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Fonds d'actionnariat salarié : pourquoi y-a-t-il périodiquement un possible réajustement du nombre de parts ?

Fonds d'actionnariat salarié : pourquoi y-a-t-il périodiquement un possible réajustement du nombre de parts ?

Il arrive que certains fonds d'actionnariat salarié, investis en titres cotés de l'entreprise souhaitent que leur valeur liquidative soit le reflet de la valeur de cotation de l'entreprise dans laquelle ils sont investis. Ce choix est en général motivé par la volonté de permettre au salarié, sur la simple constatation du cours de bourse de l'action de l'entreprise, de connaitre la valeur liquidative approximative des parts de son FCPE, même si seule la valeur liquidative fait foi.

La valeur liquidative du fonds d'actionnariat et la valeur de cotation de l'entreprise peuvent néanmoins diverger, notamment lorsque l'entreprise détache des dividendes. Les dividendes détachés, capitalisés dans le fonds d'actionnariat salarié, augmentent d'autant la valeur liquidative qui devient donc supérieure au cours de bourse de l'action de l'entreprise.

A l'inverse, un fonds d'actionnariat investi partiellement en titres côtés de l'entreprise (par exemple 90%, le solde étant investi en fonds monétaires), verra sa valeur liquidative passer en dessous du cours de bourse de l'entreprise en cas de marché haussier puisqu'il ne pourra pas capter l'intégralité de la hausse de l'action.

Afin de corriger cet écart, il peut être procédé à une opération qualifiée de " réajustement " ou " recorrélation " entre le cours de l'action et la valeur liquidative du fonds.

Le dossier que je vous présente ce mois-ci permet d'expliquer les motifs et les conséquences d'une telle opération, souvent mal connue ou mal comprise.

Les faits

Salarié de la société X, M. S., bénéficiaire d’un PEE, détient 1 000 parts du fonds A, principalement investi en titres de la société X.

Par une information disponible sur le site de son teneur de comptes, il est avisé de la mise en œuvre, le 15 novembre 2018, d’une opération de « recorrélation », visant à rétablir l’adéquation entre la valeur de la part du fonds A et le cours de l’action X.

Estimant cette opération peut lui être préjudiciable, M.S. adresse une réclamation à son teneur de comptes.

M. S. fait valoir que si cette réévaluation ne modifie pas le montant de ses avoirs au moment même du réajustement – dans la mesure où la bourse est fermée – tel n’est plus le cas dès lors que la bourse est ouverte. A ce moment-là en effet, le prix de la part, aligné sur celui de l’action, est redescendu à son cours de la veille. Ce qui entraîne, selon M. S, une perte immédiate pour tous les porteurs.

A l’appui de sa contestation, il fait le constat suivant :

  • Le 15/11/2018 : suite à la recorrélation, le prix de la part est de 14.72 € (au lieu de 14.62181), et le nombre de parts qu’il détient a été diminué de 6,671 parts. Il lui reste donc 993,329 parts (au lieu de 1000).
  • Le 16/11/2018: le prix de la part, aligné sur le cours de l'action X revient au cours de la veille : 14,62 €, soit une perte immédiate de 97,53 € (14.62 €x 6,671 parts).

Face à une réponse qu’il estime insatisfaisante, ce client sollicite donc mon intervention afin que son teneur de comptes remette en l’état son plan d’épargne salariale et lui restitue les parts qui lui avaient été supprimées.

L’instruction

Dans un premier temps, j’ai examiné la documentation réglementaire du fonds et constaté que l’objectif de gestion du fonds A est « de reproduire la performance de l'action X ». Ce fonds, agrée par l’AMF, est investi entre 90% et 100% de ses actifs en actions X et, dans la limite de 10% de ses actifs en OPCVM classés "monétaire" et/ou "monétaire court terme". Il est également précisé que la valeur liquidative évoluera, à la hausse comme à la baisse, en fonction du cours de l'action X.

Le prospectus du fonds prévoit en outre qu’« afin de limiter la disparité qui pourrait apparaitre entre la valeur liquidative de la part, et le cours de l’action X, un réajustement du nombre de parts pourra être effectué ».

