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En cas de questionnaire incomplet, la banque doit alerter son client mais transmettre son ordre de Bourse

En cas de questionnaire incomplet, la banque doit alerter son client mais transmettre son ordre de Bourse

Avec la Directive MIF 2, les obligations des prestataires de services d’investissement (PSI) en matière d’évaluation de leurs clients ont été renforcées : plus que jamais, ces derniers doivent s’assurer que le produit ou le service envisagé correspond au profil de leurs clients. Toutefois, pour ce faire, ils doivent disposer des informations nécessaires. Or, il arrive qu’un client refuse de compléter le questionnaire d’évaluation rendant impossible la détermination de son profil. Ainsi que l’illustre le dossier que je vous présente ce mois-ci, les conséquences en résultant varient selon le service d’investissement dont il s’agit, mais n’aboutissent pas au refus de transmettre l’ordre.

Les faits

M. B. m’a indiqué que, lors de la période de confinement, il a voulu ouvrir un compte-titres afin d’y investir en bourse auprès d’un site de courtage en ligne partenaire de sa banque traditionnelle.

Cependant, selon M. B., le questionnaire permettant de déterminer son profil investisseur était très long et très précis, ce qui, outre le délai de validation d’ouverture dudit compte, l’aurait découragé de poursuivre.

M. B. précise que sa banque permettait également l'ouverture d'un PEA et qu’il aurait ainsi très rapidement validé l’ouverture du plan en 24/48H, ce qui lui aurait permis d'investir aussitôt.

Le 15 avril 2020, après ouverture de son PEA, M. B. a ainsi transmis un ordre d’achat au marché de 95 000 actions X, pour un montant total de plus de 50 000 euros. Toutefois, voyant le cours de l’action X chuter et craignant de tout perdre, M. B. a revendu sa position, enregistrant ainsi une moins-value de près de 50% de son investissement initial.

M. B. estime qu’eu égard à son profil, il n’aurait pas dû pouvoir investir en bourse et considère que son intermédiaire financier a failli dans ses obligations en ne l’empêchant pas de procéder aux opérations litigieuses.

C’est dans ces conditions que M. B. m’a saisie afin d’obtenir un dédommagement à hauteur de la moins-value enregistrée.

L’instruction

J’ai pris l’attache de la banque de M. B. et lui ai demandé de me faire part de ses observations, en particulier sur les moyens mis en œuvre pour recueillir des informations sur les connaissances et l’expérience de M. B. en matière d'investissement lui permettant d’être en mesure de déterminer si le service ou l'instrument financier était approprié.

En réponse à ma demande, la banque de M. B. a tout d’abord rappelé qu’il était client depuis plusieurs années et qu’il avait effectivement ouvert un PEA en mars 2020.

Cet établissement m’a indiqué que M. B. avait choisi de procéder à cette ouverture de façon entièrement digitale via la banque en ligne.

La banque de M. B. m’a précisé que lors du parcours d’ouverture du compte, le système lui a demandé de compléter un questionnaire pour connaitre ses connaissances et son expérience en matière d’investissement et ainsi lui permettre ensuite de l’accompagner dans ses opérations. Toutefois, M. B. a refusé de répondre à ce questionnaire et décidé de poursuivre et de finaliser néanmoins l’ouverture de son PEA.

La banque de M. B m’a indiqué qu’en conséquence, son système lui avait affecté le profil le plus restrictif en termes de passage d'ordres et que cette restriction impliquait que M. B. reçoive alors un message d'alerte systématique (dès que le montant est supérieur à 500 euros). Dans ce message, il lui était demandé de mettre à jour son profil ou sinon de confirmer son ordre en ayant pris note de la mise en garde.

Or, l’établissement financier saisi dans ce dossier a souligné que M. B. a choisi, comme cela est son droit, d’ignorer ces alertes et de poursuivre, puis confirmer ses ordres de bourse.

La banque a fait, par ailleurs, valoir, d’une part, que l’opération contestée n’était pas la première opération en bourse de M. B., d’autre part, que ce dernier avait, par la suite, continué à passer des ordres.

