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Discours de Robert Ophèle, Président de l'AMF - Présentation du rapport annuel 2021 de l'AMF - 18 mai 2022

Discours de Robert Ophèle, Président de l'AMF - Présentation du rapport annuel 2021 de l'AMF - 18 mai 2022

- Seul le prononcé fait foi -

Compte tenu des échéances électorales, nous avions décidé de décaler la production de notre rapport annuel d’avril à mai et je dois dire que je m’en félicite tant l’invasion de l’Ukraine par la Russie affecte en profondeur, directement et indirectement, nos marchés financiers. A bien des égards, 2021 apparaît désormais, après l’année terrible que fut 2020, comme une embellie passagère, une parenthèse enchantée.

Je m’attacherai donc plus, ce matin, à évoquer les défis actuels que les succès de 2021.

Dans cette perspective je me concentrerai sur trois domaines : les marchés eux-mêmes, le cadre réglementaire - essentiellement européen - et l’AMF.

Evoquons d’abord les marchés

2021 a été, à l’évidence, une année d’exubérance sur les marchés financiers. Dans un environnement de forte reprise économique alimentant des pressions inflationnistes jugées alors comme transitoires par les banques centrales qui maintenaient donc des politiques monétaires très accommodantes, les valorisations de la plupart des actifs ont fortement progressé et l’ensemble des marchés ont été très actifs avec en particulier un nombre exceptionnellement élevé d’introductions en bourse.

Il serait bien trop facile de qualifier rétroactivement cette exubérance d’irrationnelle puisque c’est bien un phénomène totalement extérieur, l’invasion de l’Ukraine par la Russie, qui a marqué la fin de cette période exceptionnellement favorable et qui, il me semble, a déclenché un changement profond de paradigme.

L’environnement d’inflation basse et de taux d’intérêt très bas est révolu, le monde se fragmente et cela affecte de façon très différente les différentes économies nationales et les différents secteurs économiques.

Le premier signal de ce changement de paradigme a été envoyé par les marchés de matières premières

Pourquoi évoquer les marchés de matières premières à l’AMF ? C’est en fait parce que les prix des matières premières se forment non pas sur les marchés physiques au comptant mais sur les marchés dérivés avec des contrats qui permettent avant tout aux producteurs et aux transformateurs/distributeurs de limiter les aléas pesant sur les prix futurs de vente de leur production ou d’achat de leurs approvisionnements.

Ce sont sur ces marchés dérivés, en principe liquides car ils permettent la rencontre d’une multitude d’acheteurs et de vendeurs, financiers ou non-financiers, que se forment les prix. Ces marchés, dans leurs différentes composantes (plateformes régulées et chambres de compensation ainsi que transactions OTC) sont sous la responsabilité des superviseurs de marché.

Ne nous y trompons pas, la hausse des prix des matières premières n’a pas débuté avec la guerre en Ukraine ; sur de nombreux marchés, la hausse était déjà forte au quatrième trimestre 2021 comme l’illustre le tableau que vous voyez, mais la guerre a eu deux conséquences immédiates : elle a généré une situation de crise sur certains marchés et s’est traduite par une généralisation de la hausse sur la quasi-totalité des produits.

Tableau d'Après les données mondiales


Cette situation de crise, a culminé au cours de la première quinzaine de mars et tout particulièrement le 7 mars :

  • le contrat TTF prompt future (TFM) passe de 200 € le MgWH à 345 € en 90 minutes sur ICE Europe,
  • le prix du blé sur Euronext atteint 450€ la tonne le 7 mars (270 € en février),
  • le nickel (Russie premier exportateur) qui se traitait à 20 000 $ la tonne en début d’année sur le LME touche 100 000 $.

Vous avez sur la slide quelques indications en particulier pour la structure du marché du blé qui est localisé à Paris pour l’Europe et est sous notre responsabilité (négociation sur Euronext Paris et compensation sur LCH SA).

Positions sur le marché du blé à Paris


Cela a fait apparaître un problème inédit et quasi existentiel pour ces marchés en raison de l’ampleur des appels de marge qui ont accompagné ces augmentations de prix.

