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Discours de Robert Ophèle, président de l'AMF - Les Entretiens de l'AMF 2021 : «Financement, transition verte : la place des marchés financiers dans la relance» - Mardi 30 novembre 2021 - Pavillon Cambon

Discours de Robert Ophèle, président de l'AMF - Les Entretiens de l'AMF 2021 : «Financement, transition verte : la place des marchés financiers dans la relance» - Mardi 30 novembre 2021 - Pavillon Cambon

Seul le prononcé fait foi

Bonjour à tous, nous reprenons prudemment la tenue de nos entretiens. Nous y avions renoncé l’an passé car nous considérions que la valeur ajoutée de ces entretiens réside beaucoup dans la capacité d’interaction que permettent les réunions en présentiel dès lors qu’il y a une participation nombreuse.

Merci donc d’être présents à ce rendez-vous que nous avons dédié cette année à la place des marchés financiers dans la relance.

Et il me semble qu’en cette année 2021, ces marchés financiers s’installent vraiment au cœur du processus de relance.

Il y a d’abord le retour des introductions en bourse et le recours par des sociétés déjà cotées à des augmentations de capital.

Il y a également la confirmation de l’appétit des particuliers pour les investissements en bourse.

Il y a enfin l’essor de la finance verte avec un verdissement irrépressible des produits financiers.

Mais ces évolutions, tout à fait bénéfiques dans leur principe, sont fragiles et constituent des défis pour le régulateur financier car si ces virages sont mal pris, ils peuvent constituer des occasions ratées d’assurer sur le long terme les financements dont nos économies ont besoin. Besoins immenses au regard des investissements nécessaires en particulier à la transition verte.

Laissez-moi revenir brièvement sur ces points.

Alors que le nombre de sociétés cotées en France sur des marchés régulés – Euronext et Euronext Growth – diminuait régulièrement depuis une vingtaine d’années, il augmentera légèrement cette année et ce malgré l’allègement des contraintes liées au retrait puisque le seuil du retrait obligatoire a été ramené de 95 à 90 % par la loi Pacte. Au-delà des transferts désormais habituels du marché réglementé d’Euronext vers Euronext Growth, c’est une quarantaine d’introductions qui auront été réalisées cette année à Paris, de toutes tailles et dans une grande variété de secteurs économiques. De plus, les entreprises déjà cotées ont collecté de nouveaux fonds de façon très significative. Au total, la contribution de la bourse française cette année au renforcement des fonds propres serait d’une quinzaine de milliards d’euros. Cette progression ne s’est nullement faite au détriment du capital investissement privé : le private-equity enregistre lui aussi des collectes et des investissements records. Au niveau de l’Union, j’observe que les émissions nettes d’actions cotées se sont envolées et ont battu le record atteint en 2000 avant l’explosion de la bulle internet. Je me garderai bien entendu de poursuivre ce parallèle, mais tout cela reste fragile : des valorisations trop ambitieuses, des projets peu clairs où des intérêts non alignés peuvent stopper net cette évolution vertueuse. L’AMF s’emploie à fiabiliser les informations données au marché et, s’agissant par exemple des SPAC, à ne viser que les projets dont les caractéristiques assurent une bonne gestion des conflits d’intérêt. Au-delà des réflexions nationales en cours, la consultation de la Commission Européenne sur le Listing Act, lancée mi-novembre, pourrait permettre de renforcer encore l’attractivité de la Bourse ; veillons cependant à trouver le bon niveau de contraintes liées à la cotation entre, d’une part, les exigences qui pèsent sur les sociétés cotées et leurs dirigeants et, d’autre part, la nécessaire transparence qui assure la protection des investisseurs et la formation de prix pertinents sur le marché.

La seconde évolution notable est la confirmation de l’appétit des particuliers pour les produits boursiers. En mars 2020, les particuliers avaient réalisé 12 millions de transactions sur les titres dont l’AMF assure la surveillance alors que leur nombre varie habituellement entre 2 et 3 millions. Cette extraordinaire activité était due à la conjonction inédite de multiples facteurs. Le confinement avait libéré du temps, réduit la consommation (y compris dans des activités comme les paris sportifs) et généré une épargne supplémentaire importante. Or, dans un contexte de politique monétaire accommodante avec une rémunération de l’épargne liquide et sans risque faible, les opportunités d’investissement en bourse étaient d’autant plus attractives que le choc macroéconomique violent et les incertitudes sur les perspectives des entreprises se traduisaient par une baisse très forte des valorisations et constituaient des opportunités d’achat. Or la capacité d’intervenir en bourse de chez soi était devenue particulièrement aisée avec le développement de solutions pour passer des ordres en ligne de façon aisée et à faible coût. On avait donc observé de nombreuses ouvertures de compte et une hausse considérable des transactions.

