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L'absence de réponse à un questionnaire de connaissance client : des conséquences distinctes selon qu'il vise l'évaluation du client ou la lutte anti-blanchiment
Les questionnaires de connaissance client soumis par les établissements financiers poursuivent des objectifs précis dans la relation d’affaires les liant aux investisseurs : fournir un service adapté à leurs clients et se conformer à leurs obligations en matière de lutte anti-blanchiment.
J’ai eu l’occasion de revenir sur ces objectifs et sur les conséquences – distinctes – du défaut de réponse auxdits questionnaires dans le dossier que je vous présente ce mois-ci.
Les faits
Monsieur L, détenteur d’un compte-titres dans les livres de l’établissement B, m’a indiqué que l’accès à son espace client avait été interrompu soudainement.
Il s’est donc rapproché de son intermédiaire financier pour obtenir des explications.
Le service client lui a alors indiqué que faute pour lui d’avoir répondu à l’ensemble des questions posées au sujet de sa situation financière et personnelle, son accès avait effectivement été bloqué.
Monsieur L a fait valoir, en se fondant sur les recommandations de l’AMF et de la Banque de France, que le client conserve le droit de ne pas répondre au questionnaire et - le cas échéant - l’intermédiaire financier a le devoir de s’abstenir de délivrer tout conseil.
Le service client de l’établissement B a toutefois maintenu sa position en opposant au demandeur, au cours d’un échange téléphonique, que son droit de ne pas répondre avait pour contrepartie le droit pour l’établissement de rompre la relation d’affaires dans l’hypothèse d’un refus de réponse au questionnaire soumis. Dans ces circonstances, l'établissement a confirmé à Monsieur L. sa décision de procéder à la résiliation sans aucun délai du compte.
Monsieur L a donc sollicité mon intervention auprès de l’établissement B afin d’obtenir le déblocage de la situation.
L’instruction
J’ai interrogé l’établissement B qui m’a confirmé avoir déployé un nouveau « questionnaire investisseur », intégrant notamment des questions plus précises relatives à la connaissance et aux expériences de ses clients, dont la complétude est obligatoire pour poursuivre la navigation sur l’espace client.
L’établissement B a regretté que le service client ait informé le demandeur, de surcroit par téléphone, de la rupture de la relation commerciale. La banque a en effet reconnu qu’il aurait dû être fait droit à la demande de Monsieur L de refuser de répondre au questionnaire d'évaluation de son profil, et que la mention d’une rupture de la relation était, avec cette justification, inappropriée.
Néanmoins, l’établissement B m’a indiqué que c’est sur un autre fondement, non exposé au client, qu’il s’est appuyé pour justifier le principe même de sa décision de mettre fin à la relation d’affaires. En effet, le questionnaire soumis à Monsieur L poursuivait en réalité, à lui seul, un double objectif : évaluer le profil investisseur mais également se conformer aux dispositions applicables en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (LCB-FT).
Dès lors, l’établissement B m’a indiqué qu’il considérait comme impérative la réponse aux questions auxquelles Monsieur L avait été invité à répondre, à défaut de quoi la relation devait être rompue conformément aux obligations réglementaires en vigueur.
La recommandation
J’ai relevé après une analyse attentive du dossier que ce n’est donc pas sur le fondement des règles de bonne conduite des prestataires de service d’investissement qui, comme Monsieur L l’avait justement relevé, aurait simplement conduit l’établissement B à s’abstenir de lui donner des conseils (en application de l’article L533-12 et suivants du code monétaire et financier) mais bien sur le fondement distinct des obligations très strictes issues de la directive LCB-FT que s’est placé cet établissement pour considérer qu’en l’absence d’informations suffisantes et complètes sur la situation personnelle et financière de Monsieur L, la relation d’affaires devait être rompue comme le requiert l’article L561-8 du code monétaire et financier.
J’ai donc considéré que la résiliation contractuelle était bien fondée en son principe d’autant qu’outre les obligations relatives à la LCB-FT - lesquelles imposent la rupture -, il est en tout état de cause toujours possible à une banque de mettre fin à sa relation avec un client sans avoir à le motiver, le contrat bancaire étant un contrat intuitu personae.
