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Présentation du rapport annuel de l’Autorité des marchés financiers à l'Assemblée nationale - Commission des finances – Propos liminaires de Marie-Anne Barbat-Layani, présidente de l’Autorité des marchés financiers - Mercredi 25 juin 2025

Présentation du rapport annuel de l’Autorité des marchés financiers à l'Assemblée nationale - Commission des finances – Propos liminaires de Marie-Anne Barbat-Layani, présidente de l’Autorité des marchés financiers - Mercredi 25 juin 2025

Seul le prononcé fait foi

Monsieur le Président, Monsieur le Rapporteur général, Mesdames et Messieurs les députés,

Je vous remercie d’avoir accepté de reporter cette audition initialement prévue le 28 mai dernier et de me donner l’occasion de vous présenter les enjeux de régulation financière à l’occasion de la publication du rapport annuel 2024 de l’Autorité des marchés financiers que j’ai l’honneur de présider depuis octobre 2022. Je suis accompagnée par Sébastien Raspiller, Secrétaire général de l’AMF.

● Pour commencer, j’aimerais mentionner quelques chiffres clés :

  • L’AMF compte 516 collaborateurs.
  • L’AMF supervise la plus grande place financière de l’Union européenne ; 695 sociétés de gestion, 13 200 organismes de placement collectif pour un encours de plus de 2 milliards d’euros, 110 prestataires de service sur actifs numériques.
  • En 2024, elle a délivré 272 visas sur des opérations financières, visé 14 introductions en bourse et 37 offres publiques.
  • Près de 13 400 réclamations de particuliers ont été traitées ainsi que près de 2 000 dossiers de médiation.
  • L’AMF a ouvert 30 enquêtes et 56 contrôles. 12 décisions de sanction et 12 accords de transaction ont été publiés et environ 29 millions d’euros ont été versés au Trésor public à ce titre.
  • Son budget 2025 est de 126 millions d’euros. Un montant important des ressources, soit 156 millions d’euros en cumulé, a été reversé au budget de l’Etat depuis 2014, date de l’instauration du plafond des recettes. Je rappelle que l’AMF ne bénéficie d’aucune subvention budgétaire et est intégralement financée par des contributions de la Place. Je me permets également de rappeler que sur la période 2016 - 2024, le budget annuel des régulateurs de marchés européens a cru de 7% par an en moyenne, alors que celui de l’AMF a cru de 3%, soit le taux le plus bas de l’Union européenne (avec la Roumanie).

● +Nous sommes principalement mobilisés autour de trois grands enjeux : au niveau international, poursuivre les travaux sur la stabilité financière ; au niveau européen, contribuer à faire aboutir le projet d’Union de l’épargne et de l’investissement ; et, au plan national, adapter notre action de protection des investisseurs, de soutien à l’innovation et à la finance durable, et surtout de lutte contre l’insécurité financière qui affecte les investisseurs via les arnaques et les marchés via les réseaux d’initiés. Cela nécessite que l’AMF dispose de pouvoirs juridiques renforcés pour mieux lutter contre la criminalité financière. J’y reviendrai.

1) La stabilité financière et la prévention des crises financières constituent notre premier enjeu. 

Nous vivons depuis plusieurs mois des tensions géopolitiques qui ont créé des tensions sur les marchés financiers. Face à des pics importants de volatilité, les infrastructures de marché et les acteurs financiers ont montré une grande résilience, notamment technique. Mais au-delà de ces aspects conjoncturels, la vigilance reste de mise et les vulnérabilités structurelles restent présentes. 

Les régulateurs financiers doivent donc poursuivre les travaux internationaux en matière de stabilité financière, principalement au sein du Conseil de stabilité financière et de l’Organisation Internationale des Commissions de Valeurs (OICV). L’AMF porte dans ces instances la vision française d’une finance bien régulée et utile à l’économie. Notre voix est forte et écoutée : la France est un grand pays financier, l’un des plus importants et des plus respectés sur ces sujets si essentiels pour la vie de nos concitoyens.