Ces appels de marge permettent d’assurer la robustesse de ces marchés mais ils peuvent être difficiles à constituer, notamment par des acteurs non-bancaires. Lorsqu’un producteur, pour fixer le prix de vente de sa production à venir est vendeur à terme de son produit à un prix X et que le prix augmente, sa contrepartie, en fait la chambre de compensation sur un marché organisé, lui demande de déposer des fonds en garantie de la bonne fin de l’opération. En l’espèce cette « marge de variation » va être considérable si les prix sont multipliés par trois et la situation peut alors être explosive. C’est ce qui a été observé de façon caricaturale sur le marché du nickel au Royaume-Uni puisqu’il a dû être suspendu en cours de journée, les transactions déjà conclues ont été annulées et la réouverture est intervenue une semaine plus tard. Mais tous les marchés de matières premières, et en particulier les marchés de l’énergie, ont enregistré la même problématique.

L’environnement de faible inflation et de taux très bas est révolu

Si les tensions inflationnistes du second semestre 2021 correspondaient à un choc de demande avec la forte reprise économique, on est désormais dans un choc d’offre qui trouve sa source dans les pénuries de matières premières suite à la guerre en Ukraine, dans la moindre croissance en Chine en raison de l’épidémie de Covid, voire dans des pénuries de main d’œuvre dans certains secteurs.

La dépendance des différents secteurs et des différents pays aux matières premières dont le prix augmente fortement n’est cependant pas homogène de même les situations de départ et les réponses de politiques publiques sont différentes ; cela accroît les hétérogénéités et la fragmentation entre pays émergeants et pays développés et à la fragmentation à l’intérieur de ces catégories de pays. Il suffit de comparer les rythmes actuels d’inflation, beaucoup plus faible en France (5,4 % pour l’IPCH) que dans le reste de la zone euro (plus de 8 %).

Taux d'inflation

Au-delà de ces différences, la tendance à une inflation forte est irrépressible et les politiques monétaires deviennent moins accommodantes : les taux d’intérêt augmentent et les achats de titres sur le marché par les banques centrales, qui ont peu ou prou financé les déficits publics nés de la crise COVID, s’arrêtent en attendant une éventuelle décrue de leurs portefeuilles.

Taux souverain au 13 mai

La capacité des acteurs économiques à transmettre sur leurs prix de vente la hausse de leurs coûts est variable comme l’est la capacité des salariés à obtenir une hausse de leur rémunération pour limiter leur perte de pouvoir d’achat.

La conjonction de l’ensemble de ces facteurs fragilise la solvabilité de certains acteurs économiques et suscite des craintes sur la croissance au-delà de l’effet d’acquis engrangé en fin d’année 2021.

Dans un tel environnement, il est normal d’observer une forte baisse des valorisations et une réapparition de primes de risques différenciées, tant pour les titres de dettes que pour les actions ; on actualise des flux de résultats plus faibles avec un taux plus élevé. Les risques de défaut augmentent avec l’idée que les banques centrales n’interviendront pas comme elles l’ont fait dans le passé et que les gouvernements n’ont plus la capacité de le faire aussi massivement.

Indice CAC40 dividende réinvesti

Les marchés financiers vont-ils continuer à financer l’économie ?  

Les marchés financiers ont en effet apporté une contribution très significative au financement de l’économie tant en 2020 – via le marché obligataire – qu’en 2021 – via le marché des fonds propres.

L’an passé a ainsi vu un nombre exceptionnellement élevé d’introductions en bourse, collectant plus de 4 Md€ à cette occasion alors que les entreprises déjà cotées collectaient plus de 8 Md€ ; dans le non-coté la collecte brute approchait 42 Md€.

En ce début d’année 2022, on observe une reprise du financement via l’endettement bancaire et une absence de contribution nette de l’endettement de marché dont le coût a singulièrement augmenté pour les entreprises.