La relative surprise a été la persistance de ce phénomène au-delà du confinement et alors que les valorisations ont retrouvé des niveaux élevés. Nous avons désormais chaque trimestre environ 2,5 millions de particuliers faisant au moins une opération de bourse là où les chiffres étaient de l’ordre de 1 million auparavant. Certes cela peut être rapproché du maintien de la politique monétaire accommodante, de la poursuite de la tendance haussière du marché des actions, de la reprise des introductions en bourse et du développement des offres de neo-brokers permettant de réaliser des opérations de très petite taille – voire sur des fractions d’actions – sans commission. Cependant, même si ce phénomène pourrait se ralentir à l’occasion d’un renversement du cycle boursier, tout laisse à penser que cette évolution, non spécifique à la France, est structurelle. Cela constitue un défi pour les régulateurs boursiers. Défi concernant la bonne information des investisseurs qui sont plus jeunes et interviennent sans conseil de professionnels mais souvent à partir d’échanges sur les réseaux sociaux ; défi concernant la qualité des prestations proposées par des intermédiaires, intervenant souvent en libre prestation de services à partir d’un pays de l’Union, dans lequel ils n’ont souvent que très peu de clients, sans que les ordres passés soient assurés de la meilleure exécution ; défi concernant le bon fonctionnement du marché si les ordres ne participent pas effectivement à la formation des prix.

Ces défis constituent des priorités d’actions pour l’AMF car si la participation directe des particuliers dans les marchés financiers est un excellent développement alors que les besoins d’investissement sont considérables dans nos économies, il importe que ces nouveaux investisseurs ne soient pas égarés avec des pratiques inadaptées.

Le verdissement de la finance constitue désormais une évolution irréversible. Nous nous en réjouissons tant la maîtrise des risques climatiques et la transition énergétique appellent des investissements massifs. Mais force est de reconnaître que la situation reste confuse car l’encadrement réglementaire de ce verdissement reste encore complexe et incomplet. Certes une large majorité des nouveaux flux de souscriptions sur les fonds bénéficie désormais à des fonds se réclamant des articles 8 et dans une moindre mesure 9 de SFDR, certes les émissions de green bonds progressent rapidement avec 50 % d’émissions en plus sur 9 mois par rapport à 2020. Mais au total, nous le savons tous, le doute subsiste sur la portée réelle de ces évolutions. Le verdissement de la finance ne s’improvise pas, il se construit sur la base de données et de projets s’appuyant sur des standards pertinents, partagés et vérifiés, tant au niveau des demandeurs de capitaux, des émetteurs, que de la part des prestataires de services qui notent ces émetteurs ou leurs émissions, qui construisent des labels et des indices et ceux qui conçoivent, gèrent et proposent des produits financiers. Il se construit également sur la base d’une montée en expertise de l’ensemble de l’écosystème afin qu’in fine les investisseurs comprennent bien quelle est la dimension ESG des produits dans lesquels ils investissent. Tout ceci est en cours et l’AMF y contribue, mais je pense qu’il est honnête de reconnaître qu’il faudra encore 2 à 3 ans avant que le cadre soit stabilisé et devienne totalement opérationnel. 2 à 3 ans avant que les standards européens et peut-être internationaux soient mis en œuvre par les entreprises pour produire une information extra-financière revisitée à l’aune de la croissance durable ; 2 à 3 ans avant que la taxinomie des activités se déploie de façon complète ; 2 à 3 ans pour que sur ces bases les prestataires de service puissent fournir des analyses plus complètes et proposer des produits bien adaptés aux enjeux des défis de la croissance durable.

Cela ne signifie en rien qu’il faille dévaloriser tous les efforts entrepris et les produits actuellement proposés, mais cela signifie qu’il faut bien assumer que nous ne sommes qu’à une étape du processus et que nous travaillons tous pour en assurer de façon crédible l’amélioration.

Nous allons revenir sur tous ces thèmes lors des deux tables-rondes autour desquelles nos entretiens s’articulent et je vais sans attendre laisser la place à notre premier panel qui sera modéré par Jérôme Reboul, notre nouveau Secrétaire Général adjoint en charge de la réglementation et de l’international : "quels financements pour accompagner les entreprises dans leurs projets de croissance et dans la reprise ?"

Prise de parole
06 mars 2024
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