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Si le client ne communique pas les informations du questionnaire MIF, la banque doit s'abstenir de fournir un service de conseil en investissement

Si le client ne communique pas les informations du questionnaire MIF, la banque doit s'abstenir de fournir un service de conseil en investissement

Recueillir auprès du client les informations nécessaires concernant ses connaissances, son expérience, sa situation financière et ses objectifs est un préalable nécessaire à la fourniture d'un conseil en investissement. Le non-respect de cette obligation peut avoir de sérieuses conséquences pour la banque. Le dossier que je vous présente ce mois-ci m'a permis de rappeler ces principes ainsi que la réglementation applicable dans un tel cas.

Les faits

En 2009, Mme X a souscrit un contrat de gestion conseillée, option gestion dynamique, portant sur son PEA et son compte-titres détenus auprès de la Banque A. Ce contrat consiste à recommander aux clients qui y adhèrent, soit à leur demande, soit à l’initiative de la Banque A, l’achat et la vente d’instruments financiers particuliers. 

Mme X a indiqué qu’au 1er trimestre 2011, son gérant conseil lui aurait recommandé la souscription d’une quantité importante de titres B représentant plus de la moitié de son portefeuille.

Par la suite, elle aurait constaté un effondrement du cours de ces titres conduisant à une perte importante.

Or, Mme X affirme n’avoir aucune connaissance des marchés financiers, et fait valoir qu’à aucun moment son gérant conseil ne lui aurait recommandé de revendre ces titres pour limiter sa perte. Mme X reproche ainsi à la Banque A d’avoir manqué à ses obligations de conseil.

Mme X m’a alors saisi d’une demande de dédommagement correspondant à la moins-value enregistrée sur son portefeuille.

L’instruction

J’ai interrogé la Banque A sur le respect de son obligation de conseil [1] à l’égard de Mme X.

Cet établissement m’a alors précisé que le gérant conseil dans le cadre du contrat de gestion conseillée n’était pas tenu de revendre les titres de Mme X pour limiter sa perte. Selon cet établissement, le contrat signé par Mme X n’étant pas un mandat de gestion [2], la banque n’avait aucune obligation de suivre le portefeuille de Mme X et d’intervenir afin de réduire ses moins-values.

Après avoir examiné l’ensemble des éléments de ce dossier, j’ai pu constater que la convention conclue par Mme X n’était effectivement pas un mandat de gestion. En revanche, j’ai relevé, dans un courriel adressé par son gérant conseil à Mme X, que ce dernier, après avoir formulé des informations d’ordre général sur le marché, lui avait recommandé de souscrire puis plus tard de «conserver » ses titres B. Il s’agissait donc bien d’un conseil en investissement délivré par la Banque A à Mme X, au sens de l’article 314-43 du règlement général de l’AMF [3], applicable au moment des faits.

Rappelons que selon l’article 314-43 du règlement général de l’AMF, le conseil en investissement désigne la fourniture de recommandations personnalisées à un client, soit à sa demande soit à l’initiative du teneur de compte, en ce qui concerne une ou plusieurs transactions portant sur des instruments financiers.

Je suis donc revenue vers la Banque A afin de faire valoir mon analyse et de lui demander de m’adresser les pièces justificatives attendues préalablement à la fourniture d’un conseil en investissement.

La Banque A m’a alors indiqué ne pas être en mesure de me fournir le questionnaire de connaissance du client dit « questionnaire MIF », n’ayant pas pu récupérer ce document, préalable pourtant nécessaire à la fourniture d’un conseil en investissement.

La recommandation

Dans ce dossier, j’ai considéré que la Banque A, en l’absence de production du questionnaire de connaissance du client de Mme X, n’était pas en mesure de prouver qu’elle avait pu apprécier l’adéquation des opérations recommandées, tant l’acquisition que la conservation des titres B, à la situation financière de sa cliente, ses besoins, ses objectifs et son expérience.

