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Lutte anti-blanchiment : l'absence de mise à jour par le client de ses informations personnelles pertinentes peut aboutir à la clôture de son compte-titres
Les établissements financiers sont tenus à des obligations strictes de connaissance client afin de se conformer aux exigences en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LCB-FT). Les clients doivent être extrêmement vigilants avec les demandes qui leurs sont adressées par les établissements. Ainsi que l’illustre le dossier que je vous présente ce mois-ci, l’établissement concerné, en l’absence persistante de réponse satisfaisante de la part du client, a, à bon droit, clos le compte-titres de celui-ci.
Les faits
Cliente de l’établissement Y, Madame X, titulaire d’un compte-titres, s’est aperçue en se connectant en mars 2024 à son espace personnel que l’intégralité de ses actions détenues sur son compte-titres avaient été vendues.
Madame X s'est donc rapprochée de l'établissement Y afin de faire part de ses interrogations à ce sujet. En réponse, il lui a été indiqué que faute d'avoir répondu aux demandes de mise à jour de son profil client qui lui avait été adressées, son compte-titres avait été clos.
Madame X conteste la liquidation de ses positions au motif que cela résultait d’une décision unilatérale de sa banque, qui ne lui aurait jamais demandé son autorisation.
La cliente a donc sollicité mon intervention afin d’obtenir la complète remise en l’état de la situation qui aurait été la sienne si l’acte dommageable à savoir, la liquidation de ses positions, ne s’était pas produit, notamment, afin d’obtenir le remboursement de l’intégralité des dividendes qu’elle aurait dû percevoir en 2024.
L’instruction
J’ai pris l’attache de la banque Y afin qu’elle me fasse part de ses observations.
Celle-ci m’a indiqué que Madame X avait reçu un courrier électronique dès le 21 mars 2022, lui indiquant que la mise à jour de ses informations personnelles était nécessaire conformément à ses obligations de connaissance client précisées à l’article L.561-5-1 du Code monétaire et financier, en application de la règlementation relative à la lutte anti-blanchiment.
Un second courrier, daté du 4 avril 2022, a été adressé à la cliente l’informant qu’en l’absence de mise à jour de ses données, des restrictions avaient été mises en place sur son compte-titres.
La banque Y m’a également précisé qu’à compter du 4 avril 2022, la cliente était informée de la nécessité de mettre à jour ses informations personnelles à chaque nouvelle connexion sur son espace personnel via un affichage permanent. En outre, la banque Y m’a apporté la preuve informatique des connexions de Madame X à son espace personnel postérieurement à cette date.
Par conséquent, le 7 décembre 2023, soit plus d’un an après la première demande de mise à jour de ses informations personnelles, la banque Y a adressé un courrier électronique à Madame X l’informant de la résiliation à venir, de son compte-titres.
La recommandation
J’ai examiné attentivement les éléments de ce dossier.
J’ai relevé, d’une part, que la banque Y avait, à plusieurs reprises, pendant plus d’un an et par le biais de plusieurs canaux, informé Madame X de la nécessaire mise à jour de ses informations personnelles.
Il m’est donc apparu que Madame X ne pouvait pas ignorer les différentes demandes qui lui ont été adressées par la Banque Y pendant plus d’un an. D’autant plus que Madame X s’est connectée à plusieurs reprises, sur son espace personnel, et a donc nécessairement pris connaissance du bandeau d’alerte réitéré qui y était affiché.
J’ai relevé, d’autre part, à la lecture du courrier électronique informant Madame X de la résiliation, à venir, de son compte-titres, que la banque Y avait laissé à celle-ci un délai de deux mois afin qu’elle puisse transférer ses titres chez un autre teneur de compte, à défaut de quoi, ses positions seraient liquidées dans le cadre de la résiliation de son compte-titres. La cliente n’a toutefois initié aucune instruction de transfert durant le délai accordé.
J’ai donc considéré, dans ce dossier, que les positions de Madame X avaient été liquidées conformément au courrier d’avertissement reçu deux mois auparavant, sans que Madame X ait donné des instructions pour transférer ses titres auprès d’un autre établissement, et que je ne pouvais donc émettre une proposition favorable à sa demande.
La leçon à tirer
Les établissements financiers sont tenus à des obligations strictes de connaissance client qu’il s’agisse de l’évaluation du profil investisseur au titre des dispositions prévues dans le cadre de la réglementation sur les marchés d’instruments financiers MIF2 ou de la vérification de l’identité et de l’origine des ressources - tant à l’entrée en relation qu’au cours de celle-ci - afin de se conformer aux exigences en matière de lutte anti-blanchiment. Comme je l'ai déjà rappelé, les conséquences de l'absence de réponse sont bien différentes selon qu'il s'agisse du questionnaire MIF ou d'une demande faite dans le cadre de la LCB FT[1]: dans le premier cas, le professionnel doit s'abstenir de délivrer tout conseil, dans l'autre, il est tenu de mettre fin à la relation avec le client.
A propos de ce devoir de connaissance client à l’entrée de la relation d’affaires, l’article L.561-5-1 du Code monétaire et financier prévoit que :
« Avant d'entrer en relation d'affaires, les personnes mentionnées à l'article L. 561-2 recueillent les informations relatives à l'objet et à la nature de cette relation et tout autre élément d'information pertinent. Elles actualisent ces informations pendant toute la durée de la relation d'affaires. »
A propos du devoir de vigilance et de connaissance client actualisée durant la relation d’affaires, l’article L.561-6 du Code monétaire et financier prévoit quant à lui que :
« Pendant toute la durée de la relation d'affaires et dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, ces personnes exercent, dans la limite de leurs droits et obligations, une vigilance constante et pratiquent un examen attentif des opérations effectuées en veillant à ce qu'elles soient cohérentes avec la connaissance actualisée qu'elles ont de leur relation d'affaires. »
Enfin, l’obligation de mettre un terme à la relation avec le client est prévue à l’article L. 561-8, I, du Code monétaire et financier qui prévoit que :
« I. Lorsqu'une personne mentionnée à l'article L. 561-2 n'est pas en mesure de satisfaire aux obligations prévues à l'article L. 561-5 ou à l'article L. 561-5-1, elle n'exécute aucune opération, quelles qu'en soient les modalités, n'établit ni ne poursuit aucune relation d'affaires et peut transmettre la déclaration prévue à l'article L. 561-15 dans les conditions prévues à cet article. Si celle-ci a déjà été établie en application du IV de l'article L. 561-5, elle y met un terme et la déclaration prévue à l'article L. 561-15 s'effectue dans les conditions prévues à cet article. »
C’est donc dans le cadre de ces obligations que la banque peut demander une mise à jour des informations personnelles à ses clients.
Lorsque l’établissement ne parvient pas à collecter les informations nécessaires à l’accomplissement des obligations légales évoquées, la loi oblige cet établissement à suspendre ou à mettre un terme à la relation d’affaires.
Les clients doivent donc être extrêmement vigilants avec les demandes qui leurs sont adressées par les établissements dans le cadre de leurs obligations LCB-FT.
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Responsable de la publication : Le Directeur de la Direction de la communication de l'AMF. Contact : Direction de la communication, Autorité des marchés financiers - 17, place de la Bourse - 75082 Paris Cedex 02