M€. Elle a homologué 10 transactions négociées par le secrétaire général, puis validées par le Collège.
  • Si l’on se penche sur les statistiques de l’Organisation internationale des commissions de valeurs, l’AMF apparait comme l’un des 3 grands utilisateurs du mécanisme de demande d’assistance entre superviseurs dans le cadre d’accords internationaux de coopération et d’échanges d’informations avec la FCA britannique et la SEC américaine. C’est d’autant plus important que nous sommes confrontés à une montée en puissance des réseaux d’initiés internationaux. Cela nous amène donc à coopérer de manière très active avec nos homologues à l’étranger.
  • En matière de protection des épargnants, l’AMF est sur tous les fronts. Avec l’appui de la Commission européenne, nous avons mandaté l’OCDE pour conduire une étude afin de mieux connaitre le profil des nouveaux investisseurs. Depuis 2020, nous avons vu arriver 1 million de nouveaux investisseurs sur les actions. L’étude de l’OCDE est riche d’enseignements puisqu’on constate que ces nouveaux investisseurs sont plus jeunes, qu’ils investissent de plus en plus dans les crypto-actifs (9% de Français détiennent en direct des crypto-actifs contre 7% des actions cotées en direct), qu’ils adoptent une approche plus autonome, se forment sur internet et s’informent via les réseaux sociaux. Cette étude va nous permettre de mettre en œuvre des actions ciblées pour mieux accompagner ces nouveaux investisseurs.

Nous avons également travaillé sur la lisibilité des frais et avons publié un glossaire. Nous regardons l’évolution des frais et nous observons qu’ils continuent de baisser.

  • La lutte contre les arnaques a été en 2023 un sujet majeur, malheureusement croissant. 15% des Français disent avoir été victimes d’une arnaque financière, et cette proportion atteint même 35% chez les moins de 35 ans. Parmi les demandes reçues via notre plateforme Epargne Info Services, les demandes en lien avec les crypto-actifs arrivent en tête. Nous voyons également parmi les demandes la montée en puissance des usurpations, les arnaques aux faux placements verts et les arnaques au remboursement de pertes.

Nos actions ont permis le blocage de 127 adresses internet illicites et nous avons fait de nouveaux ajouts d’URL (332) sur nos listes noires.

En 2024, nous restons mobilisés sur l’ensemble de ces sujets. Trois sujets méritent une attention particulière.

  • L’Union des marchés de capitaux tout d’abord. L’AMF avait appelé de ses vœux la relance de l’Union des marchés de capitaux dans ses orientations stratégiques en juin 2023. C’est un sujet au top des priorités des chefs d’Etat européens. Des rapports ont été publiés comme le rapport Noyer et le rapport Letta. J’attire également votre attention sur la communication de l’Autorité européenne des marchés financiers (ESMA) cette semaine, dont un certain nombre de propositions sont chères à notre cœur.  Je me félicite notamment que l’ESMA ait repris notre proposition afin que la Commission européenne et les co-législateurs évaluent l’opportunité d’une supervision européenne directe des prestataires de services sur crypto-actifs.  Cette évolution est essentielle pour renforcer la stabilité financière en améliorant la supervision de ces acteurs, mais aussi pour la protection des investisseurs en évitant les risques liés à la course au moins-disant réglementaire dans le marché intérieur. Parmi les autres recommandations, nous trouvons la relance de la titrisation. C’est aujourd’hui tout à fait essentiel, compte tenu des besoins de financement nécessaires à la transition écologique et numérique et alors qu’une partie de l’épargne européenne va s’investir hors d’Europe.
  • L’attractivité de la Place de Paris est également l’une de nos priorités. À l'heure où la proposition de loi visant à accroître le financement des entreprises et l’attractivité de la France a été adoptée par l’Assemblée nationale et par le Sénat, l’AMF est mobilisée au soutien de cette initiative. Il est important que la France reste en pointe en se dotant notamment de droits de vote multiples. L’AMF est favorable à une telle évolution. Les modalités précises sont en cours de définition par le législateur, en tenant compte des différents impératifs en présence, avec le souci de préserver l’équilibre entre protection des investisseurs et attractivité.

Toujours dans ce contexte, l’AMF a rendu optionnelle, et non plus obligatoire, la tranche réservée aux investisseurs individuels lors des introductions en bourse. Depuis cette initiative, une introduction en Bourse a été réalisée avec succès et une deuxième est en préparation.

