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Quand la mise en place du Plan d’épargne retraite unique (PERU) génère des incompréhensions chez les épargnants
PERO, PERECO, PERIN… La loi PACTE, entrée en vigueur en 2019, a profondément modifié le paysage de l’épargne retraite et introduit de nouveaux acronymes qu’il est parfois difficile de différencier pour les épargnants, a fortiori lorsque s’y ajoute un sigle supplémentaire traduisant la faculté pour l’employeur de regrouper le plan d’épargne retraite d’entreprise collectif (PERECO) et le plan d’épargne retraite obligatoire (PERO) dans un plan épargne retraite unique : le PERU.
Bien que destinée à faciliter la gestion de leur épargne retraite, la mise en place d’un PERU peut être source d’incompréhensions et d’inquiétude pour les épargnants, comme c’est le cas dans le dossier que je vous présente ce mois-ci.
Les faits
Monsieur L., à la retraite depuis septembre 2020, m’a indiqué qu’il était titulaire d’un PERCO (plan d’épargne retraite préexistant à la loi PACTE) ouvert dans les livres d’un teneur de compte d’épargne salariale X.
Monsieur L. m’a précisé que son ancien employeur avait décidé de transférer l’épargne salariale de ses salariés et anciens salariés vers un nouveau teneur de compte Y.
A cette occasion, le PERCO de Monsieur L. aurait été « transformé » en PERU (Plan d’épargne retraite unique), sans son accord et sans qu’il n’ait reçu la documentation correspondante, ni qu’on lui ait proposé de liquider son PERCO au préalable.
Or, d’après Monsieur L., le PERCO permettait une sortie en capital ou en rente, alors que le PERU permettrait uniquement une sortie en rente.
Monsieur L. m’a indiqué avoir bâti une stratégie de sortie progressive de son épargne en capital, et que la sortie en rente lui serait très défavorable. En effet, étant malade, Monsieur L. estime avoir une espérance de vie de 7 ans inférieure à celle de la moyenne. En outre, en tant qu’homme, Monsieur L. explique avoir une espérance de vie inférieure à celle d’une femme, qui servirait à établir la valeur de la rente.
Monsieur L. chiffre son préjudice à la somme de 15.000 euros environ.
C’est dans ce contexte que Monsieur L. m’a saisie, afin de solliciter la réparation du préjudice qu’il estime avoir subi du fait de la « transformation » de son PERCO en PERU.
L’instruction
J’ai interrogé le teneur de compte Y, le nouveau teneur de compte de Monsieur L., à la suite du transfert collectif intervenu.
Ce dernier m’a informée du fait que c’est l’ancien employeur de Monsieur L. qui avait pris la décision, en accord avec les organisations syndicales, de transformer le PERCO et le contrat de retraite supplémentaire (contrat « article 83 ») existants en PERECO et en PERO, et de les regrouper en PERU, en application de la loi PACTE.
RAPPEL
Créé par la loi PACTE de 2019, le plan d’épargne retraite (PER) se décline selon 3 modalités :
- un PER individuel (souscrit individuellement) : il succède au PERP et au contrat Madelin et prend généralement la forme d’un contrat d’assurance-vie. Quelques rares établissements proposent un PER bancaire qui repose, quant à lui, sur un compte-titres.
- deux PER d’entreprise (souscrits par l’intermédiaire de l’employeur) à savoir :
- Le PERECO (PER Entreprise Collectif), successeur de l’ancien PERCO, il est alimenté notamment par les primes d’intéressement, de participation et les abondements versés par l’employeur ainsi que par les versements volontaires du salarié.
- Le PERO (PER Obligatoire) : successeur de l’ancien contrat collectif « article 83 », est alimenté notamment par les cotisations obligatoires, il est ouvert auprès d’une compagnie d’assurance ou d’une mutuelle et repose sur un contrat d’assurance de groupe.
Ces deux derniers plans peuvent eux-mêmes être regroupés en un PER unique, le PERU, qui comporte alors deux compartiments distincts.
A savoir : si le PER (PERO ou PER individuel autre que bancaire) a été souscrit auprès d’une compagnie d’assurance, le médiateur de l’AMF n’est pas compétent pour intervenir en cas de litige. Le demandeur devra en effet saisir la Médiation de l’assurance.
Le teneur de compte Y m’a précisé que Monsieur L. avait été informé de ces modifications par email le 22/09/2021, avant le transfert effectif de son épargne retraite.
Il m’a également indiqué que Monsieur L. aurait pu demander le remboursement de son épargne salariale auprès de son ancien teneur de compte X dès son départ à la retraite en janvier 2020 et avant la modification de son PERCO en PERU intervenue en novembre 2021.
