Merci de désactiver le bloqueurs de pub pour visualiser cette vidéo.
Vœux à la presse - Discours de Gérard Rameix, président de l'AMF - 25 janvier 2017

Vœux à la presse - Discours de Gérard Rameix, président de l'AMF - 25 janvier 2017

Seul le prononcé fait foi

Chers amis,

Je vous remercie d'être venus aussi nombreux à l'occasion de ce rendez-vous des vœux de l'AMF à la presse devenus désormais une tradition. C'est une excellente occasion de faire devant vous le point sur le travail que nous effectuons pour des marchés financiers robustes, intègres et placés au service de l'économie.

Les professeurs d'économie demandent souvent à leurs étudiants de commenter cet aphorisme qui veut que les marchés aient toujours raison même quand ils ont tort.
L'an dernier, j'avais exprimé devant vous mes craintes par rapport à une situation géopolitique inquiétante dont je me demandais si elle était parfaitement intégrée par les marchés. Ce questionnement me paraît encore plus justifié aujourd'hui. Pourtant, j'avais moi aussi à la fois raison et tort.

Raison parce que les chocs géopolitiques et politiques n'ont pas manqué avec une montée du terrorisme, des conflits armés dramatiques, des consultations démocratiques débouchant sur des résultats que n'anticipaient ni les sondages ni les spécialistes avec la victoire du Brexit au Royaume-Uni et celle de Donald Trump aux Etats-Unis.

Tort parce que si les marchés d'actions ont été volatils, ils ont, si l'on considère l'ensemble de l'année 2016, absorbé ces événements avec une remarquable sérénité : les indices CAC 40 et Euro Stoxx 50 affichent des progressions significatives de respectivement +11,9 % et +7,3 % dividendes réinvestis.
Malgré les évidentes incertitudes politiques et économiques de ce début d'année nous devons donc éviter toute attitude attentiste ou pessimiste. Deux notations positives concernant la sphère financière me paraissent devoir retenir l'attention.

La première est que les entreprises françaises ont un accès au financement beaucoup plus aisé qu'on ne le dit généralement.
Le crédit bancaire aux entreprises progresse en France à un rythme de 4,9 % nettement supérieur à celui de nos voisins européens. Le financement via le marché obligataire a quant à lui augmenté de 8,1% sur un an et de 80 % depuis 2010. Il représente désormais près de 40 % de l'endettement des sociétés non financières.

Le capital investissement a retrouvé son volume de levée de fonds et d'investissement d'avant crise.
Je regrette certes que les levées de fonds en actions aient été modestes sur notre Place par rapport aux années précédentes (7 milliards en 2016 contre 9,1 milliards en 2015) mais je n'ai pas de doute sur le fait que le marché parisien ait la capacité de répondre positivement à des introductions en bourse ou des augmentations de capital plus ambitieuses dans les prochains mois.

La seconde remarque est d'ordre plus général et porte sur les risques liés au maintien de taux d'intérêt à des niveaux historiquement bas et aux conditions de sortie de ce régime exceptionnel. Or, 2016 a vu s'esquisser un mouvement de retournement à la hausse des taux longs à partir des Etats-Unis et s'éloigner le risque de déflation. Avec un peu d'optimisme, on peut espérer qu'une bonne coordination des banques centrales et une reprise de la croissance permette à moyen terme un retour à un régime de taux plus soutenable dans la durée.

Je voudrais devant vous formuler deux vœux, l'un pour la Place de Paris dans le contexte du Brexit, l'autre vous le pardonnerez, pour la maison que j'ai l'honneur de présider depuis plus de quatre ans.

Personne ne sait exactement, malgré le discours récent de Theresa May, quelles vont être les conséquences du Brexit pour l'Europe financière. Soyez sûrs que le régulateur apportera toutes ses capacités d'expertise et d'analyse au service des négociateurs français. Cette décision britannique que nous n'avons pas souhaitée doit être une opportunité de resserrer les rangs autour d'un projet européen à 27, fondé sur un accord franco-allemand solide. En même temps, il faut trouver le bon équilibre dans les relations avec Londres qui restera sans aucun doute une place financière majeure, entretenant de nombreux liens avec l'Union européenne mais cessant de bénéficier des avantages du passeport européen. Sans entrer ici dans le détail technique, notre capacité à négocier les conditions d'un régime d'équivalence avec la City sera cruciale. Il me semble que nous devons être fermes sur la mise en place d'un contrôle effectif et dans la durée de la régulation d'entités devenues des acteurs d'un pays tiers afin de nous assurer du maintien d'une concurrence loyale. Il nous faudra aussi identifier quelles tâches peut et ne peut pas déléguer une entité bénéficiant du passeport européen à une entité d'un pays devenu tiers. Enfin, le retour dans l'Union européenne d'opérations majeures pour la politique monétaire de la zone euro me paraît incontournable.

Mon vœu est que la Place de Paris sorte renforcée de cette phase difficile du Brexit.

C'est pourquoi l'AMF, dans son rôle de régulateur apporte et apportera sa pleine contribution à tous les efforts de renforcement de la compétitivité de notre Place qui ces dernières années a été malheureusement concurrencée avec succès par de nombreuses places en Europe et sur les continents américains et asiatiques.