Les régulateurs de marchés jouent un rôle croissant dans ces travaux, du fait de l’augmentation du poids de la finance non bancaire qui représente maintenant la moitié de la finance mondiale. L’AMF co-préside, avec la Financial Conduct Authority britannique, le groupe en charge de la stabilité financière de l’Organisation internationale des Commissions de valeurs (IOSCO). Ce groupe réunit les 20 plus grands régulateurs de marché mondiaux. Les sujets de fond portent notamment sur le poids croissant de la finance non bancaire et le développement rapide de la finance privée, qui se traduit partout dans le monde par une relative attrition des marchés boursiers, ainsi que sur les interactions entre les différentes composantes du monde financier. Au niveau national, nous nous préparons actuellement, avec la Banque de France et l’ACPR, à réaliser le premier « stress test » trans-sectoriel, pour mieux comprendre les interactions entre les différentes catégories d’acteurs financiers en cas de tensions.

2) Le deuxième chantier clef est la mise en œuvre de l’Union de l’épargne et de l’investissement (nouveau nom de l’Union des marchés de capitaux), auquel l’AMF apporte son plein soutien. 

Il s’agit du projet le plus important de notre génération en matière financière, équivalent à ce que fut, en son temps, la création de la monnaie unique européenne. 

Mettre fin à la fragmentation des marchés financiers européens et permettre leur développement est une nécessité pour que le moteur de la finance européenne fonctionne plus efficacement et permette à l’Europe de financer ses choix politiques et de maintenir son autonomie stratégique.

Le diagnostic est connu : le récent rapport de Mario Draghi a évalué à 800 milliards d’euros par an les besoins supplémentaires de financement liés à la transition numérique et énergétique. S’y ajoutent maintenant les besoins de la défense européenne, si bien que l’on doit considérer que ce sont 1 000 milliards d’euros supplémentaires par an qu’il faut trouver. 

Cela passe par la mobilisation du secteur bancaire, bien entendu, mais surtout des marchés de capitaux, pour mieux transformer le gisement trop sous-exploité de l’épargne européenne et l’orienter vers des investissements de plus long terme dans l’économie européenne. 

Le défi d’une meilleure allocation de l’épargne n’est pas hors de portée, puisque l’Europe dispose d’une épargne abondante, et de circuits et d’acteurs financiers puissants. Les besoins de financement évoqués précédemment représentent moins de 3% de l’épargne européenne qui s’élève à 35 000 milliards d’euros (et dont 20% au moins, soit 7 000 milliards, est aujourd’hui alloué au financement des économie étrangères). L’épargne des Européens reste souvent sur des comptes à vue, et part encore trop massivement s’investir aux USA (300 milliards d’euros par an).

J’ai eu l’occasion de m’exprimer sur ce sujet majeur auprès des co-rapporteurs de la mission d’information sur l’Union des marchés de capitaux : messieurs les députés Charles Rodwell et Daniel Labaronne et Madame la députée Sylvie Josserand. 

Pour faire aboutir ce projet, trois grandes priorités doivent en particulier être poursuivies :

  • la mobilisation de l’épargne européenne,
  • la mise en place d’une véritable supervision européenne des marchés de capitaux – seule à même de rendre possibles une réelle simplification de la réglementation sans dérégulation -,
  • et la relance de la titrisation. 

J’insisterai notamment sur le premier pilier : la mobilisation de l’épargne européenne en vue d’un meilleur financement de l’économie.

C’est l’investisseur européen qui sera, aux côtés des grands investisseurs institutionnels, la clef de la réussite de l’Union de l’épargne et de l’investissement. Son intérêt est a priori convergent avec celui de l’économie, puisqu’il doit aujourd’hui mieux investir pour mieux préparer les grandes étapes de sa vie, ce qui implique des investissements plus longs, et l’accès raisonné aux rendements intéressants sur le long terme fournis par les marchés de capitaux. 

A cet égard, le récent rapport de Messieurs les députés Jean-Philippe Tanguy et François Jolivet, publié dans le cadre de leur Mission d’information relative à la rémunération de l’épargne populaire et des classes moyennes, montre que cette épargne se concentre sur des produits d’épargne réglementée et d’assurance-vie, peu rémunérateurs, notamment en raison d’une insuffisante culture financière des ménages français. 

