Merci de désactiver le bloqueurs de pub pour visualiser cette vidéo.
Discours d'ouverture de Valérie Michel-Amsellem, présidente de la Commission des sanctions - 17e colloque de la Commission des sanctions de l'AMF, Mardi 24 septembre 2024

Discours d'ouverture de Valérie Michel-Amsellem, présidente de la Commission des sanctions - 17e colloque de la Commission des sanctions de l'AMF, Mardi 24 septembre 2024

Seul le prononcé fait foi

Mesdames, Messieurs,
Chers collègues, Chers amis,

C’est un grand plaisir de vous accueillir aussi nombreux pour ce 17e colloque de la Commission des sanctions, qui est pour moi le premier en tant que présidente de cette Commission.

Je vous souhaite la bienvenue et associe à ce souhait Jean-Claude Hassan, président de la seconde section, avec lequel je me réjouis d’exercer ces fonctions.

Il s’agit également du premier colloque pour les nouveaux membres de la Commission des sanctions nommés en février dernier. Chers collègues, je vous renouvelle mes vœux d’épanouissement dans cette mission qui vous est confiée et que vous avez toutes et tous abordée, je le sais, avec conscience et enthousiasme.

Je profite enfin de cette tribune, pour remercier chaleureusement mon prédécesseur Jean Gaeremynck, ainsi que Didier Guérin, Sandrine Elbaz-Rousso, Aurélien Hamelle et Lucien Millou, qui ont quitté leurs fonctions au cours de cette année. Leurs personnalités ont marqué pour longtemps cette Commission. Ils nous manquent, bien sûr, et nous veillerons à rester à la hauteur de ce qu’ils nous ont transmis tant en termes professionnels, qu’humains.

Avant d’entrer dans le vif des sujets des deux tables rondes qui nous réunissent, je souhaite partager avec vous quelques éléments de bilan sur l’année passée ainsi que quelques réflexions au vu de mes premiers mois d’exercice de présidence.

Pour ce qui concerne le bilan d’activité de la Commission des sanctions depuis notre dernier rendez-vous en octobre 2023 :
Ce sont 14 décisions de sanction et 9 décisions d’homologation d’accords de composition administrative qui ont été rendus.

Ces chiffres sont un peu moins élevés que ceux présentés les années précédentes mais s’expliquent par l’interruption des travaux de la Commission pendant le premier trimestre 2024, dans l’attente de la nomination des nouveaux membres, intervenue bien plus tardivement que ce que nous l’espérions ! D’ailleurs, l’histoire se répète – malheureusement – car nous attendons depuis de trop longs mois, maintenant, la nomination d’un nouveau membre en remplacement d’Aurélien Hamelle. Il va sans dire que la vacance d’un siège désorganise le fonctionnement de notre Commission et fait peser sur les membres des charges supplémentaires qui ne sont pas négligeables.

S’agissant du montant des sanctions, la Commission a prononcé depuis le dernier colloque un total de plus de 8,6 millions d’euros de sanctions pécuniaires, ce qui se situe dans la fourchette des sanctions prononcées chaque année, sauf dossier exceptionnel et en activité pleine bien sûr.

Je ne vais pas revenir sur chacune des décisions rendues, mais évoquerai seulement celles qui ont apporté des réponses nouvelles à notre corpus décisionnel.

Je commencerai par la décision du 9 novembre 2023 qui, pour la première fois, a prononcé une sanction pécuniaire et une interdiction d’exercice à l’encontre d’une société française qui agissait en tant qu’agent lié d’un prestataire de services d’investissement ayant son siège à Chypre. Il en ressort principalement qu’un agent lié d’un PSI étranger n’échappe pas à la réglementation ni à sa responsabilité devant la CDS. Dans cette affaire, la Commission a relevé de très nombreuses carences de l’agent lié, je vous renvoie à sa lecture instructive, sur les comportements à proscrire.

