- Accueil
- Le médiateur
- Journal de bord du médiateur
- Dossiers du mois
- Epargne salariale : les difficultés à obtenir un déblocage anticipé en cas de séparation amiable d'un couple
Epargne salariale : les difficultés à obtenir un déblocage anticipé en cas de séparation amiable d'un couple
En cas de séparation amiable, le demandeur se trouve dans l'impossibilité de produire l'un des justificatifs demandés, faute de judiciarisation de la rupture et des modalités de garde des enfants issus de l'union des ex-conjoints.
Le dossier que je vous présente ce mois-ci illustre très précisément cette problématique et les circonstances particulières dans lesquelles, en équité, une solution a pu être trouvée.
Les faits
Mme D. indiquait qu'à la suite de la dissolution de son PACS en date du 12 janvier 2024, elle avait saisi une demande de déblocage anticipé de son Plan d'Epargne Entreprise (PEE) pour le motif « dissolution du PACS » avec la garde d’au moins un enfant.
Elle précisait avoir joint plusieurs documents justificatifs dont le récépissé de la dissolution du PACS ainsi qu'une attestation sur l’honneur de la garde exclusive de ses deux enfants, signée par elle-même et son ex-partenaire.
Cependant, sa demande de déblocage aurait été refusée par son teneur de compte, l'établissement X, au motif que celle-ci aurait dû être accompagnée d’une copie du jugement du tribunal ou, à défaut, d'une copie complète de la convention homologuée par acte d'avocat et déposée chez un notaire mentionnant la résidence habituelle des enfants.
Or, Mme D. précisait ne pas souhaiter passer par un avocat ou un juge aux affaires familiales afin de justifier de la garde exclusive de ses deux enfants, les modalités ayant été définies d'un commun accord avec son ex-partenaire.
C'est dans ce contexte que Mme D a sollicité mon intervention afin d'obtenir le déblocage anticipé de ses avoirs d'épargne salariale.
L'instruction
J'ai pris l'attache de l'établissement X qui m'a confirmé avoir apporté une réponse défavorable à la demande de Mme D. compte tenu des documents justificatifs transmis.
En effet, ce dernier soulignait que l'attestation sur l’honneur n'était pas un élément suffisant et recevable et avoir en conséquence demandé à Mme D. de lui faire parvenir une copie du jugement définitif complet, mentionnant la résidence habituelle du ou des enfants ou à défaut une copie complète de la convention homologuée par acte d'avocat et déposée chez un notaire mentionnant la résidence habituelle du ou des enfants.
L'établissement X m'a en outre précisé avoir indiqué à Mme D. qu'elle pouvait également lui transmettre une convention de modalités de garde homologuée par le Juge des affaires familiales (JAF) pour permettre à ses services de valider ce dossier.
Il faisait valoir que sa qualité de teneur de compte l'obligeait à appliquer la réglementation, notamment le Guide de l’épargne salariale, qui a pour objet de rappeler les principes fondamentaux régissant l’intéressement, la participation et les plans d’épargne salariale et qui a valeur de circulaire interministérielle. L'établissement X indiquait qu'il se devait, en conséquence, de respecter un certain formalisme, notamment en matière de justificatifs acceptables.
Ainsi, après examen attentif du dossier, l'établissement X m'a confirmé qu'il regrettait de ne pas pouvoir donner une suite favorable à la demande de Mme D.
A réception de cette réponse, je suis revenue vers l'établissement X et lui ai fait part des éléments d'analyse suivants :
Je lui ai tout d'abord rappelé qu'il est tout à fait exact que le déblocage des avoirs pour le motif "divorce/dissolution du PACS/séparation" est conditionné au fait que la résidence habituelle d'au moins un enfant soit fixée au domicile du bénéficiaire. Pour en attester, lorsqu'il s'agit d'une dissolution de PACS, le Guide de l'épargne salariale précise que l'intéressé doit produire à l'appui de sa demande les documents suivants :
- un extrait d’acte de naissance avec mention en marge modificative de l’état civil du PACS ;
- et le jugement prévoyant la résidence habituelle d'au moins un enfant au domicile du demandeur ou l'ordonnance du JAF prévoyant la résidence de l’enfant dans les mêmes conditions.
Or, Mme D. n'avait effectivement pas été en mesure de fournir le jugement ou l’ordonnance du JAF. Aussi, j'ai indiqué au teneur de compte qu'en droit, je ne saurais lui reprocher d'avoir refusé de procéder au déblocage de ses avoirs.
Toutefois, il m'est apparu important de souligner que la dissolution du PACS, en tant que telle, ne règle pas la question des enfants et que la rupture n’est pas nécessairement judiciaire, y compris dans ses conséquences vis-à-vis des enfants. Sur ce point, j'ai ajouté que s'il est recommandé, dans ce cadre, d'établir une convention parentale afin d'organiser la garde des enfants, la conclusion d'une telle convention ne revêt aucun caractère obligatoire tout comme le fait de la soumettre à une homologation du JAF.