Financement par la dette des SNF


S’agissant du marché des actions, les introductions en bourse restent dynamiques, 8 à date sur Euronext et Euronext Growth. Ce qui met en évidence les différences dans la manière dont les différents secteurs économiques sont touchés par la crise actuelle.

Euronext Growth

Il reste que la place parisienne a tendance, pour des raisons diverses, à perdre des grosses capitalisations, comme Natixis, Iliad, CNP ou Suez – sur ce dernier dossier j’attire votre attention sur la note que nous publions en marge de notre rapport annuel sur les problématiques rencontrées par le Collège lorsqu’il a eu à traiter ce dossier d’OPA – et à gagner des petites capitalisations.

Dans cette perspective, l’accord finalement trouvé entre l’AMAFI, l’AFG et la SFAF concernant l’encadrement de la recherche sponsorisée afin d’en garantir le caractère indépendant apparait particulièrement opportun tant la recherche est nécessaire pour assurer le dynamisme de la Place sur les valeurs moyennes.

Les marchés français sont soutenus par la combinaison vertueuse de l’assurance-vie en UC, des PER et de l’épargne salariale

L’assurance-vie en unités de compte reste particulièrement dynamique ; la tendance observée depuis plusieurs trimestres d’une décollecte nette sur l’assurance-vie en euros et d’une collecte nette positive sur l’assurance-vie en unités de compte s’amplifie début 2022 avec une collecte nette qui approche 11 Md€ sur le premier trimestre d’après les statistiques de France Assureurs et qui fait plus que compenser la collecte nette légèrement négative de l’assurance-vie en euros.

Collecte en assurance vie

Les PER individuels ou collectifs confirment leur dynamisme que cela soit via des transferts, transferts de contrats d’assurance ou de PERCO, ou via des souscriptions nouvelles (2 Md€ depuis le début de l’année pour les PER assurance).

Plus généralement, les montants collectés sur l’épargne salariale devaient être très significatifs en 2022. Ces versements ont en effet quatre composantes :

  • Les versements au titre de l’intéressement ;
  • Les versements au titre de la participation ;
  • Les versements volontaires ;
  • L’abondement des entreprises.

Il y a donc un effet de décalage puisque les résultats de l’entreprise pour l’année N déterminent en large partie les versements de l’année suivante au titre de l’intéressement et de la participation ainsi que l’abondement associé. En 2021, la baisse liée aux « mauvais » résultats de 2020 avait été compensée par la hausse des versements volontaires (au total 16,3 Md€ de versements). Les excellents résultats de 2021 (bénéfices nets multipliés par 4 pour le CAC40 à 160 Md€) devraient conduire à un niveau élevé d’épargne salariale.  

La confirmation de l’intérêt des particuliers pour la bourse

Au premier trimestre 2022, les particuliers sont restés très présents en bourse. Nous avons deux angles de mesure :

  • les particuliers qui passent par des intermédiaires installés en France, ce sont essentiellement des particuliers français, quelles que soient les valeurs sur lesquels ils interviennent ;
Tableau nombre particuliers
  • et les particuliers qui interviennent, quel que soit l’intermédiaire de l’UE qu’ils utilisent, sur des valeurs dont l’AMF est responsable de la supervision ; ce sont à 60 % des particuliers Français et à 40 % des particuliers étrangers.
     
Transactions de particuliers UE


Le premier indicateur montre une stabilisation à haut niveau, le second une poursuite de la progression.

Trois observations complémentaires :

  • La montée des ETF que vous voyez sur le graphique du bas (165 000 particuliers actifs au T1) et qui se retrouve au niveau des valeurs dont nous avons la responsabilité (plus de 10 % des transactions) ;
  • La montée du recours aux prestataires de l’UE non installés en France et qui correspond à la place que prennent les « néo-brokers » qui proposent des services de trading très conviviaux et se rémunèrent notamment en vendant à un participant de marché les flux qu’ils intermédient (PFOF) ; dispositif dont nous souhaitons la disparition dans le cadre de la revue de MIFIR. Mais auxquels quelques pays sont attachés ;
  • Cette montée laisse à penser que la fraction des opérations des Français que nous ne voyons pas, à savoir les opérations réalisées sur les valeurs dont nous n’avons pas la responsabilité via des intermédiaires non français est croissante. Elles sont connues des autorités de ces intermédiaires mais ne nous sont pas transmises.