Cependant, le teneur de compte Y a insisté sur le fait que cette « transformation » du PERCO en PERU n’avait aucune incidence pour Monsieur L. s’agissant du déblocage de ses avoirs intégralement disponibles, pouvant avoir lieu sous forme de rente viagère ou de capital, libéré en une seule fois ou de manière fractionnée.
A ce titre, le teneur de compte Y m’a transmis un extrait de l’accord relatif au PERU mis en place par l’ancien employeur de Monsieur L., mentionnant les différentes possibilités de sortie.
Ainsi, le teneur de compte Y m’a indiqué que Monsieur L. pouvait débloquer, dès à présent, l’intégralité de ses avoirs en capital pour le motif « Départ à la retraite », conformément à ses souhaits.
La recommandation
J’ai examiné attentivement les éléments de ce dossier.
Le PERU permet de regrouper dans un dispositif unique le plan d’épargne retraite d’entreprise collectif (PERECO) et le plan d’épargne retraite obligatoire (PERO), avec pour objectif d’en simplifier la gestion.
En l’espèce, j’ai relevé que Monsieur L. avait été dûment informé par son nouveau teneur de compte Y du remplacement de ses plans d’épargne retraite (anciens PERCO et PERE/Contrat « article 83 ») en PERECO et en PERO, et de leur regroupement en PERU.
En revanche, Monsieur L. n’avait pas à donner son accord dans le cadre de ce remplacement, s’agissant d’une décision prise par son ancien employeur, en accord avec les instances représentatives du personnel de l’entreprise[1].
J’ai également noté que Monsieur L. aurait pu demander la liquidation de son PERCO avant son remplacement par un PERU, étant déjà à la retraite.
Cependant, j’ai constaté que Monsieur L. ne subissait aucun préjudice du fait du remplacement de son PERCO par un PERU, puisqu’il avait la possibilité de débloquer l’intégralité de ses avoirs, issus de l’ancien PERCO, en capital pour le motif « départ à la retraite », ce que rappelle d’ailleurs l’accord relatif au PERU mis en place par son ancien employeur, et qu’en outre la fiscalité restait inchangée.
Dans ces conditions, j’ai indiqué à Monsieur L. que sa demande d’indemnisation m’apparaissait sans objet, dans la mesure même où il avait obtenu la confirmation qu’il pouvait débloquer la totalité de ses avoirs disponible sur son PERU en capital conformément à son souhait.
En revanche, je lui ai transmis la fiche de déblocage « départ à la retraite » éditée par le teneur de compte, afin que ce dernier puisse faire le nécessaire le cas échéant.
La leçon à tirer
La loi PACTE a notamment pour objectif une simplification et une harmonisation de l’épargne salariale et de l’épargne retraite.
C’est la raison pour laquelle il est désormais possible de regrouper les nouveaux PERECO et PERO en un PERU afin de simplifier la gestion de l’épargne retraite[2].
Pour les entreprises, ce regroupement permet de conclure un seul contrat pour le PERECO et le PERO et d’en faciliter la gestion, regroupée entre les mains d’un seul teneur de compte.
Pour les salariés, cela permet de disposer d’un compte d’épargne salariale unique et d’avoir un seul interlocuteur.
Pour autant, même s’ils poursuivent un objectif louable de simplification, de tels changements peuvent être source d’inquiétude et d’incompréhension pour les épargnants, comme l’illustre ce dossier.
Ces derniers ont besoin d’être correctement informés - et si besoin rassurés - par leur teneur de compte s’agissant de l’évolution de leurs dispositifs d’épargne retraite et de la préservation de leurs droits.
En l’occurrence, comme cela a été rappelé à l’épargnant, dans le cadre du remplacement des anciens PERCO et PERE/Contrat « article 83 » en PERECO et en PERO, et de leur regroupement en PERU, seuls les droits correspondant à des versements obligatoires dans le PERO sont délivrés sous forme de rente viagère.
Les droits issus des autres versements placés sur le PERU peuvent toujours être libérés sous forme de rente viagère ou de capital conformément à l’article L.224-5, al. 1 du CMF.
Cet article prévoit toutefois une exception lorsque le titulaire a opté expressément et irrévocablement pour la liquidation de tout ou partie de ses droits en rente viagère à compter de l'ouverture du plan, point sur lequel les épargnants doivent donc être vigilants au moment de la souscription.
[ 1 ] En accord notamment avec les dispositions de l’articles L224-40 du CMF « […] L’employeur peut décider que le plan devient un plan d'épargne retraite d'entreprise collectif, après information et consultation du comité social et économique, dès lors que les signataires d'origine ne s'y opposent pas ».
[ 2 ] Article L.224-27 du CMF
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Responsable de la publication : Le Directeur de la Direction de la communication de l'AMF. Contact : Direction de la communication, Autorité des marchés financiers - 17, place de la Bourse - 75082 Paris Cedex 02