Certes les principaux facteurs d'attractivité, comme la fiscalité ou le droit du travail, se situent en dehors de la sphère d'action de l'AMF, mais il nous appartient de conduire une régulation la plus adaptée possible. Une régulation qui n'ajoute pas aux exigences réglementaires européennes sous couvert de spécificités nationales, c'est par exemple l'esprit de nos 7 mesures récentes sur la gestion d'actifs (FROG) qui vont permettre une plus grande visibilité des fonds français à l'international.

Toujours dans le but de renforcer la compétitivité, nous avons adopté, en lien avec l'ACPR, une attitude très ouverte face aux FinTech françaises que nous accompagnons en leur permettant d'installer leurs activités sur un terrain sécurisé et propice au développement. Le Brexit nous a conduit à prolonger cet effort en proposant aux FinTech et établissements financiers britanniques régulés par la FCA désireux de s'installer en France un dispositif qui accélère et simplifie les procédures.

Cette action volontariste en faveur d'un plus grand dynamisme de place et d'une saine concurrence ne nous fait pas pour autant oublier notre rôle de protection de l'épargne. L'interdiction de la publicité pour les produits les plus risqués comme les options binaires ou le Forex que nous réclamions depuis longtemps vient tout juste d'entrer en vigueur. Le législateur nous a également confié de nouveaux pouvoirs de contrôle face au foisonnement d'offres de placements dans des domaines aussi variés que les diamants, les métaux précieux ou les forêts équatoriales. Nous les exercerons avec vigilance de même que nous maintiendrons nos actions de surveillance de marché, d'enquête et de contrôle ; un régulateur respecté, capable de déceler les abus de marché et les défauts d'organisation ou de comportement d'entités régulées étant à mon sens un élément de compétitivité.

Mon second vœu est que l'AMF poursuive son effort de modernisation et se dote de nouvelles ambitions post Brexit.

Depuis sa création en 2003, elle s'est considérablement transformée sous l'effet de 3 plans stratégiques successifs. Dans le même temps, nos pouvoirs ont été renforcés par le législateur français et européen et nos missions étendues à des territoires jusqu'à présent non régulés. Nous avons, pendant cette période, accompagné ces évolutions en recrutant des collaborateurs de qualité, en modernisant nos systèmes d'information devenus stratégiques et en nous engageant fortement à l'international.

Nous sommes aujourd'hui l'un des seuls acteurs à pouvoir aborder des sujets aussi complexes que des manipulations de cours conduites par des acteurs utilisant les techniques du trading algorithmique et du trading à haute fréquence, terrain sur lequel nous avons obtenu des décisions significatives de la Commission des sanctions de l'AMF.

Toutefois nous devons rester dans la course et, afin d'identifier les risques de demain, nous devons être capables de traiter le volume considérable de données auxquelles nous avons désormais accès grâce aux obligations de reporting issues des textes européens (principalement EMIR et MIF2). Cela représente un volume de 50 millions de messages par jour. Nous avons donc décidé d'investir significativement sur les 5 prochaines années et de lancer 2 programmes de modernisation de nos systèmes d'information. Le premier porte sur la surveillance des marchés – d'ailleurs nous annonçons aujourd'hui officiellement le lancement de ce programme que nous avons baptisé " ICY " - et le second sur la gestion d'actifs.

Des dossiers de plus en plus complexes techniquement, des marchés fragmentés qu'il faut surveiller, des données qui explosent, de nouvelles missions confiées par le législateur, une plus grande mobilisation de nos équipes nécessaire à l'international : 2017 et les années qui suivent recèlent donc de nombreux défis que nous sommes prêts à relever.

Cependant, il ne faudrait pas que notre capacité à exercer nos missions soit obérée par un déséquilibre structurel et prolongé de nos finances. Le mécanisme mis en place il y a quelques années de plafonnement des recettes des autorités publiques indépendantes et de reversement de l'excédent au budget de l'Etat produit des conséquences à mon sens très néfastes dans la durée. Bien sûr, je ne demande pas que l'AMF soit exonérée de la règle commune, ni exemptée de tout effort d'économie. Simplement je suis soucieux de constater que depuis ma nomination en 2012 les comptes auront été constamment déficitaires et qu'en même temps nous aurons subi d'importants prélèvements sur nos réserves.

Le maintien du plafond de recettes, fixé depuis trois ans, à 94 millions d'euros n'est plus tenable dans le futur. D'une part, nous ne pouvons être durablement collecteur d'impôts pour le budget général de l'Etat. D'autre part, et surtout ces 94 millions sont inférieurs aux dépenses prévues à notre budget de telle sorte que si ce plafond n'est pas sensiblement relevé pour 2018, l'AMF devra réduire drastiquement ses dépenses et diminuer ses actions de régulation.

Les questions à trancher au niveau politique sont donc importantes : quel niveau de régulation souhaitons-nous ? Devons-nous affaiblir un outil de régulation que nous avons mis des années à bâtir et dont le coût est moindre que celui de nos voisins ? Et cela au moment même où le législateur nous a confié de nouvelles missions ? Quel poids souhaitons-nous donner à la voix de la France dans les négociations en Europe dès lors que le régulateur britannique va progressivement se retirer ?

Après avoir formé le vœu que l'AMF retrouve les moyens de ses ambitions, il me reste heureusement la partie la plus agréable de mon intervention : celle de souhaiter à chacun d'entre vous, ainsi qu'à ceux qui vous sont chers, au nom de l'AMF et de ses équipes une belle et heureuse année 2017.

Je vous remercie et suis à votre disposition pour répondre à vos questions.