La gestion d’actifs reste encore très fragmentée dans l’Union

L’industrie de la gestion d’actifs est particulièrement importante en France même si une majorité des fonds de l’Union sont enregistrés au Luxembourg et en Irlande (55 % de la NAV).  Avec 708 sociétés de gestion à fin 2021 la France compte à la fois des sociétés de gestion entrepreneuriales de taille modeste et les leaders du marché européen. Elle est donc particulièrement concernée par l’émergence d’un véritable marché unique dans l’Union pour ces activités.

Or cet objectif est loin d’être atteint. La Cour des comptes européenne a ainsi indiqué dans un rapport de février dernier que « la surveillance des fonds ainsi que de la protection des investisseurs manquent de cohérence et d'efficacité. Nous recommandons de réviser le cadre juridique, de rendre les travaux de convergence plus efficaces, de mieux protéger les investisseurs et de simplifier le cadre de déclaration. » (Rapport spécial 04/2022).

La communication du 16 mai de l’ESMA sur les obligations des gestionnaires de fonds au titre de la guerre en Ukraine en est une illustration cruelle lorsqu’elle recommande le recours aux side-pocket pour y loger les actifs russes. Cette communication met en évidence une incapacité à harmoniser les pratiques dans l’Union en précisant ce qui est acceptable ou non. Lorsqu’un fonds ouvert a une partie limitée de ses actifs dont la valorisation apparaît impossible en raison d’une absence de liquidité, on peut séparer le fonds en deux en cantonnant les actifs à valorisation incertaine dans une structure fermée et laissant les actifs « normaux » dans une structure ouverte. La procédure française est lourde et très protectrice des porteurs : on laisse les actifs compromis dans le fonds existant et on transfert les actifs « sains » dans un nouveau fonds ; au Luxembourg pour traiter les actifs russes, à une nouvelle classe de part a été ouverte à l’intérieur des fonds existants. Cette procédure est rapide et flexible mais est moins protectrice car elle ne fait pas intervenir le dépositaire et la ségrégation des fonds se fait en comptabilité interne. Si cette dernière approche était acceptable, il conviendrait à l’évidence d’intégrer cette possibilité dans le cadre français.

Au-delà, L’univers de la gestion d’actifs est analysé par certains comme étant le principal foyer de risques pour la stabilité financière soit au titre d’une promesse illusoire de liquidité (fonds ouverts), soit au titre d’effets de levier dangereux et peu encadrés. Si ces risques apparaissent relativement limités dans l’Union, les cadres juridiques et les pratiques de supervision ont bien vocation à évoluer en essayant de concilier deux objectifs : la réduction des risques pour la stabilité financière et l’orientation de l’épargne vers des classes d’actifs moins liquides mais précieuses pour financer la croissance économique.

  • La révision de la directive sur les fonds alternatifs (AIFMD) et du règlement sur les fonds de long terme (ELTIF) est en cours mais peu de progrès significatifs sont envisagés ; la révision du règlement sur les fonds monétaires est annoncée avec une proposition d’ici la fin de l’année.
  • Les superviseurs renforcent leurs exigences en termes de présence des outils de gestion de la liquidité dans les fonds, notamment pour les fonds ouverts investis en actifs peu liquides, et de suivi des positions à fort effet de levier. 

Le sujet des frais supportés par les investisseurs a largement mobilisé l’AMF en 2021 avec des orientations qui ont été retenues par le Collège en avril - une publication sera faite sur le sujet dans les prochains jours - ; ces orientations concernent :

  • les commissions de mouvement qui ont vocation à être supprimées,
  • la commercialisation des fonds actifs qui devra prendre en compte  le niveau des frais au regard de la « tracking error » du fonds par rapport à son indice de référence,
  • la commercialisation des fonds passifs qui devra prendre en compte le niveau des frais au regard de ceux prélevés dans des fonds similaires.