Autre décision importante cette fois en matière de manquement de manipulation de cours : est celle du 24 janvier 2024, par laquelle la Commission s’est prononcée sur des points inédits ou rares en cette matière. Pour la première fois, cette décision retient que les actions coordonnées entre divers protagonistes sur plusieurs titres cotés constituent un « comportement manipulatoire ». Elle retient également, pour la deuxième fois seulement, que ces protagonistes ont collaboré à la réalisation de la manipulation de cours, ce qui justifiait que le manquement soit caractérisé à leur égard.

L’année qui vient de s’écouler a été aussi l’occasion pour la Commission d’apprécier de nombreux manquements d’initiés. 25 au total.

Parmi les décisions rendues, celles du 31 janvier 2024 et du 15 mai 2024 qui ont décidé de la mise hors de cause des personnes poursuivies, illustrant que la Commission des sanctions n’a pas toujours la même analyse de la portée des indices recueillis que le Collège. Elles témoignent, s’il en était besoin, de l’indépendance de nos organes et du bon fonctionnement de nos institutions.

Enfin, je voudrais également faire mention de la décision rendue le 27 novembre 2023, qui pourrait constituer une introduction aux débats de nos deux tables rondes de cet après-midi. En effet, dans cette affaire, la Commission a eu à se prononcer sur de multiples manquements de diffusion d’informations fausses ou trompeuses. Elle a également répondu à plusieurs moyens concernant l’application du contradictoire à diverses phases de la procédure et relatifs à l’étendue des investigations des enquêteurs. Cette décision a, notamment, été l’occasion, pour la Commission, de rappeler les grands principes applicables, en particulier celui selon lequel le principe du contradictoire ne s’applique qu’à compter de la notification de griefs, ouvrant la procédure de sanction, et non à la phase préalable d’enquête, laquelle doit néanmoins être loyale afin de ne pas compromettre irrémédiablement les droits de la défense.

Je signale que toutes les décisions de la Commission que je viens de mentionner ont fait l’objet d’un recours.

Ce qui me conduit tout naturellement à préciser dans ces éléments de bilan de l’année écoulée que nos juridictions de recours (le Conseil d'Etat d’un côté, et la cour d'appel de Paris, puis la Cour de cassation, de l’autre) ont rendu 17 ordonnances et décisions dont certaines tranchent des contentieux anciens et apportent des réponses à des questions particulièrement intéressantes. Parmi ces 17 ordonnances et décisions, toutes celles qui ont été rendues au fond ont donné lieu au rejet du recours ou du pourvoi. Ce qui pour nous constitue une satisfaction, non pas personnelle bien sûr, mais nous conforte quant à la validité de nos analyses.

Ainsi, dans l’arrêt du 14 février 2024, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par une société de presse qui avait été sanctionnée pour diffusion d’informations fausses ou trompeuses. Faisant application des dispositions du règlement abus de marché, la Cour a apporté des précisions intéressantes et inédites sur l’articulation entre l’exercice de la liberté de la presse et la protection de l’intégrité des marchés. 

Autre arrêt qui mérite d’être signalé : celui du 4 avril 2024, par lequel la Cour rejette le pourvoi et répond à des moyens inédits en particulier sur la portée des instructions de l’AMF. 
Par cet arrêt, la Cour affirme également que l’AMF est compétente pour sanctionner toute personne pour entrave à l’enquête, peu important que cette entrave se manifeste à l’occasion d’une demande de communication d’information ou de documents présentée à une autorité étrangère, dans la mise en œuvre de la coopération internationale.

Enfin, je mentionne également deux décisions du Conseil d’Etat. L’une, rendue le 29 mai 2024 en matière d’action de concert.
Et l’autre, toute récente, du 9 septembre 2024, qui concerne un conseiller en investissements financiers qui prétendait pouvoir échapper à la réglementation applicable à ces professionnels car il exerçait d’autres activités relevant du pouvoir de sanction de la DGCCRF. Le Conseil d’Etat énonce clairement le principe selon lequel la circonstance que la personne poursuivie exerce, en parallèle de son activité de CIF, d’autres activités relevant d’une autre réglementation et susceptibles d’être sanctionnées ne saurait remettre en cause la compétence de la Commission des sanctions en cas de méconnaissance des obligations pesant sur elle en sa qualité de CIF.