Ayant alerté M. B. de manière systématique et invité, à chaque opération, à mettre à jour son profil investisseur, sa banque estimait ne pas avoir manqué à ses obligations en la matière et ne pas souhaiter, en conséquence, donner suite à la demande de M. B.

La recommandation

J’ai relevé que M.B. se prévalait de son profil « Débutant » pour considérer que sa banque n’aurait pas dû l’autoriser à transmettre son ordre de bourse et qu’elle avait donc, selon lui, failli à ses obligations.

Sur ce point, il convient de rappeler qu’en application de l’article L. 533-13 II. du code monétaire et financier, en vue de fournir un service de réception-transmission d’ordres, et non un service de conseil en investissement, les prestataires de services d’investissement (autres que les sociétés de gestion de portefeuille) « demandent à leurs clients, notamment leurs clients potentiels, des informations sur leurs connaissances et leur expérience en matière d'investissement, en rapport avec le type spécifique d'instrument financier ou de service proposé ou demandé, pour être en mesure de déterminer si le service ou l'instrument financier est approprié.(…)

Si les clients, notamment les clients potentiels, ne fournissent pas les informations mentionnées au premier alinéa ou si les informations fournies sont insuffisantes, les prestataires les avertissent qu'ils ne sont pas en mesure de déterminer si le service ou l'instrument financier envisagé leur convient. »

Il s’agit donc d’un devoir d’alerte(1), et non d’une obligation d’abstention de fournir le service demandé. Ainsi, contrairement à ce qu’arguait M.B., sa banque n’était, en aucun cas, tenue de refuser de transmettre son ordre mais devait seulement l’avertir. Or, il m’est apparu que la banque de M. B., en l’absence d’éléments quant à ses connaissances et son expérience – informations que M. B. n’avait pas souhaité communiquer –, l’avait averti préalablement à la transmission de l’ordre objet du litige - qui, au surplus, n’était pas sa première opération - et à chaque transaction initiée.

La circonstance que M. B. ait fait le choix de confirmer ses instructions, malgré l’avertissement qui lui a été délivré, ne saurait, à mon sens, être imputable à son intermédiaire financier. J’ai donc considéré qu’il n’y avait pas lieu, dans ce dossier, de recommander un dédommagement

La leçon à tirer

Parfois perçu comme intrusif, le questionnaire d’évaluation du client n’est pas qu’une obligation réglementaire. Il s’agit d’un document aussi utile qu’important tant pour la banque que pour l’épargnant. Il permet à la banque, qui est tenue réglementairement de le soumettre à son client, d’apprécier son profil et de déterminer que le service ou l’instrument financier lui convient. Il est donc dans l’intérêt du client de le compléter avec soin et exactitude.

Par ailleurs, ainsi que j’ai déjà eu l’occasion de le rappeler dans un précédent dossier du mois(2), s’agissant du conseil en investissement (ou du service de gestion de portefeuille), les obligations du PSI et de réponse du client sont plus exigeantes :

  • d’une part, l’évaluation du client est plus approfondie : outre l’expérience et les connaissances du client, le PSI doit également recueillir des informations relatives à sa situation financière, y compris sa capacité à subir des pertes, et à ses objectifs d'investissement, y compris sa tolérance au risque,
  • d’autre part, si le client ne communique pas les informations requises, le PSI ne lui délivre pas un simple avertissement mais doit s’abstenir de lui recommander des instruments financiers (ou lui fournir le service de gestion de portefeuille).

Attention ! Depuis janvier 2018, cette obligation ne figure plus au I. de l’article L. 533-13 du code monétaire et financier mais au point 8 de l’article 54 du règlement délégué (UE 2017/565) de la Commission européenne du 25 avril 2016.

Comparatif évaluation du client selon le service d'investissement

[ 1 ] A noter que lorsque le client décide de sa propre initiative d'acheter ou de vendre des produits financiers non complexes, il s’agit du service d’« exécution simple » : à la demande du client, la banque exécute la transaction, le client ayant été préalablement informé qu'en pareil cas, la banque n'est pas tenue d'évaluer si l'opération est appropriée au client (article L. 533-13 III du code monétaire et financier)

[ 2 ] Si le client ne communique pas les informations du questionnaire MIF, la banque doit s'abstenir de fournir un service de conseil en investissement