Une finance durable qui prend son essor dans un cadre qui reste encore largement à préciser

La mobilisation de la finance en faveur d’activités économiques durables est générale mais, à l’évidence ne se met pas encore en place de manière structurée.

Les initiatives sont foisonnantes et les institutions financières sont très actives alors que l’information à fournir par les entreprises n’est pas encore standardisée. En particulier, la future directive CSRD et les travaux engagés sous l’égide de la Fondation IFRS ne sont pas encore finalisés et les nombreux prestataires de services qui proposent données et notations en matière ESG/ISR ne sont pas régulés.

Le positionnement des produits d’investissement en fonction du niveau d’information demandé par le règlement SFDR sont souvent compris à tort comme étant des labels ce qui crée une confusion que le récent « supervisory briefing » de l’ESMA sur le sujet, particulièrement peu exigeant, encourage et ce qui ouvre la voie à un green washing généralisé. Sur la dénomination des fonds, les principes restent ainsi à un fort niveau de généralité ce qui va mécaniquement conduire à un ajustement vers le bas. Par exemple, pour les fonds article 8 de SFDR il est seulement indiqué que : while there are no legal grounds under SFDR to prohibit a fund disclosing under Article 8 SFDR which does not include any sustainable investments from using the terms “sustainable” or “sustainability” in its name, it is advisable, in order to avoid confusion with investors, that the use of the term “sustainable” or “sustainability” should be used only by… funds disclosing under Article 8 SFDR which in part invest in economic activities that contribute to environmental or social objectives.

Dans ce contexte, l’AMF reste résolument engagée aux côtés de la Place en faveur d’une approche exigeante que nous déclinons, dans notre doctrine, dans nos rapports et dans nos contrôles. En 2021, elle a ainsi notamment :

  • actualisé sa doctrine pour la commercialisation de fonds mettant en avant les critères extra-financiers et annoncé, dans le cadre de ses priorités de supervision 2022, des contrôles SPOT sur le respect de ces engagements ;
  • effectué avec l’ACPR-AMF une revue des engagements du secteur financier avec un focus sur les énergies fossiles ;
  • analysé les engagements de neutralité carbone repris dans les déclaration de performance extra-financière (DPEF) de sociétés cotées et présenté les enjeux de la neutralité carbone des entreprises (rapport de la Commission Climat Finance Durable) ;
  • activé la certification professionnelle finance durable avec 6 organismes certifiés ;
  • développé une communication pédagogique pour les épargnants sur la finance durable ;
  • accordé ses premiers visas sur des Sustainability-Linked Bonds.

Une finance digitale qui peine à trouver le bon encadrement

Si le régime européen qui va permettre d’expérimenter « pour de vrai » des infrastructures de marché utilisant les registres distribués a été finalisé avec des projets qui pourront être agréés à partir du premier trimestre 2022. La finalisation du cadre réglementaire européen dans lequel devront s’insérer les autres crypto-actifs (MICA) fait toujours l’objet de discussions en trilogue. C’est d’autant plus regrettable que les évolutions récentes du marché, qui a globalement perdu un tiers de sa valeur au cours des derniers jours et mis en évidence la fragilité du concept de stable coin, montre l’urgence à disposer d’un cadre réglementaire adapté.

Ce cadre réglementaire européen ; nous en avons également besoin en France car notre dispositif d’enregistrement obligatoire, qui permet d’identifier les acteurs et de vérifier que des éléments de base sont bien présents, à savoir les dispositifs de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme et l’honorabilité des dirigeants et des personnes qui contrôlent le prestataire, ne constitue pas un cadre complet de supervision. L’agrément, optionnel actuellement en France compte tenu de la nature transfrontière de ces activités, a vocation à devenir obligatoire dans l’UE. Au-delà des 37 PSAN aujourd’hui enregistrés par l’AMF, il nous faut passer à la vitesse supérieure, l’agrément qui renforcera la confiance dans ces prestataires.

