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Attention, s'il existe un droit de disposer d'un compte de dépôt, tel n'est pas le cas du compte-titres

Attention, s'il existe un droit de disposer d'un compte de dépôt, tel n'est pas le cas du compte-titres

Un épargnant n'est pas en droit d'exiger de sa banque l'ouverture d'un compte-titres. En effet, la loi du 24 janvier 1984 qui consacre le droit pour une personne de disposer d'un compte de dépôt n'a pas vocation à s'appliquer à tout type de compte.

Le dossier que je vous présente ce mois-ci m'a permis de rappeler le champ d'application de ce principe.

Les faits

En août 2018, M. D. complète une demande d’ouverture d’un compte-titres (CTO) au nom de la SAS (société par actions simplifiée) dont il est le Président.

La banque lui indique que cette ouverture, pour une société dont le capital est variable, n’est pas autorisée : en effet, l’établissement ne dispose pas des procédures et outils lui permettant de déterminer les bénéficiaires effectifs des sociétés à capital variable.

Néanmoins, M. D. maintient sa demande et sollicite mon intervention afin d’obtenir l’ouverture d’un compte-titres, tout en invoquant la perte d’opportunités d’investissement.

L’instruction

Au-delà des contraintes techniques et procédurales invoquées par l’établissement, j’ai examiné ce dossier à la lumière de la règlementation relative aux comptes et dépôts ainsi qu’au regard des pièces fournies par M.D.

Rappelons que l’article L. 312-1 du Code monétaire et financier pose une limite à la liberté reconnue aux banques de refuser d’ouvrir un compte. Il  prévoit un droit à l’ouverture d’un compte de dépôt dans l’établissement de crédit de son choix, sous réserve de ne pas déjà en détenir un en France.

Le même article exige ensuite de l’établissement qui refuse l’ouverture du compte de dépôt d’en fournir  les motifs par écrit (sur support papier et sur un autre support durable si le demandeur en fait la demande) ainsi que la remise d’une attestation de refus informant le demandeur qu’il peut faire valoir son droit au compte auprès de la Banque de France. Cette dernière lui désigne alors rapidement un établissement de crédit. Le choix de l’établissement est réalisé dans un délai d’un jour ouvré à compter de la réception des pièces requises (définies par un arrêté du 30 mai 2014).

Une précision importante : si l’établissement désigné par la Banque de France ne peut opposer un refus, et ce même s’il s’agit d’une banque ayant déjà écarté l’intéressé de sa clientèle, il peut toutefois se cantonner aux prestations de base dont le contenu et les conditions tarifaires sont précisés par décret.

Ces services de base sont notamment les suivants[1] : les dépôts et les retraits d’espèces, l’encaissement de chèques et de virements bancaires ou encore la délivrance de carte de paiement et relevés d’identité bancaire.

Cependant, cette réglementation a vocation à s’appliquer uniquement à une demande d’ouverture de compte de dépôt, autrement dit un compte permettant l’enregistrement des opérations de caisse qui viendraient augmenter ou diminuer le dépôt initial.

La recommandation

M. D. sollicitait l’ouverture d’un compte-titres destiné à enregistrer les instruments financiers dématérialisés et permettant ainsi de réaliser des opérations de bourse.

Or, l’ouverture d’un compte, répondant à une telle finalité, ne peut manifestement pas constituer une prestation bancaire de base, telle que définie ci-dessus.

Par ailleurs, pour rappel, le refus de l’établissement s’expliquait par l’absence d’outils permettant d’identifier les bénéficiaires effectifs des sociétés à capital variable. Force est de constater que cette banque se conformait au dispositif LCB-FT (le dispositif de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme) prévu par les articles L. 561-2 et suivants du Code monétaire et financier, tels que modifiés par l’ordonnance n°2016-1635 du 1er décembre 2016[2].

En effet, avant d’entrer en relation d’affaires, les établissements de crédit doivent vérifier l’identité de leur client, et le cas échéant, le bénéficiaire effectif de la relation d’affaires, autrement dit la personne physique qui contrôle en dernier lieu le client, ou pour laquelle une opération est exécutée ou une activité exercée.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, j’ai informé M. D. que j’étais sans moyen pour intervenir auprès de l’établissement.

La leçon à tirer

Il n’existe pas de droit au compte-titres. Un épargnant n’est donc pas légitime à exiger de sa banque l’ouverture d’un tel compte dans la mesure où le droit à l’ouverture d’un compte ne concerne que les services bancaires de base relatifs au compte de dépôt.

Dès lors, dans un tel cas, le refus du banquier ne peut donc lui être reproché.

[ 1 ] Article D. 312-5 du Code monétaire et financier

[ 2 ] L’établissement faisait ainsi, en l’occurrence, preuve des vigilances préalables à l’ouverture d’un compte-titres, issues de l’ordonnance n°2016-1635 du 1er décembre 2016, transposant la directive (UE) 2015/849 du 20 mai 2015, dite quatrième directive anti-blanchiment.

Pour information, la cinquième directive anti-blanchiment (directive (UE) 2018/843 du 30 mai 2018), publiée au Journal officiel du l’Union Européenne le 19 juin 2018 mais non encore transposée en France, a élargi le champ d’application de la quatrième directive.