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Plan Epargne Retraite : les sommes issues de cotisations obligatoires ne sont pas déblocables pour l'acquisition de la résidence principale
En créant le Plan d’Epargne Retraite (PER), la loi Pacte de 2019 a entendu favoriser la transférabilité des dispositifs d’épargne retraite mais également harmoniser le fonctionnement de ces produits.
Toutefois, comme l’illustre le dossier que je vous présente ce mois-ci, il existe certaines restrictions en matière de déblocage anticipé selon l’origine des sommes versées ou transférées sur le plan.
Les faits
Mme H. m'a indiqué être bénéficiaire d’un contrat de retraite supplémentaire (dit contrat retraite "Article 83"), ouvert auprès d'une compagnie d'assurance et mis en place par son ancienne entreprise qu'elle avait quittée à la suite d’un licenciement économique.
Elle précise avoir retrouvé un emploi au sein d’une nouvelle entreprise ayant mis en place un plan d’épargne retraite PERECO, ouvert dans les livres de l'établissement Y, teneur de compte d'épargne salariale.
En 2022, Mme H. a transféré son contrat retraite Article 83 vers son PERECO.
Après avoir signé un compromis de vente en 2024, Mme H. a saisi une demande de déblocage anticipé de son PERECO pour le motif "acquisition de la résidence principale".
Toutefois, l'établissement Y aurait refusé de donner une suite favorable au déblocage total de son PERECO au motif que les versements obligatoires ne sont pas déblocables pour l'acquisition de la résidence principale et que Mme H. en aurait été correctement informée.
Contestant ce refus et les motivations avancées, Mme H. a sollicité mon intervention afin de pouvoir débloquer son épargne pour l’acquisition de sa résidence principale.
L'instruction
J'ai pris l'attache de l'établissement Y qui m'a indiqué avoir réécouté les différents appels et avoir consulté les échanges de mails qui ont eu lieu entre Mme H. et son service clients.
Toutefois, ce dernier n'aurait trouvé aucune demande d’information sur le déblocage avant l’opération de transfert intervenue en 2022. Les échanges avant cette opération auraient porté uniquement sur les modalités du transfert.
Cet établissement indique que ce n’est qu'après la signature du compromis de vente, que Mme H. aurait contacté le service client en demandant pour quelle raison les sommes issues de versements obligatoires ne pouvaient être débloquées par anticipation.
En réponse, l'établissement Y a précisé à Mme H que conformément à la législation de l’épargne salariale, le compartiment des versements obligatoires de l’employeur et du salarié le cas échéant, auxquels le salarié est affilié à titre obligatoire, ne peut être liquidé pour le motif de l’acquisition de la résidence principale, en application des articles L.244-4 à L. 224-2 du Code monétaire et financier.
Compte tenu de ces éléments, l'établissement Y m'a confirmé ne pouvoir répondre favorablement à la demande de déblocage total de Mme H.
La recommandation
En l'espèce, Mme H. avait transféré un contrat de l'article 83, c’est-à-dire un contrat de retraite supplémentaire à cotisations obligatoires, vers son PERECO.
Or, après un examen attentif de la réglementation applicable, j'ai indiqué à Mme H. que conformément à l'article L.224-4 du Code monétaire et financier, les sommes issues des versements obligatoires du salarié ou de l'employeur ne peuvent être débloquées de manière anticipée pour l'acquisition de la résidence principale.
En tout état de cause, j'ai souligné que le transfert de son contrat dit Article 83 - en tant que tel – n'avait pas été préjudiciable à Mme H. s'agissant de ses facultés de déblocage anticipé. En effet, les cas de déblocage anticipé sont identiques (expiration des droits à l'assurance chômage, invalidité, surendettement, décès du conjoint et liquidation judiciaire) que ceux applicables au PER. Ainsi, le déblocage pour le motif acquisition de la résidence principale n'est certes pas possible sur le compartiment 3 du PERECO mais n'était pas davantage prévu par son ancien contrat.
J'ai, en conséquence, indiqué à Mme H. que même si je comprenais sa déconvenue, je ne disposais d'aucun élément me permettant de considérer comme injustifié le refus de l'établissement Y de donner suite à sa demande de déblocage anticipé au regard des règles applicables aux cotisations obligatoires réalisées ou transférées vers un PER.
La leçon à tirer
Le Plan Epargne Retraite (PER), instauré par la loi Pacte en 2019, se décline selon 3 catégories : le Plan d’Épargne Retraite Individuel (PERIN), le Plan d’Épargne Retraite entreprise collectif (PERECO) et le Plan d’Épargne Retraite entreprise obligatoire (PERO).
Ces 3 nouveaux types de PER succèdent – sans les remplacer pour ceux mis en place avant 2019 – aux anciens contrats d'épargne retraite qui ne peuvent plus être commercialisés depuis le 1er octobre 2020. Ainsi :
- Le PER obligatoire succède aux contrats de l'article 83 : ouvert par l'employeur au bénéfice de l'ensemble du personnel ou d'une catégorie objective de salariés et souscrit auprès d'un organisme de retraite professionnelle supplémentaire auprès duquel je ne suis pas habilitée à intervenir
- Le PER individuel succède aux PERP, contrats Madelin etc. : souscrit à titre individuel, celui-ci donne lieu à l'ouverture d'un compte-titres ou à l'adhésion à un contrat d'assurance de groupe. A noter que je ne suis compétente que dans le premier cas puisque, dans le second, il s'agit d'un produit d'assurance.