Mais la digitalisation va bien au-delà des crypto-actifs et des technologies de registres distribués. Elle se diffuse dans la commercialisation auprès des particuliers de tous les produits financiers sur la base fondatrice du marché unique qu’est la libre prestation de services financiers (qui ne demande pas d’établissement d’une succursale comme le prévoit le principe de libre établissement). Cela signifie que la commercialisation transfrontière des produits financiers progresse rapidement.

Or le mode de régulation de ces services transfrontières qui s’appuie quasi exclusivement sur le cadre réglementaire du pays de localisation du prestataire de services et sur son autorité de supervision locale n’est pas satisfaisant. En l’état, les autorités des pays où les services sont proposés sont quasiment aveugles, nous ne savons pas quels services sont effectivement proposés ; cela encourage les localisations dans les pays où la régulation est la plus allégée et in fine cela limite singulièrement la capacité des particuliers à faire valoir leurs droits, puisque ce sont les dispositifs de médiation et de recours du pays d’origine qui s’appliquent. Il y a là les ingrédients d’une remise en cause fondamentale de ce principe de libre prestation de services. Pour le préserver, il faut absolument renforcer le rôle de l’ESMA et celui des autorités des pays « hôtes ».

J’en viens plus spécifiquement à l’activité de l’AMF avec en premier lieu un focus sur l’activité de notre filière répressive

Vous observerez en 2021 un niveau élevé de décisions de la Commission des sanctions (19) et une nombre relativement réduit d’ouvertures d’enquêtes et de contrôles (71 à l’initiative de l’AMF). C’est en partie dû aux effets des confinements qui ont décalés les procédures. Nous avons retrouvé un rythme plus normal 11 enquêtes et 22 contrôles ouverts à fin avril.

Plusieurs décisions de la Commission des sanctions et des juridictions de recours ont nourri une jurisprudence très satisfaisante sur des sujets sensibles de manipulation de cours ou de diffusion d’informations trompeuses.

Je dois cependant relever que la question de la datation des informations privilégiées suscite de nombreuses interrogations et une bonne datation est indispensable pour assurer la confiance dans le bon fonctionnement des marchés. Je vais d’ailleurs déposer un recours principal dans une affaire récente où le Collège considère que la datation retenue par la Commission des sanctions n’est pas la bonne.

Pour conclure, quelques mots sur le fonctionnement de l’AMF

Alors que nous arrivons au terme de notre plan stratégique #Supervision 2022, la mutation de l’AMF n’est pas achevée. L’intégration de la digitalisation et l’usage généralisé des données dont nous disposons sont bien avancées mais beaucoup reste à faire.

Si la surveillance et l’analyse des marchés sont « à la frontière », le déploiement pour la gestion d’actifs est en cours, l’essentiel sera achevé dans un an, nous travaillons à l’utilisation des données au format électronique des rapports financiers qui se sont généralisées dans le cadre du règlement ESEF et nous allons dans quelques jours mettre à disposition en « open data » avec des écrans de travail ad-hoc les déclarations de ventes à découvert.

Dans le domaine de la cadre de la protection des consommateurs, nous travaillons à améliorer notre surveillance des réseaux sociaux afin d’assurer une détection la plus précoce possible des arnaques et des influenceurs peu scrupuleux. L’intégration de cette surveillance dans un cadre juridique solide est à l’étude.

Nos modes de travail et de management des équipes se modifient en profondeur. Nous allons réduire et repenser nos surfaces de bureaux, travailler en flex-office avec un niveau de télétravail stabilisé à au maximum la moitié du temps de travail. Nous allons ainsi temporairement abandonner ces locaux mais, en principe, le prochain rapport annuel pourra vous être présenté dans ces mêmes locaux rénovés en avril prochain.

Ces évolutions s’inscrivent dans le cadre d’une gestion économe des deniers publics, en fait des contributions levées auprès des assujettis comme la comparaison avec nos homologues dans les pays voisins le montre.

Merci de votre attention.