Cela est particulièrement le cas pour les femmes, qui épargnent beaucoup mais investissent moins : il est temps de se pencher de plus près sur ce déficit d’investissement qui leur nuit et qui nuit à l’économie. 

L’AMF, qui vient de se voir confier – par la récente loi DADDUE du 30 avril 2025 - la mise en œuvre de la directive européenne Women on Board, sera aux avant-postes de ce chantier. C’est le message que je suis venue passer en octobre 2024 en participant aux 5èmes Rencontres de l’égalité économique et professionnelle à l’Assemblée nationale, à l’invitation de Madame la député Marie-Pierre Rixain. 

La mobilisation de l’épargne européenne pourra notamment passer par la mise en place de labels désignant les produits financiers les mieux adaptés au bon financement de l’économie européenne, accompagnés d’un traitement fiscal avantageux. A cet égard, la création d’un label européen, « Finance Europe » annoncée début juin par 7 pays de l’Union européenne dont la France est prometteuse. 

● Au sein de la nouvelle Europe financière, la Place de Paris a tous les atouts pour jouer un rôle de premier plan. Son effet d’entraînement sur la finance européenne doit continuer à se développer. C’est la raison pour laquelle l’AMF a soutenu et accompagné les efforts de compétitivité portés par la loi du 13 juin 2024 sur l’attractivité de la France sur laquelle nous avions eu l’occasion d’échanger. Il ne s’agit pas de s’engager dans une course délétère au moins disant réglementaire. Ce n’est d’ailleurs ni la demande des acteurs français, qui connaissent l’importance d’une bonne régulation pour leur développement, ni celle des acteurs financiers internationaux qui ont choisi la Place de Paris. Ils font au contraire le pari, gagnant, d’une régulation exigeante et compétente, qui est un des atouts majeurs de notre place financière. 

● Face à la bataille mondiale pour les capitaux, l’heure de la simplification est venue. Elle ne sera pas simple, car il faut simplifier sans déréguler. Sans progrès décisif vers une supervision européenne plus intégrée, il n’y aura pas de réelle simplification. C’est l’un des enjeux de l’Union de l’épargne et de l’investissement. Il faut des décisions fortes dans ce domaine, avec un transfert des compétences des régulateurs nationaux vers un superviseur européen dont la gouvernance et la culture devront évidemment évoluer en conséquence. En matière de finance durable, qui reste une priorité pour l’AMF, nous sommes sans doute collectivement allés trop loin en termes de normes et de contraintes. L’AMF accueille ainsi favorablement la décision de simplifier le cadre, notamment la revue de directive sur le reporting de durabilité (CSRD).  La simplification doit concerner aussi le parcours client de l’investisseur. Celui-ci est aujourd’hui complexifié par une accumulation de règles qui répondent toutes à des objectifs pertinents, mais sont sans doute devenues contreproductives : l’Autorité européenne des marchés financiers, l’ESMA, vient de lancer un très important appel à contributions sur ce thème.

● L’innovation est également au cœur du dynamisme de la finance. Elle est dans l’ADN de l’AMF. Nous devons l’accompagner, offrir un cadre sécurisé et permettre l’expérimentation. En matière de crypto-actifs, nous sommes entrés dans l’ère du règlement européen MiCA, qui prévoit l’obligation d’obtenir un agrément pour offrir des services sur crypto-actifs. Les acteurs déjà enregistrés ou agréés dans le cadre de la loi PACTE ont jusqu’au 1er juillet 2026 pour franchir ce cap. La mise en œuvre du règlement européen MiCA montre déjà plusieurs difficultés qui devront trouver rapidement des réponses au niveau législatif européen, notamment la supervision des grandes plateformes transfrontières qui doivent être supervisées par le régulateur européen. A cet égard, nous suivons également de très près l’examen du projet de loi sur la résilience des infrastructures critiques et le renforcement de la cybersécurité, s’agissant notamment de la mise en œuvre du règlement européen DORA qui nous confie la mission de superviser la résilience opérationnelle des acteurs financiers dont nous avons la charge.

