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L'impossibilité de souscrire à un fonds n’est pas forcément un refus de vente

Certains fonds sont strictement réservés aux clients professionnels : le client qui ne remplit pas les conditions de souscription exigées par le fonds ne peut en acquérir des parts, malgré son souhait. C’est ce cas particulier que je vous expose au travers de ce nouveau dossier du mois.

Les faits

Titulaire d’un compte-titres ouvert dans les livres d’un établissement X, Monsieur T. a voulu acquérir des parts d’un fonds d’investissement alternatif (FIA).  

Or, son teneur de compte ne lui permettait pas d’acquérir les titres en question, l’espace en ligne de l’établissement indiquant : " la prise de position est impossible sur cette valeur ". Ayant demandé des explications au service clients, il a été indiqué à Monsieur T. que l’établissement n’autorisait pas la souscription de ce fonds à la suite d’une décision de la direction commerciale.

Monsieur T. a estimé qu’il s’agissait d’un refus de vente, ajoutant que ni la documentation commerciale, ni les conditions générales de son teneur de compte n’informaient la clientèle du fait que l’acquisition de certains titres serait impossible pour des raisons purement commerciales.

Souhaitant absolument acquérir les titres litigieux au sein de son compte-titres, Monsieur T. m’a alors saisie de son différend.

L’instruction

Après un examen attentif du dossier de Monsieur T., j’ai interrogé l’établissement qui m’a fait part de ses observations.

L’établissement m’a indiqué que le Document d'information clé pour l'investisseur (DICI) du fonds précise qu’il s'agit d'un fonds professionnel à vocation générale. Par conséquent, seules les personnes mentionnées à la rubrique « Souscripteurs concernés » tels que définis dans le prospectus et le bulletin de souscription, sont autorisées à acquérir des parts du fonds en question. Ainsi, à défaut de relever de l’une des catégories mentionnées dans le DICI, Monsieur T. n’était pas habilité à acquérir des parts de ce fonds.

L’établissement a donc estimé que l’impossibilité d’acquérir les parts du fonds ne relevait pas d’un refus de vente de sa part, mais des conditions de souscription fixées par le fonds, liées à sa nature même de fonds professionnel à vocation générale.

La recommandation

A réception de ces éléments de réponse, j’ai procédé à une analyse approfondie de ce dossier.

Rappelons tout d'abord que, par principe, la souscription et l'acquisition des parts ou actions d'un fonds professionnel à vocation générale sont réservées aux clients professionnels[1]. Les clients professionnels peuvent l’être par nature (établissements financiers, entreprises d’assurance, investisseurs institutionnels…), par la taille (conditions tenant à un seuil minimal en termes de chiffre d’affaires, bilan et/ou un montant de capitaux propres) ou sur option, c’est-à-dire sur demande.

En effet, un client non professionnel, tel qu’un particulier, peut opter pour le statut de client professionnel. Le prestataire de services d’investissement doit alors réaliser une évaluation adéquate de la compétence, de l’expérience et des connaissances du client afin d’avoir l’assurance raisonnable que celui-ci est en mesure de prendre ses décisions d’investissement et de comprendre les risques qu’il encourt, dans la mesure où il ne bénéficiera plus de la protection attachée aux clients particuliers. Dans le cadre de cette évaluation, le client doit remplir au moins deux des trois critères suivants, dont il appartient au professionnel de vérifier le respect[2]:

  • la détention d’un portefeuille d’instruments financiers d’une valeur supérieure à 500 000 euros ;
  • la réalisation d’opérations, chacune d’une taille significative, sur des instruments financiers, à raison d’au moins dix par trimestre en moyenne sur les quatre trimestres précédents ;
  • l’occupation, pendant au moins un an, dans le secteur financier, d’une position professionnelle.

Par ailleurs, la souscription à un fonds professionnel est également ouverte aux investisseurs non professionnels si la souscription initiale est supérieure ou égale à 100 000 euros, ou si la souscription est réalisée dans le cadre d'un service d'investissement de gestion de portefeuille[3].

Dans ce dossier, après analyse du DICI, j’ai observé que le fonds qui intéressait Monsieur T. était effectivement un fonds professionnel à vocation générale et que le prospectus indiquait expressément que le fonds n’était pas ouvert aux investisseurs non professionnels, et que seuls les investisseurs définis à l’article 423-2 du Règlement général de l’AMF pouvaient y souscrire.

Or, en l’espèce, il est ressorti des éléments en ma possession que :

  • d’une part, Monsieur T. ne détenait pas la qualité de client professionnel et ne justifiait pas avoir demandé à être traité comme un client professionnel sur option par son teneur de compte ;
  • d’autre part, qu’il ne s’agissait pas d’une souscription dans le cadre d’un mandat de gestion, ni d’une souscription pour un montant supérieur ou égal à 100 000 euros.

Ainsi, j’ai relevé que la souscription envisagée par Monsieur T. ne répondait à aucune des conditions posées par l’article 423-2 du Règlement général de l’AMF et qu’en conséquence, l’impossibilité d’acquérir les parts du fonds résultait non pas d’un choix commercial de l’établissement, mais de critères objectifs. La demande de Monsieur T. a donc donné lieu à une recommandation défavorable.

La leçon à tirer

Comme l’illustre le cas d’espèce, l’acquisition des parts de certains fonds peut être exclusivement réservée aux clients professionnels, notamment en raison des risques que ces produits comportent.

Or, compte tenu de la réponse vague et surtout inexacte qui lui avait été adressée par l’établissement en amont de la Médiation, Monsieur T. était en droit de penser que l’impossibilité d’acquérir les titres litigieux découlait effectivement de la politique commerciale de l’établissement.

Pour éviter ce type d’incompréhensions et de risques de litiges inutiles, il serait souhaitable que les services clients indiquent de manière plus intelligible aux clients, se plaignant du refus qui leur est opposé d’acquérir certains produits, les raisons objectives motivant cette impossibilité, puisqu’en l’espèce, les véritables raisons, d’ordre règlementaire, étaient à même de justifier pleinement la décision de l’établissement.

De leur côté, les clients sont invités à étudier attentivement le DICI, mais aussi le prospectus des fonds qui les intéressent, dans la mesure où ces documents indiquent la nature des fonds et les catégories de souscripteurs autorisés.

Plus généralement, ce dossier permet de rappeler que la catégorisation des clients a pour objectif d’instaurer des degrés de protection différents en fonction de la connaissance par les clients des instruments financiers et de leur capacité à en supporter les risques.

En effet, comme cela a été rappelé ci-dessus, un client non professionnel peut demander à être traité comme un client professionnel sur option, notamment pour obtenir des tarifs plus avantageux, ou, comme en l’espèce, pour avoir accès à certains fonds réservés aux professionnels.

Ce faisant, le client doit avoir conscience qu’il perd, de son plein gré, une partie de la protection que lui offrent les règles de bonne conduite en sa qualité de client non professionnel.

[1] Article L. 214-144 du Code monétaire et financier.

[2] Article D533-12 du Code monétaire et financier

[3] Article 423-2 du RG AMF