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Discours d'introduction de Jean Gaeremynck, président de la Commission des sanctions - 14e colloque de la Commission des sanctions de l'AMF, Mercredi 6 octobre 2021

Discours d'introduction de Jean Gaeremynck, président de la Commission des sanctions - 14e colloque de la Commission des sanctions de l'AMF, Mercredi 6 octobre 2021

Seul le prononcé fait foi

Mesdames, Messieurs,

Je suis très heureux d’ouvrir ce 14ème colloque de la Commission des sanctions.

Comme l’année passée nous vous accueillons au Palais Brongniart dans cette salle, mais aussi à distance, et vous êtes plus de 170 à vous être connectés et à nous suivre en direct.

Je voudrais avant toute chose saluer Marie-Hélène Tric, qui a œuvré pendant 10 années au sein de la commission, qu’elle a présidée pendant plus de cinq années.

Je vous adresse, Marie-Hélène, en mon nom personnel et au nom de l’ensemble des membres de la commission, nos plus vifs remerciements pour votre implication personnelle et tout le travail réalisé sous votre présidence efficace et conviviale. En 10 ans, la commission a rendu 206 décisions de sanction, ce qui donne une idée de l’investissement qui a été le vôtre et celui de l’ensemble des membres de la commission.

A ce sujet, je souhaite également saluer MM. Bernard Field, Bruno Gizard et Christophe Lepitre, qui viennent de quitter la commission au terme de leurs mandats. Ils nous ont énormément apporté par leur expérience et leur sens du travail collectif. A eux aussi j’adresse mes plus sincères remerciements.

A la suite de ces départs, la commission est sensiblement renouvelée dans sa composition. Je me réjouis tout d’abord de l’élection de M. Didier Guerin à la présidence de la deuxième section. Je salue par ailleurs l’arrivée de 4 nouveaux membres : Mme Valérie Michel-Amsellem, MM. Frédéric Bompaire, Alain David et Aurélien Hamelle. A chacun je souhaite la bienvenue. La richesse et la variété de vos parcours sont l’assurance que la commission continuera d’accomplir ses missions avec le haut degré de compétence et d’exigence qui sont attendus d’elle. 

Car chers collègues, vous rejoignez une instance qui repose sur un équilibre subtil. Ce qui la caractérise en tout premier lieu c’est son indépendance, que chacun de ses membres doit incarner en toutes circonstances dans l’exercice de son mandat. Elle appelle donc de votre part un engagement et une impartialité sans faille.

Depuis le début, cette indépendance, qui répond aux exigences constitutionnelles et européennes sur la séparation des fonctions de poursuite et de jugement, est dans l’ADN de la commission.

Mais aussi (en même temps, si j’ose dire) et c’est cela aussi qui fait sa spécificité, la commission, pour indépendante qu’elle soit, est de par la loi une composante à part entière du régulateur. A ce titre, elle en partage les objectifs : la protection des épargnants, l’information des investisseurs et d’une manière générale le bon fonctionnement des marchés financiers.

C’est donc cet équilibre subtil qu’il faut faire vivre, affaire après affaire, décision après décision, dans l’exercice par la commission de sa mission au quotidien.

Mais puisque nous sommes au début d’une nouvelle période, je voudrais dessiner un certain nombre de perspectives et de priorités d’action. Elles s’inscrivent d’ailleurs largement dans les évolutions récentes rappelées par la présidente Marie-Hélène Tric l’année dernière lors de ce même évènement.

En premier lieu, parce qu’elle est un acteur de la régulation, la commission se doit de faire œuvre de clarté et de pédagogie. Rendre des décisions lisibles, les faire connaître et s’assurer qu’elles sont comprises sont des priorités affichées.

Nous devons poursuivre nos efforts dans ce domaine.

D’abord, en simplifiant la rédaction de nos décisions afin de les rendre plus intelligibles. Sur ce point, une réflexion sera engagée, portant  sur la structure des décisions et sur la citation des textes applicables.

