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Introduction en bourse : le préjudice peut aller au-delà de la non-exécution de l’ordre de souscription
Lorsqu’un ordre de souscription à une introduction en bourse n’a pas été exécuté du fait d’une erreur reconnue par le teneur de compte, la réparation du préjudice conduit à replacer les parties dans la situation qui aurait été la leur en l’absence d’erreur, mais aussi à prendre en compte le profil de l’investisseur et son comportement habituel, comme on le verra dans ce cas de médiation.
Les faits
Fin novembre 2019, les époux B se sont rendus dans leur agence afin de souscrire, par la remise d’un chèque sur leur compte-titres joint, à l’introduction en bourse de la Française des Jeux (FDJ). A cet effet, ils ont signé un bulletin d’ordre de souscription pour un montant maximum de 1.000 euros, correspondant à 51 actions à un prix unitaire de 19,5 euros. Toutefois, cette demande de souscription n’a pas été exécutée.
Constatant, quelques mois plus tard, au vu de la valorisation du titre, l’importance accrue du préjudice qui en était résulté, les époux B ont formulé une réclamation. Il leur a été finalement répondu par courrier du 20 décembre 2020, qu’il était impossible de revenir sur une opération de 2019 et de leur attribuer les actions demandées. En effet, selon l’établissement, le contingent d’actions mis à la disposition du public étant limité, la totalité des demandes n’avait pas pu être exécutée.
Contestant cette position, et souhaitant obtenir l’exécution de leurs instructions initiales, les époux B m’ont alors saisie de leur différend.
L’instruction
Après un examen attentif du dossier des époux B et des documents transmis à l’appui de leur demande, j’ai interrogé l’établissement X. qui m’a fait part de ses observations.
L’établissement X. a reconnu en effet qu’une erreur humaine avait conduit à ce que le traitement de la demande de souscription des époux B, pourtant régulièrement signée par les clients, ne soit pas satisfaite.
L’établissement X. m’a par ailleurs confirmé qu’il avait constaté que les époux B s’étaient rendus dans les locaux de leur agence avec la volonté claire de souscrire à l'introduction en bourse en question. Le conseiller sur place était pour cela en possession d'un chèque de 1.000 € que lui avaient remis les époux B.
Il m’a également été précisé que le détail des évènements tracés sur le compte des époux B. a révélé leur présence en agence dès 16H12. Cet horaire permettait selon l’établissement X. de démontrer que le conseiller était en mesure de déposer le chèque d'approvisionnement sur leur compte, et de saisir l'opération de souscription à l’introduction avant l'horaire limite, fixé par l'AMF, en coordination avec Euronext, à 17H00.
Or, selon l’établissement X., le chèque remis ayant été déposé au-delà de 17H00, l'opération de souscription n'a pu être réalisée : en atteste l'absence de compte-rendu de transmission qui fait mention de la référence de l'opération et de son horodatage.
Enfin, le bulletin d'ordre de souscription, signé par les parties, leur avait été remis avant qu’ils ne quittent l’agence, ce qui a eu pour effet de conforter les époux B sur la bonne réalisation de l'opération.
L’établissement X. a donc considéré que l'ordre aurait dû être transmis et exécuté, et que les époux B auraient dû être servis à hauteur de 51 titres lors de la première cotation.
La recommandation
A réception de ces éléments de réponse, j’ai procédé à une analyse approfondie de ce dossier qui m’a conduite à revenir vers l’établissement X.
J’ai en effet indiqué à cet établissement qu’il serait bienvenu que la régularisation conduise à une remise en l’état complète de la situation, soit un retour au statu quo ante, conformément aux instructions initiales données par les époux B afin de réparer le préjudice résultant d’un défaut d'exécution d'une opération de souscription à une introduction en bourse (à charge pour l’établissement de supporter le différentiel de cours éventuel).