- Le PER d'entreprise collectif (parfois appelé PERCOL) succède au PERCO : il est mis en place par l'employeur pour recevoir les primes de participation et/ou d'intéressement ainsi que l'éventuel abondement distribués par ce dernier à ses salariés et ouvert auprès d'un teneur de compte. Les griefs relatifs à ces plans d'épargne retraite sont ceux que je traite traditionnellement.
En tout état de cause, compte tenu de mon champ de compétence limité aux litiges portant sur des produits financiers, je traiterai le litige si le grief porte sur le délai de transfert de ou vers un PERECO et que le salarié met en cause son teneur de compte d'épargne salariale (à ce sujet, voir Dossier du mois d'octobre 2022).
Quelle que soit la nature du PER (individuel, d'entreprise collectif ou obligatoire), celui-ci est composé de 3 compartiments et ce, afin d'en faciliter la transférabilité :
- Le premier compartiment est consacré aux versements volontaires (en distinguant les versements déductibles et les versements non-déductibles)
- Le deuxième aux versements liés à l’épargne salariale (participation, intéressement, jours CET et abondement)
- Et le troisième aux cotisations obligatoires du salarié et/ou de l'employeur.
Selon l'origine des sommes versées ou transférées sur le PER, l'un ou l'autre des compartiments du plan sera alimenté. Voici un tableau synthétique des sources d'alimentation possibles des trois compartiments des différents types de PER :
Compartiment 1 Versements volontaires * | Compartiment 2 Epargne salariale | Compartiment 3 Cotisations obligatoires | |
---|---|---|---|
PER individuel (PERIN) Peut être alimenté par : |
| Dans un PERIN, ce compartiment ne peut être alimenté que via le transfert d'un ancien PERCO ou d'un autre PER (versements d'épargne salariale d'un autre employeur) | Dans un PERIN, ce compartiment ne peut être alimenté que via le transfert d'un ancien article 83 si le salarié n'est plus tenu d'y adhérer ou par les versements obligatoires (salarié ou employeur) d'un autre PER |
PER collectif (PERECO) Peut être alimenté par : |
|
| Dans un PERECO, ce compartiment ne peut être alimenté que via le transfert d'un ancien article 83 si le salarié n'est plus tenu d'y adhérer ou par les versements obligatoires (salarié ou employeur) d'un autre PER |
PER obligatoire (PERO) Peut être alimenté par : |
| Dans un PERO, ce compartiment ne peut être alimenté par l'intéressement, participation et jours CET (hors abondement) seulement si le PERO est ouvert à tous les salariés |
|
* en distinguant les versements déductibles et les versements non-déductibles
Je dois préciser que chaque compartiment est assujetti à des règles qui lui sont propres, en particulier en termes de fiscalité, de modalités de sortie ou encore de déblocage anticipé. Ainsi, par l'effet d'un transfert vers un PERECO, je me retrouve à examiner des dispositions propres à l'origine des sommes, qui ne relèvent pas nécessairement de l'épargne salariale et que le teneur de compte est tenu d'appliquer.
Le dossier présenté ce mois-ci en est une parfaite illustration. Les sommes issues du contrat "Article 83" de Mme H. étant des cotisations obligatoires, celles-ci ne pouvaient être transférées que vers le compartiment 3 de son PERECO et en aucun cas vers le compartiment 1 ou 2. Ainsi, au regard des règles applicables aux cotisations obligatoires (Compartiment 3), il ne pouvait être donné suite à sa demande de déblocage anticipé pour le motif "Acquisition de la résidence principale".
A cet égard, l’examen de l’exposé des motifs de la loi Pacte était clair : il s'agit de la volonté expresse du législateur. En effet, c'est par exception à l’harmonisation des conditions de déblocage de l’épargne retraite que la loi prévoit que le transfert de l’épargne retraite, provenant d’un transfert d'un contrat dit de « l’article 83 », ne permet un déblocage anticipé que pour des motifs indépendants de la volonté de l’épargnant et exclut, par conséquent, le déblocage de cette épargne retraite pour l’acquisition de la résidence principale.
De même, les versements volontaires (Compartiment 1) sont déductibles ou non -déductibles avec des conséquences fiscales très différentes selon le choix opéré par le bénéficiaire (à ce propos voir Dossier du mois d'avril 2024).
S'agissant des modalités de sortie, comme j'ai pu le constater à l'occasion d'un dossier, il faut savoir que les sommes versées sur le compartiment 3 d'un PER ne peuvent être remboursées que sous forme de rente[1] sauf si le montant mensuel de la rente ne dépasse pas 110 euros : dans ce cas, une sortie en capital est possible[2].
Ainsi, sous une apparente harmonisation des dispositifs d'épargne retraite par la loi Pacte, un certain nombre de règles particulières trouvent à s'appliquer selon le compartiment concerné. Les épargnants doivent être conscients de ces spécificités et vigilants lorsqu'ils font le choix de procéder à un transfert.
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Responsable de la publication : Le Directeur de la Direction de la communication de l'AMF. Contact : Direction de la communication, Autorité des marchés financiers - 17, place de la Bourse - 75082 Paris Cedex 02