Toutefois, il n’en demeure pas moins que, sauf comportement gravement répréhensible, il appartient à l’établissement d’accorder un délai destiné à permettre à son client de rechercher un nouvel établissement, ce que n’avait pas respecté la banque, puisqu’aucun délai n’avait été consenti au client avant le blocage de son compte titres.
Aussi, il m’est apparu impératif que pendant ce délai de préavis, le client continue de disposer de tous ces droits, dont - bien évidemment - l’accès à son compte titres.
Or, en l’espèce, j'ai regretté que les conséquences du défaut de réponse à certaines questions - à savoir la clôture des relations - n’ait été communiquées qu’a postériori et oralement à Monsieur L, mais aussi que la rupture de la relation contractuelle ait été décidée sans le délai habituel de prévenance.
J’ai exposé cet argumentaire à l’établissement B lors d’un entretien téléphonique avec la responsable conformité des services d'investissement (RCSI), qui a reconnu que la rupture de la relation contractuelle avait été particulièrement brutale et que le client n’avait pas été correctement informé, en amont, des conséquences du défaut de réponse au questionnaire client.
Dans ces conditions et à la suite de ma recommandation, une fois établi avec les deux parties qu’il était de toute façon trop tard pour repartir sur une relation commerciale apaisée, l’établissement B a adressé à Monsieur L une lettre recommandée avec accusé de réception précisant qu’il disposait désormais d’un délai de 60 jours afin de faire parvenir ses instructions pour le transfert de son compte titres vers l’établissement financier de son choix. L’accès à son espace client a bien entendu était rétabli au cours de cette période.
La leçon à tirer
Les établissements financiers sont tenus à des obligations strictes de connaissance client qu’il s’agisse de l’évaluation du profil investisseur au titre des dispositions prévue dans le cadre de la réglementation MIF2 ou de la vérification de l’identité et de l’origine des ressources - tant à l’entrée en relation qu’au cours de celle-ci - afin de se conformer aux exigences en matière de LCB-FT.
Des questionnaires sont alors soumis aux clients pour répondre à ces deux catégories d’obligations.
Si au premier cas (MIF2), le défaut de réponse conduit à ce que la banque ne soit plus en droit de fournir le service de conseil en investissement (voir le dossier du mois de février 2018 : Si le client ne communique pas les informations du questionnaire MIF, la banque doit s'abstenir de fournir un service de conseil en investissement), les conséquences sont beaucoup plus importantes quand l’établissement n’est pas en mesure de collecter les informations nécessaires à l’accomplissement des diligences de LCB-FT puisque la relation d’affaires doit alors être rompue.
Il est donc primordial que les investisseurs, qui considèrent parfois les questionnaires intrusifs, aient, au moment où le questionnaire leur est soumis, pleinement conscience des conséquences[1] d’un défaut de réponse de surcroit quand une unique collecte de données vise à satisfaire les deux objectifs en même temps comme l’a illustré ce dossier. Il est donc important que les banques puissent informer leurs clients de ces conséquences distinctes.
C’est uniquement dans ces conditions que l’investisseur peut prendre une décision éclairée sur la communication des informations souhaitées qui s’avère en toutes hypothèses dans son intérêt : recevoir un conseil avisé sur les placements projetés ou tout simplement maintenir la relation d’affaires avec l’établissement.
[ 1 ] L’obligation d’informer le client du caractère obligatoire ou facultatif des réponses et des conséquences d’un défaut de réponse découle également du principe de pertinence et de proportionnalité des données collectées issu de la loi du 6 janvier 1978 modifiée relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. Voir en ce sens : Position DOC-2013-02 (https://www.amf-france.org/fr/reglementation/doctrine/doc-2013-02)
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Responsable de la publication : Le Directeur de la Direction de la communication de l'AMF. Contact : Direction de la communication, Autorité des marchés financiers - 17, place de la Bourse - 75082 Paris Cedex 02