Venons-en aux quelques réflexions que je souhaitais partager avec vous à l’issue de quelques mois de présidence de la Commission des sanctions.

En ce début de mandat je concentrerai mes propos sur deux axes qui me paraissent essentiels à l’accomplissement de la mission qui incombe à la Commission : l’efficacité des sanctions ainsi que la rapidité et la solidité de nos procédures.

La question de l’efficacité des sanctions est une question que se pose tout juge et qu’il doit toujours avoir à l’esprit.

Nous l’avions déjà abordé l’année dernière, de façon d’ailleurs assez classique en énonçant qu’une sanction efficace, c’est une sanction pédagogique et dissuasive.

Il me semble que l’on peut ajouter, ce qui va sans dire, mais peut être mieux encore en le disant, que pour que la sanction soit efficace, il faut qu’elle soit juste tant au regard de l’application de la règle de droit, que de la réalité des faits ou du manquement, et de la situation de l’auteur de l’infraction (pour autant qu’il nous apporte les éléments nous permettant d’apprécier cette situation).

S’agissant de la pédagogie, celle-ci doit en premier lieu s’appliquer à l’égard des mis en cause. Il est évidemment essentiel que les personnes sanctionnées comprennent les raisons pour lesquelles nous considérons qu’elles n’ont pas respecté la réglementation et en quoi nous estimons que les manquements commis doivent être sanctionnés.

Mais pédagogique, la décision doit aussi l’être à l’égard du marché, afin de permettre de prévenir de futurs manquements ou qu’il soit mis fin à ceux en cours, que l’AMF n’aurait pas encore décelés.  Elles doivent donc permettre à l’ensemble des acteurs du marché de comprendre la réglementation, la manière de l’appliquer et les conséquences de sa violation.

C’est pourquoi nous nous appliquons à rendre des décisions claires et simples à lire - ce qui est parfois une gageure dans nos matières par nature complexes - en apportant un soin particulier à la motivation afin que les mis en cause et tous autres lecteurs puissent saisir pourquoi les agissements qui nous sont soumis ne respectent pas la réglementation et qu’il puisse ensuite y être remédié.

Mes prédécesseurs ont eu, je le sais, cet objectif à cœur et, au fil du temps, la qualité des décisions n’a cessé de s’améliorer. Mais en réalité, il s’agit là d’un projet en constante construction, et je pense que notre effort de pédagogie pourrait être encore renforcé, notamment à l’égard du grand public ou de catégories spécifiques de professionnels.

Ainsi, l’AMF a mis en place un webinaire à destination des conseillers en investissements financiers (les CIF) qui leur est proposé chaque semestre. J’ai eu l’occasion de participer à la dernière édition au cours de laquelle j’ai pu expliquer à ces professionnels les décisions que nous avions rendues dans leur domaine d’activité. Cela m’a donné l’opportunité de préciser nos exigences et de présenter les comportements que la Commission des sanctions aimerait ne plus voir dans les dossiers qui lui sont transmis par le Collège. 

Ce type d’outil pédagogique me parait particulièrement efficace pour diffuser au plus grand nombre les enseignements de nos décisions et les rendre plus accessibles et nous réfléchissons à leur développement dans d’autres secteurs ou à la création d’autres types d’intervention à destination du public.

Si la pédagogie est essentielle, la sanction a aussi bien évidemment pour fonction de punir et de dissuader et, à ce sujet, il m’apparaît nécessaire de préciser ceci :
La Commission des sanctions rend des décisions depuis de nombreuses années maintenant et son corpus de décisions, pour ne pas dire sa jurisprudence, est désormais important !  – en témoigne le volume du recueil de « jurisprudence », désormais long de plus de 700 pages, que nous avons décidé de dématérialiser. Il vous a été fourni à votre arrivée sur une clef USB !

Avec cette « jurisprudence », les règles et le fonctionnement de la Commission des sanctions sont désormais connus. L’essentiel des manquements et des infractions aussi. Dans ces circonstances, lorsque les manquements nous apparaissent établis, nous n’hésitons et n’hésiterons pas à prononcer des sanctions à la hauteur de ce qui est nécessaire et veillerons à ce qu’elles soient suffisamment dissuasives pour assurer la protection des marchés et des investisseurs ainsi que la confiance de ceux-ci.
C’est à ce prix aussi que la place de Paris sera attractive.