Au regard de l’ensemble de ces éléments et de l’absence flagrante de diversification du portefeuille de Mme X, j’ai recommandé à la Banque A de verser une indemnisation correspondant à la moins-value enregistrée sur ses titres.

Cet établissement a accepté de revoir sa position et de suivre ma proposition.

La leçon à tirer

Dans ce dossier, deux leçons peuvent être tirées.

Tout d’abord, dès lors qu’il ne s’agissait pas d’un mandat de gestion, il était nécessaire d’établir qu’un conseil en investissement avait bien été délivré à Mme X. Or, le principe même d’une convention de gestion conseillée, faisant l’objet d’une rémunération spécifique, est de fournir des conseils en investissement.

Attention à ne pas confondre mandat de gestion discrétionnaire et convention de gestion conseillée : si la terminologie est relativement proche et susceptible de prêter à confusion, le service d’investissement proposé par l’établissement financier est très différent.

En effet, en concluant un mandat de gestion, le client laisse le prestataire gérer son portefeuille et s’interdit de s’immiscer dans la gestion. En revanche, dans la convention de gestion conseillée, l’établissement financier délivre uniquement un service de conseil en investissement à son client. Le client est accompagné par l’établissement mais il reste seul maître de ses décisions d’investissement ou de désinvestissement.

Ensuite, et il s’agit de la seconde leçon, préalablement au service rémunéré de conseil en investissement, les teneurs de comptes doivent recueillir auprès des clients les informations essentielles les concernant afin d’être en mesure légalement de leur recommander les instruments financiers adaptés. Lorsque les clients, notamment les clients potentiels, ne communiquent pas les informations requises dans le questionnaire « MIF », les prestataires doivent alors s’abstenir [4] de leur recommander des instruments financiers. Dans l’hypothèse où la banque estime ne pas avoir fourni de conseil ou être en simple réception/transmission d’ordres, les obligations auxquelles elle est tenue dans de tels cas figurent expressément à l’art L. 533-13 II et III du code monétaire et financier.

Enfin, je ne saurais conclure ce cas sans évoquer les nouvelles exigences issues de la directive MIF 2, entrée en vigueur il y a à peine un mois et qui va dans le sens d’un renforcement des obligations des PSI en matière d’évaluation de l’adéquation. J’aurai sans aucun doute l’occasion d’y revenir dès lors que les faits d’un dossier de médiation seront régis par ces nouvelles dispositions.

[ 1 ] Article L533-13, l du code monétaire et financier : «en vue de fournir le service de conseil en investissement ou celui de gestion de portefeuille pour le compte de tiers, les prestataires de services d'investissement s'enquièrent auprès de leurs clients, notamment leurs clients potentiels, de leurs connaissances et de leur expérience en matière d'investissement, ainsi que de leur situation financière et de leurs objectifs d'investissement, de manière à pouvoir leur recommander les instruments financiers adaptés ou gérer leur portefeuille de manière adaptée à leur situation ».

[ 2 ] Le mandat de gestion est une convention, par lequel un client (le mandant) donne pouvoir à un gérant (le mandataire) de gérer un portefeuille incluant un ou plusieurs instruments financiers (actions, obligations, fonds et sicav…), en fonction de ses objectifs, de son expérience et de sa situation, sur lesquels il aura été préalablement interrogé par le mandataire. Le client mandant s’interdisant de donner une quelconque instruction durant le mandat..

[ 3 ] Article 314-43 du règlement général de l’AMF, « une recommandation est personnalisée lorsqu'elle est adressée à une personne en raison de sa qualité d'investisseur ou d'investisseur potentiel, ou de sa qualité de représentant d'un investisseur ou investisseur potentiel. Cette recommandation doit être présentée comme adaptée à cette personne, ou fondée sur l'examen de la situation propre de cette personne. […] »

[ 4 ] Article L533-13 du code monétaire et financier