3) J’aimerais à présent insister sur le 3ème enjeu clef : la protection des investisseurs, qui est notre première priorité. 

● Le paysage de l’épargne est en pleine révolution, marqué par le succès des fonds indiciels (« ETF »), des actions fractionnées, des produits structurés et des cryptoactifs, peut-être bientôt des actifs tokenisés. L’intelligence artificielle bouleverse déjà les pratiques, amenant comme toute innovation son lot d’opportunités remarquables, mais aussi des risques nouveaux. Or, la confiance des investisseurs est indispensable au bon fonctionnement des marchés. Elle est également la condition de leur développement. Face à la recrudescence de la délinquance financière et notamment des arnaques à l’investissement, l’AMF renforce son action, qui est l’un des objectifs des modifications législatives que nous portons. Je rappelle ce chiffre qui doit tous nous interpeller : 15 % des Français estiment aujourd’hui avoir été victimes d’une escroquerie financière. Ce chiffre atteint 35 % chez les moins de 35 ans. Il s’agit donc d’un véritable phénomène de société, qui contribue à dégrader la confiance de nos concitoyens. Le montant moyen des pertes atteint 29 500 €. Nous ne pouvons pas admettre une telle situation. 

● L’intégrité des marchés est un bien précieux pour la Place de Paris. Pour mieux la défendre, face notamment à l’expansion des réseaux internationaux qui utilisent les délits d’initié pour blanchir des capitaux sans doute issus de la criminalité organisée, voir du narcotrafic, l’AMF coopère aujourd’hui plus étroitement que jamais avec l’ensemble des acteurs concernés (et en premier lieu avec le Parquet national financier), et utilise les mécanismes de coopération internationale, indispensables pour lutter contre ces criminels particulièrement mobiles. Mais elle a également besoin d’outils juridiques renouvelés pour mieux lutter contre l’insécurité financière. Nous avons préparé à cet effet, depuis bientôt 2 ans, plusieurs articles de loi – modifiant le code monétaire et financier - qui doivent renforcer l’efficacité et l’efficience de notre action répressive face à ces menaces, avérées et redoutables, et lutter contre l’insécurité financière, et pour lesquels nous avons besoin du plein soutien du Parlement, et en particulier de l’Assemblée nationale. Je renouvelle ainsi mon appel en faveur d’une loi de sécurité financière.

Pour accomplir l’ensemble de ses missions, il est nécessaire que l’AMF dispose des moyens nécessaires. J’ai évoqué les moyens juridiques. Je souhaite aussi la poursuite de la remise à niveau des moyens budgétaires de l’AMF. L’engagement des pouvoirs publics à accompagner le développement de l’AMF a permis cette remise à niveau de nos moyens.

Je tiens à remercier le Parlement qui nous a soutenus dans la loi de finances pour 2025. Il est important de poursuivre ce travail car l’AMF, comme je le rappelais en introduction, a décroché en termes de budget depuis plusieurs années. Il faut donc un programme pluriannuel. L’AMF est de son côté pleinement consciente de l’importance des efforts qu’elle doit elle-même accomplir. Elle poursuit donc des mesures d’économie, de réorganisation, de meilleure gestion, et de transformation indispensables sur la base du rapport de la Cour des comptes de 2024. 

Elle poursuit également sa modernisation, et définira donc, notamment, en 2025, sa feuille de route sur l’intelligence artificielle.

Mesdames et Messieurs les députés vous pouvez compter sur notre plein engagement pour contribuer aux chantiers financiers fondamentaux qui nous mobilisent, et dans lesquels la voix de la France mérite d’être portée, haut et fort.

Je vous remercie de votre attention pour ce propos introductif des grands enjeux de l’AMF. Comme l’année dernière, je vous propose de renouveler notre invitation à venir dans nos locaux pour vous les présenter de manière plus approfondie et ainsi nourrir un dialogue régulier avec votre Commission.

Je me tiens à votre disposition pour répondre à vos questions.