Un autre enjeu majeur est la solidité et la rapidité de nos procédures.

S’agissant de la rapidité, là aussi j’ai, comme mes prédécesseurs, la préoccupation de raccourcir autant que possible, au regard de nos exigences de qualité et de nos moyens, les délais entre l’ouverture de la procédure de sanction et la publication de la décision. Ce délai est à l’heure actuelle d’un an environ Nous veillerons à maintenir, voire raccourcir, ces délais, si les moyens dont nous disposons nous le permettent bien sûr.

Solidité de nos décisions ensuite pour éviter la censure des juridictions de recours, saisies de plus d’une décision sur deux.
Une décision solide implique un fort degré d’exigence sur le respect des droits de la défense et sur le caractère probant des éléments de preuve.

Je tiens d’ailleurs à redire sur ce point combien l’instruction des saisines qui nous sont transmises par le Collège est une phase essentielle. Cette instruction est effectuée contradictoirement par le rapporteur membre de la Commission, à charge et à décharge. Elle permet à la Commission des sanctions d’être pleinement éclairée, et assurée du fait que chacun a pu faire valoir ses arguments, que chaque pièce du dossier a pu être examinée et discutée. Cette instruction est indispensable à la solidité de nos décisions, que la Commission décide, ou non, de suivre l’avis de son rapporteur et je tiens à saluer le fort degré d’implication des membres de cette Commission dans l’accomplissement de cette mission qu’elles et ils remplissent, toujours, avec beaucoup de conscience, de responsabilité et de vigilance. Je tiens à saluer aussi l’excellente qualité du travail d’assistance apportée par la Direction de l'instruction et du contentieux des sanctions (DICS).

Le contradictoire sera l’objet des débats de notre première table ronde, ce n’est pas par hasard. La bonne application de ce principe constitue l’un de nos pôles de vigilance. De manière générale, la préservation des droits des mis en cause constitue une condition, sans laquelle il ne peut y avoir de juste sanction. Nous sommes et resterons attentifs aux évolutions des jurisprudences européennes et nationales dont nous tirerons les enseignements qu’elles nous imposeront et dans les délais les meilleurs.

Venons-en à nos travaux de cet après-midi pour lesquels nous sommes heureux d’accueillir des personnalités de premier plan. Chers intervenants, je vous remercie de votre présence cet après-midi et d’avoir accepté de venir nourrir nos réflexions ainsi que de partager votre expérience.

J’adresse également mes sincères remerciements à Mme Barbat-Layani, présidente de l’AMF, qui clôturera cet évènement.

Comme je viens de l’indiquer, lors de la première table ronde, nous aborderons d’abord le vaste sujet de l’application du contradictoire dans la procédure de sanction. Plusieurs questions se posent : Quels sont les enjeux de l’application du contradictoire ? Comment celui-ci s’applique-t-il pendant les différentes phases de la procédure ? Quels éléments sont concernés ? Quelles sont les difficultés rencontrées dans la mise en œuvre de ce principe ?

La seconde table ronde se penchera ensuite sur la répression du manquement de diffusion d’informations fausses ou trompeuses par les émetteurs. La Commission a eu l’occasion, au cours de l’année passée, d’examiner à plusieurs reprises ce manquement. Les questions que nous nous poserons porteront sur quelles sont les difficultés rencontrées par les émetteurs dans leur communication financière ? quelles sont les exigences liées à l’application du règlement MAR en particulier son article 12 ? Quelles sont les pratiques des émetteurs pour prévenir la diffusion de fausses informations ? Quel dialogue est mis en œuvre entre les émetteurs et l’AMF ?

Il me tarde d’entendre nos intervenants sur ces différentes questions et il est plus que temps de leur laisser la parole, je vous précise seulement qu’à l’issue de ces tables rondes, j’aurais grand plaisir à vous retrouver lors du cocktail de clôture.

Mesdames et Messieurs, je vous remercie pour votre attention et vous souhaite un excellent après-midi.