Qu’est-ce qu’une opération de réajustement (ou recorrélation) ? Dès lors qu’une dérive trop importante s’installe entre la valeur liquidative de la part du fonds et le cours de l’action, une opération de réajustement doit être effectuée afin d’ajuster la valeur de la part du fonds avec le cours de l’action. Le réajustement s’assimile à une opération sur titres classique qui ne requiert pas d’agrément de la part de l’AMF, d’autant que ce correctif est prévu dans le règlement du fonds.

En l’espèce, afin de réaligner le prix de la part sur le cours de l’action X, il a été procédé à une opération de recorrélation le 15 novembre 2018. Le nombre de parts du fonds a été réajusté et la valeur liquidative réévaluée permettant ainsi de rétablir l’adéquation entre la valeur de la part et le cours de l’action X. Suite à cette opération, la valeur de la part du fonds A était donc égale au cours d’ouverture de l’action X, soit 14,72 €.

J’ai indiqué à M. S., ainsi qu’il le reconnaissait lui-même, que cette opération, au moment où a été effectué le réajustement, était neutre et n’avait eu aucune incidence sur la valorisation globale de son investissement. En effet, après l’opération, l’épargnant détient moins de parts mais la valeur de chaque part est augmentée à due concurrence.

Afin d’étayer mon analyse, j’ai effectué pour M. S plusieurs comparaisons dans le temps, la première en examinant la situation de son portefeuille avant et après réajustement. Il s’avère que la valorisation globale est strictement identique :

Avant réajustement

Lors du réajustement le 15/11

Valeur de la part

Nombre de parts

Valorisation totale

Valeur de la part

Nombre de parts

Valorisation totale

Fonds A

14,62181

1000

14 621

14.72

993,329

14 621

Démonstration chiffrée à l’appui, j’ai également indiqué à M.S. que la valorisation affichée par son portefeuille au lendemain du réajustement (soit 14 522 €) - date sur laquelle il se fondait pour estimer l’opération préjudiciable – est supérieure à celle affichée quelques jours avant le réajustement (13 850 €).

Enfin, après analyse de l’historique des valeurs liquidatives du fonds depuis le réajustement, j’ai fait valoir qu’au plus haut la part du fonds A avait été valorisée à 15,25 € le 3 décembre 2018, soit là encore une valorisation de son portefeuille (15 148 €) supérieure à celle observée la veille du réajustement (14 702 €). 

La recommandation

En conclusion, au regard de ces éléments de calcul, j’ai indiqué à cet épargnant :

  • d’une part, que l’opération de réajustement en tant que telle ne lui a pas été préjudiciable dès lors que s’il est exact qu’il détient moins de parts, la valeur de chaque a été augmentée à due concurrence ;
  • d’autre part, que les écarts constatés les jours suivants, résultaient des seules fluctuations du cours de l’action X - et donc de la valeur liquidative du fonds - auxquelles il aurait été soumis de la même manière en l’absence de réajustement, compte tenu de l’aléa inhérent aux marchés financiers.

J’ai donc informé M. S. que j’étais sans moyen pour intervenir auprès de son teneur de comptes au titre d’une remise en l’état de son plan d’épargne salariale et ne pouvais donc émettre un avis favorable à sa demande.

La leçon à tirer

Rappelons que le règlement du fonds mis à disposition de l’investisseur, constitue le document auquel se référer afin d’en connaître les caractéristiques ainsi que les évènements susceptibles d’affecter la vie du fonds. Les investisseurs doivent donc avoir le réflexe de le consulter en cas de question postérieurement à leur souscription.

Il est néanmoins compréhensible que ce type d’opération, complexe à bien des égards, soit difficilement compris des épargnants. Cette complexité est la contrepartie de la volonté de pouvoir afficher une valeur liquidative proche de la valeur de cotation de l’entreprise, Les investisseurs doivent avoir conscience que le réajustement, prévu par le règlement, est motivé par le respect de l’objectif de gestion et vise à ce que la valeur liquidative du fonds demeure ne demeure pas décorrelée du cours de l’action.