Or, selon les modalités prévues par le ministère de l’Economie et des Finances dans un arrêté du 6 novembre 2019 fixant les modalités de transfert au secteur privé de la majorité du capital de la société La Française des jeux, les détenteurs des titres en question qui avaient conservé leurs titres sans interruption pendant une durée de 18 mois à compter de l’introduction en bourse avaient été crédités, le 25 mai 2021, d’une action gratuite pour dix détenues.
En partant du postulat que les époux B avaient souscrit les titres lors de l’introduction, et conservé leurs actions pendant une durée de 18 mois, j’ai fait valoir qu’ils auraient pu également bénéficier des dispositions avantageuses de cet arrêté.
J’ai donc réinterrogé l’établissement sur les habitudes d’investissement des époux B en lui indiquant qu’il serait souhaitable de pouvoir obtenir des informations sur leur historique d'investissement (fréquence d’investissement, probabilité de l’intention de vendre ou acheter certaines actions, nombres d’arbitrages passés sur le portefeuille par le passé, durée de détention, …) afin de déterminer si l’on pouvait légitimement en déduire que ces derniers avaient pour intention, au moment de leur demande de souscription, de conserver ces actions FDJ pendant une période de temps plus ou moins longue, à tout le moins de plus de 18 mois, afin d’être rétroactivement éligibles à ce dispositif d’attribution gratuite d’actions.
L’établissement m’a alors confirmé sa volonté de rétablir les époux B dans la situation qui aurait été la leur si l'ordre de souscription pour un montant de 1.000 euros avait été exécuté et que ce rétablissement prendrait donc également en compte l’attribution d’actions gratuites. En effet, la banque m’a indiqué qu’après consultation du profil investisseur des époux B, il ne faisait nul doute qu’ils avaient pour projet de souscrire à l’introduction et de conserver leurs actions sur un horizon de long terme (5 ans de détention minimum).
En conséquence, l’établissement a accepté ma proposition consistant en l'attribution de 51 actions sur leur compte-titres joint et de 5 actions gratuites complémentaires qui leur revenaient de droit si l’ordre de souscription avait été effectif et qu’ils avaient conservé leurs actions sans interruption pendant 18 mois, soit un total de 56 actions.
La demande des époux B a donc donné lieu à une recommandation favorable. Ces derniers m’ont confirmé la bonne réception de leurs actions.
La leçon à tirer
Comme l’illustre le cas d’espèce, les conséquences d’une mauvaise exécution d’un ordre de souscription à une introduction en bourse peuvent être préjudiciables aux épargnants désireux d’y participer.
Si les épargnants sont bien entendu responsables d’accomplir les formalités nécessaires afin de participer à une opération de ce type, il relève du devoir de diligence du professionnel de veiller à la parfaite exécution de leurs instructions et ce avec célérité.
Ainsi, ce dossier éclaire la manière dont le préjudice peut être apprécié dans le cadre de la médiation de l’AMF.
Comme j’ai déjà eu l’occasion de le souligner[1], le propre de la responsabilité civile, ainsi que le rappelle régulièrement la jurisprudence, est de rétablir l’équilibre détruit aussi exactement que possible et de replacer le client victime dans la situation où il se serait trouvé si l’acte dommageable ne s’était pas produit (ici la non-exécution de l’ordre de souscription).
Dans ce dossier, l’examen de l’entier préjudice m’a conduite à prendre en compte le profil de l’investisseur et le comportement habituel tel qu’il a été reconnu également par le teneur de compte : ainsi, a été intégré dans l’assiette du préjudice, outre les actions auxquelles ils avaient droit au titre de l’introduction en bourse, le bénéfice de l’attribution d’actions gratuites.
[1] Mauvaise exécution d'un ordre de bourse : quand le préjudice réel du plaignant n'est pas celui qu'il estime…
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Responsable de la publication : Le Directeur de la Direction de la communication de l'AMF. Contact : Direction de la communication, Autorité des marchés financiers - 17, place de la Bourse - 75082 Paris Cedex 02