  • L’AMF continue d’œuvrer à l’identification et à la prévention des risques, notamment en prenant une part très active aux travaux internationaux. L’AMF a ainsi publié une position commune avec ses homologues italien, espagnol et autrichien, sur le traitement des risques macro-prudentiels dans le domaine de la gestion d’actifs. La Commission européenne vient de lancer une consultation sur le sujet qui s’inscrit dans les réflexions plus globales sur la régulation de la finance non bancaire, auxquelles nous prenons une part active. Dans cette perspective, nous avons donné nos priorités et avons souligné l’importance de prendre en compte les spécificités de l’industrie de la gestion d’actifs.
  • En réaffirmant avec force son positionnement de régulateur ouvert à l’innovation, l’AMF suit avec attention les projets de développement de la blockchain, qui disposent désormais d’un cadre juridique européen propice. Nos travaux d’identification des enjeux liés à l’innovation nous ont par ailleurs conduit l’an passé à partager nos premières réflexions sur la finance décentralisée. Nous avons reçu beaucoup de contributions que nous analysons actuellement. Nous contribuons activement aux travaux internationaux sur l’intelligence artificielle à la fois sous l’angle stabilité financière et des impacts pour la protection des épargnants. Nous sommes évidemment très investis dans les travaux européens sur la mise en œuvre du règlement MiCA sur les crypto-actifs dont l’ouverture du guichet, pour l’obtention à partir du 30 décembre 2024 des premiers agréments, est prévue dès le 30 juin. Comme je l’ai indiqué, l’AMF a porté une proposition importante reprise par l’AMF sur la supervision directe par l’ESMA des plateformes de crypto-actifs.
  • L’AMF est, par ailleurs, à l’aube d’enjeux nouveaux et considérables, qui portent sur les exigences nouvelles posées dans le cadre de la finance durable. Nous sommes notamment en charge de la mise en œuvre des nouvelles exigences de durabilité prévues par le Pacte vert européen, au premier rang desquelles la directive sur la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises (directive CSRD), applicable aux grandes entreprises cotées dès l’exercice 2024. Il s’agit d’une véritable révolution qui nécessite une montée en puissance rapide de nos compétences et de nos capacités d’accompagnement et de contrôle.

Avec cet objectif d’accompagner les sociétés cotées, nous avons publié en février dernier un guide pédagogique pour leur permettre de rendre compte de leurs plans de transition. En novembre dernier, avec ce même objectif, nous avions publié une 2ème étude sur l’information publiée par un panel d’entreprises cotées dans le cadre du règlement Taxonomie.

Parallèlement, nous poursuivons nos efforts du côté des acteurs de la gestion et des intermédiaires. Nous avons publié un papier de position sur la réforme de SFDR. Après une série de contrôles thématiques consacrés à la manière dont les sociétés de gestion se mettent en situation de respecter les engagements extra-financiers contractuels dont nous avons publié la synthèse en 2023, nous devrions pouvoir partager d’ici à la fin de l’été les enseignements de nos premiers contrôles en lien avec la mise en œuvre de SFDR.

Nous sommes également vigilants sur la manière dont sont prises en compte les préférences de durabilité des investisseurs. Dès la semaine prochaine, nous publierons les enseignements d’une campagne de visites mystère réalisées entre septembre 2023 et mars 2024 dans des agences bancaires qui a permis, pour la première fois, d’établir un état des lieux des pratiques de recueil des préférences en matière de durabilité des épargnants. Cet exercice est intervenu très tôt, alors que les textes d’application proposés par l’ESMA allaient entrer en application. Sans grande surprise, ces visites mystères montrent qu’il existe une marge de progrès quant à l’application des textes. Tout cela montre l’importance de la formation des conseillers bancaires.

Comme vous pouvez vous en rendre compte, l’AMF est sur tous les fronts dans un contexte qui évolue de manière extrêmement rapide.

Cela nous oblige à adapter constamment notre organisation, nos moyens et nos pouvoirs afin d’être en capacité d’agir avec rapidité et efficacité, là où les enjeux de protection des épargnants, de bon fonctionnement des marchés et de stabilité financière sont les plus sensibles.

Nos moyens humains et financiers sont donc fondamentaux. Vous le savez. Le rapport de la Cour des comptes, rendu public le 18 mars dernier, a confirmé d’une part, le besoin d’un renforcement très substantiel des moyens de l’AMF, qui sont significativement inférieurs à ceux de ses pairs en termes d’effectifs et de budget. J’espère que malgré une situation de finances publiques qui n’est pas très propice, nous serons entendus.

En tant qu’autorité publique, il est naturel que l’AMF poursuive les efforts qu’elle a entrepris de maîtrise de la dépense. Je m’y emploie avec détermination, comme l’a relevé la Cour des comptes. Nous nous sommes engagés à ce que nos dépenses soient strictement équivalentes à nos dépenses et ce sera le cas en 2024 pour la première fois depuis que l’AMF a un plafond de ressources.

Voici en résumé les principales informations que je souhaitais vous partager aujourd’hui. Je suis, avec les membres du Comité Exécutif, disponible pour répondre à vos questions.

Je vous remercie de votre attention.