Ensuite, en renforçant encore l’accessibilité de nos décisions. Beaucoup a déjà été fait pour rendre plus visible la jurisprudence de la commission – je pense en particulier au recueil de jurisprudence ou aux communiqués de presse publiés en français et en anglais. Il faut naturellement pérenniser ces outils qui sont très utiles aux acteurs. Ce qui passe par l’actualisation du recueil. Mais nous devons aller plus loin. Aussi mènerons-nous une réflexion sur la création d’instruments nouveaux permettant de présenter l’évolution de la jurisprudence rendue sur des thèmes précis.

En deuxième lieu, là encore car elle est une composante de l’AMF, la commission doit s’attacher à prendre en compte les missions du régulateur dans son appréciation des questions qui lui sont soumises, en particulier des questions nouvelles. Car l’interprétation donnée aux textes par la commission a des impacts concrets et immédiats sur les acteurs, et notamment sur les professionnels régulés. A cet égard, la commission continuera à se montrer attentive aux enjeux en présence et aux conséquences de ses décisions.

En troisième lieu, un objectif de sécurité juridique doit conduire l’action de la commission. Aussi le respect des droits de la défense est-il une préoccupation constante de ses membres, comme en atteste me semble-t-il la lecture de ses décisions. Le contradictoire est un principe cardinal tout au long de la procédure de sanction et notamment lors des séances de la commission, auxquelles ses membres attachent une grande importance. Les paroles qui y sont prononcées, les échanges qui s’y produisent permettent souvent, à la faveur des questions posées aux parties prenantes, et des réponses apportées par eux, de serrer au plus près la réalité d’une affaire, au-delà de la seule consultation des pièces de la procédure. 

Et bien sûr l’objectif de sécurité exige aussi que la commission continue, comme elle le fait aujourd’hui, de prendre en compte de façon scrupuleuse, dans sa propre jurisprudence, les décisions des juridictions de recours, toujours riches d’enseignements.

En dernier lieu, je veux dire l’attachement de la commission à juger les affaires qui lui sont soumises dans des délais raisonnables. C’est une exigence à l’égard des personnes mises en cause et c’est un gage d’efficacité de ses décisions. Des progrès ont été enregistrés au cours de la période récente. Ainsi, si l’on prend en compte les décisions rendues cette année, le délai moyen entre la saisine de la Commission des sanctions et la décision était d’environ un an, ce qui est déjà satisfaisant. Nous devrons poursuivre dans cette voie.

C’est tout naturellement que j’en viens maintenant à vous présenter brièvement le bilan de l’activité de la commission et des juridictions de recours depuis le colloque de l’année dernière.

D’abord quelques chiffres.

La crise sanitaire a bien sûr fortement impacté l’activité de la commission. Ainsi en 2020, la commission a rendu 13 décisions contre 19 en 2019 et 18 en 2018.

Cependant, dès 2021 nous avons pu reprendre un rythme d’activité plus normal. 15 décisions de sanction ont ainsi été rendues depuis le début de l’année. 

Et depuis le dernier colloque de la commission, qui s’est tenu le 5 octobre 2020, c’est un total de 20 décisions de sanction qui ont été rendues.

Sur la même période, 9 décisions d’homologation d’accords de composition administrative ont été rendues.

Quant aux juridictions de recours, on dénombre un total de 16 décisions :

  • 7 de la cour d’appel de Paris
  • 3 de la Cour de Cassation
  • 6 du Conseil d’Etat

S’agissant des sanctions, la commission a prononcé en un an un total de près de 62 millions d’euros de sanctions pécuniaires. Dans une décision récente, du 4 août dernier, sur laquelle je reviendrai dans un instant, la commission a infligé un montant cumulé de sanctions pécuniaires de plus de 37 millions d’euros, ce qui constitue le montant le plus important jamais prononcé.

La commission a également prononcé sur la même période 17 sanctions professionnelles dont 7 avertissements, 8 blâmes et 2 interdictions professionnelles pendant 10 ans.

Parmi les décisions rendues sur la période, je voudrais m’arrêter plus particulièrement sur 4 d’entre elles.

3 concernent des faits de manipulation de cours.

La première a été rendue par la cour d’appel de Paris. Dans un arrêt du 25 mars, la Cour a confirmé une décision de la Commission des sanctions du 4 décembre 2019 qui avait sanctionné à hauteur de 20 millions d’euros un établissement financier ayant la qualité de spécialiste en valeurs du Trésor pour avoir manipulé le cours d’obligations souveraines françaises et d’un contrat à terme sur ces obligations.