Or, j'ai observé que le Guide de l'épargne salariale omettait totalement le cas où les partenaires n'ont pas recours à un juge dans la mesure où ils parviennent à se mettre d'accord sur les modalités de la garde de leurs enfants, comme cela était le cas en l'espèce. Le caractère amiable de cet arrangement exclut la possibilité pour le parent qui a la garde exclusive de ses enfants de demander le déblocage de ses avoirs puisqu'il n'est pas en mesure de produire le justificatif attendu, lequel est nécessairement établi à la suite de l'intervention d'un juge.
J'ai rappelé à l'établissement X - ainsi que le précise lui-même le Guide de l'épargne salariale - que les justificatifs demandés - bien qu'ils soient effectivement les plus usuels - ne revêtent, en aucun cas, un caractère exclusif. Quel que soit le motif de déblocage, le Guide de l'épargne salariale indique, au contraire, que ces derniers n'ont qu'un caractère indicatif.
Enfin, j'ai souligné que le cas de déblocage visé a pour finalité de permettre au parent – désormais séparé – de faire face aux conséquences financières et matérielles de la rupture, se retrouvant à assumer son ou ses enfants habitant à son domicile. En l'espèce, par l'établissement d'une attestation sur l'honneur, Mme D. faisait valoir qu'elle avait la garde exclusive de ses deux enfants en bas âge. Il m'apparaissait donc, en équité, que les sommes débloquées lui seraient d'une grande aide dans la situation particulière qu'elle traversait suite à la dissolution de son PACS.
La recommandation
Au vu de ces éléments, j'ai proposé au teneur de compte, en l'état actuel du droit, en équité, de revoir sa position sur ce dossier, eu égard à l’ensemble des circonstances présentes, et de procéder à un déblocage exceptionnel des avoirs de Mme D.
En réponse, l'établissement X m'a informée qu'il acceptait de suivre ma proposition et que ses services avaient procédé à la validation de la demande de déblocage anticipé pour le motif « dissolution du PACS » en équité comme demandé.
La leçon à tirer
Rappelons tout d'abord qu'une séparation (divorce, dissolution du PACS, séparation de fait) ne constitue pas à elle seule un motif de déblocage du PEE[1], ce que certains épargnants ignorent en me saisissant. En effet, encore faut-il que le demandeur justifie que la résidence habituelle d'au moins un de ses enfants a été fixée à son domicile. Généralement, dans le cas spécifique du divorce, le jugement ou la convention de divorce contient des dispositions à ce sujet de sorte que le déblocage anticipé ne pose pas de problème particulier.
En revanche, ce dossier met en lumière qu'une attestation sur l'honneur - seul document possible lorsque les ex-partenaires de PACS ou concubins se mettent d'accord de manière amiable quant aux modalités de garde de leurs enfants - n'est pas suffisant au regard des justificatifs listés par le Guide de l'épargne salariale dont la dernière mise à jour date de 2014. Son actualisation, malheureusement toujours reportée, devra à mon sens prendre en considération ce cas de figure.
Pour l'heure, dans l'attente d'une évolution des textes, comme je l'ai déjà souligné dans un précédent dossier du mois (Epargne salariale : la liste des justificatifs de déblocage anticipé n’est pas exhaustive, Septembre 2020), le Guide rappelle que les justificatifs attendus pour chacun des motifs de déblocage anticipé ne le sont qu'à titre de preuve mais en aucun cas de validité « S'agissant des justificatifs qui y sont mentionnés (dans le tableau en annexe), ils n'ont bien évidemment qu'un caractère indicatif, le code du travail lui-même ne comportant pas de liste exhaustive des documents à produire à l'appui de la demande. Ceux qui sont mentionnés correspondent aux documents les plus habituels. En tout état de cause, cette liste n'a pas de caractère restrictif de sorte que les intéressés peuvent produire à l'appui de leur demande tout autre document de référence permettant d'attester de la situation au titre de laquelle ils sollicitent un déblocage. »
Ce dossier du mois permet de rappeler aux teneurs de compte que la liste des justificatifs du Guide de l’épargne salariale n’est qu’indicative et est l’occasion d'attirer leur attention sur l’approche du médiateur de l’AMF devant cette situation.
[ 1 ] Attention, ce motif n'est pas un cas de déblocage anticipé applicable au PERCO ou au PER
Sur le même thème
Responsable de la publication : Le Directeur de la Direction de la communication de l'AMF. Contact : Direction de la communication, Autorité des marchés financiers - 17, place de la Bourse - 75082 Paris Cedex 02