Les deux autres décisions ont été rendues par la Commission des sanctions.

Dans l’une, du 28 mai, une société de droit allemand et son dirigeant ont été sanctionnés à hauteur de 1,2 million d’euros chacun pour manipulation du cours d’un contrat à terme sur obligations souveraines françaises.

Dans l’autre, du 4 août, la commission a sanctionné une société de gestion, une société agissant comme table de négociation et une société de courtage, ainsi que trois de leurs anciens salariés, pour manipulation de cours et, pour quatre mis en cause, des manquements à leurs obligations professionnelles. Outre les sanctions pécuniaires dont j’ai déjà mentionné le montant, la commission a prononcé plusieurs sanctions disciplinaires.

Ces trois affaires ont soulevé des questions intéressantes - parfois inédites - découlant de la dimension européenne des faits et tenant notamment à la compétence de l’AMF et au respect du principe non bis in idem. Selon les cas étaient en effet concernés des instruments financiers cotés dans un autre Etat membre ou encore des manipulations commises depuis l’étranger.  

La 4ème décision que je souhaite évoquer est encore plus récente. Il s’agit d’un arrêt rendu le 16 septembre par la cour d’appel de Paris qui a rejeté le recours en annulation formé contre une décision de la Commission des sanctions du 11 décembre 2019. Dans cette affaire, la commission avait sanctionné une société de presse pour avoir diffusé de fausses informations. Etait en cause la publication par deux journalistes de plusieurs dépêches reprenant, en substance, le contenu d’un communiqué de presse frauduleux faisant état d’informations négatives sur une société cotée, sans avoir procédé à la moindre vérification préalable. Si la cour d’appel a réduit le montant de la sanction prononcée, elle a en revanche confirmé la caractérisation du manquement.   

Ce sont ces affaires – et d’autres – qui nous nous ont conduit à consacrer le thème de ce 14ème colloque à l’Europe.

Les trois premières illustrent la dimension européenne de l’action de l’AMF, et les questions juridiques mais aussi pratiques qui peuvent en résulter, tenant notamment aux situations de compétence concurrentes de plusieurs autorités.

L’affaire relative à la publication d’informations tirées d’un faux communiqué de presse illustre quant à elle les questions que peut soulever l’application de la règlementation européenne. Il était en effet question dans cette affaire du recours à l’article 21 du Règlement sur les abus de marché, relatif à la divulgation ou la diffusion d’informations dans les médias.

Le droit européen occupe en effet une place essentielle dans les sources du droit des marchés financiers, et notamment du droit des abus de marché. A cet égard, la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne participe, avec celle des juridictions nationales, notamment de la Cour de Cassation et du Conseil d’Etat, à l’édification du corpus de règles de fond et de procédure applicables dans nos domaines d’intervention. Des arrêts importants ont été rendus au cours des derniers mois par ces juridictions et d’autres le seront prochainement. Ils impactent très concrètement les pouvoirs des enquêteurs de l’AMF et, pour certains, d’autres autorités, comme le souligne un récent rapport du Conseil d’Etat sur les pouvoirs d’enquête de l’administration. C’est le cas par exemple des décisions de justice concernant les données de connexion. De cette jurisprudence, il sera également question au cours de ce colloque.

Mesdames et messieurs, la commission attend beaucoup des débats qui vont s’ouvrir dans un instant, car ils nourriront sa connaissance et sa réflexion. J’espère qu’ils vous seront aussi utiles qu’à nous.

Et je ne peux donc que terminer mon propos par des remerciements à l’égard de ceux qui ont accepté d’apporter leur contribution à cet évènement.

Je remercie Monsieur Sven Giegold, député européen, qui a accepté d’être notre keynote speaker.

Je remercie aussi l’ensemble des participants aux tables-rondes, représentants d’institutions européennes, magistrat, avocats, chercheurs, membre de la Commission des sanctions et représentants de l’AMF, qui seront présentés tout à l’heure.

Je remercie enfin M. le président Robert Ophèle, toujours attentif aux travaux de la commission, qui clôturera ce colloque.

Et sans plus tarder, je cède la parole à M. Giegold.

Je vous remercie de votre attention.