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Société en liquidation judiciaire : que faire de titres sans valeur dans son portefeuille ?
Comme j’ai déjà eu l’occasion de l’évoquer, régulièrement, je suis saisie de demandes de la part de clients qui souhaitent transférer ou clôturer leur compte-titres et qui, à cette occasion, rencontrent des difficultés résultant de la présence, dans leur portefeuille, de titres dont l’émetteur a été placé en liquidation judiciaire. Certaines avancées ont été obtenues, notamment en matière de PEA, sur ma proposition, en autorisant la sortie de titres sans valeur sans que cela ne constitue un retrait au sens de la réglementation fiscale[1], mais cette problématique récurrente subsiste. Toutefois, quelques possibilités existent comme je le rappelle dans le dossier que je vous présente ce mois-ci.
Les faits
Titulaire d’un compte-titres ordinaire, M. H. souhaitait obtenir la suppression d’une ligne de titres y figurant et dont l’émetteur français, la société X, autrefois cotée puis radiée, avait été placé en liquidation judiciaire de nombreuses années auparavant.
S’étant vu opposer un refus de la part de son teneur de comptes et n’en comprenant pas la raison, M. H. m’a saisie afin que ce dernier supprime la ligne en question.
L’instruction
J’ai pris l’attache du teneur de comptes de M. H. qui m’a tout d’abord indiqué que, selon les informations à jour à la date de sa réponse, la procédure de liquidation judiciaire prononcée le 18 décembre 2009 à l’encontre de la société X était toujours en cours.
Cet établissement précisait dans sa réponse que la conséquence du jugement d’ouverture de liquidation judiciaire est la valorisation nulle affectée au titre X, mais en aucun cas la suppression des titres du compte de M. H. Il ajoutait qu’une telle mesure ne pourrait être réalisée que lorsque la société X sera dissoute à la suite d’un jugement de clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d’actifs.
Or, le teneur de comptes soulignait n’avoir eu aucune communication d’un tel jugement de clôture de liquidation judiciaire, et constatait que la société X était toujours inscrite au Registre du commerce et des sociétés (RCS)[2].
Après une analyse attentive de ces éléments de réponse, la liquidation de la société X n’étant pas clôturée, il ne m’est pas apparu anormal que le teneur de comptes de M. H. n’ait pas été en mesure de supprimer cette ligne de son portefeuille.
Toutefois, je suis revenue vers le teneur de comptes afin de lui demander s’il avait éventuellement reçu des informations ou instructions de la part d’Euroclear, permettant la conversion au nominatif[3] des titres X. En effet, la mise au nominatif pur de ses titres permettrait de retirer la ligne du compte-titres de M. H. sans attendre la clôture des opérations de liquidation, sans conséquence fiscale préjudiciable, et d’éviter les droits de garde.
En réponse à cette demande, le teneur de comptes m’a indiqué qu’après avoir entrepris des démarches en ce sens, les 7 500 titres X que détenait M. H. avaient pu faire l'objet d'une inscription au nominatif pur et m’a transmis les éléments justificatifs à l’appui de cette indication.
La recommandation
J’ai fait part de ces éléments à M. H. et lui ai indiqué qu’à la suite de mon intervention, sa demande visant à supprimer la ligne X de son compte-titres ordinaire avait été satisfaite.
Je lui ai également précisé, s’agissant de l’imputation de sa moins-value, que l’article 150-0 D, 12 alinéa 2 du Code général des impôts autorise, par exception, c’est-à-dire sans attendre la clôture des opérations de liquidation, les titulaires d’un compte-titres ordinaire, porteurs de titres d’une société faisant l’objet d’une procédure collective, à procéder, de manière anticipée, à l’imputation de leurs moins-values sur des plus-values de même nature. Cette imputation peut intervenir dès l’année du jugement prononçant la liquidation judiciaire. Les contribuables qui entendent opter pour l’imputation anticipée de leur moins-value doivent se conformer aux dispositions de l’article 74-0 G du Code général des impôts[4].
La leçon à tirer
Rappelons que la radiation des titres d’Euronext et le fait que les titres soient, le plus souvent, déclarés « sans valeur », ne permettent pas, à eux seuls, de supprimer les titres visés d’un compte-titres. En effet, les titres ne peuvent être sortis des comptes des clients que lorsque la société n’a plus d’existence juridique, c’est-à-dire lorsqu’elle est dissoute à l’issue de la clôture de la liquidation judiciaire. Dans l’intervalle, qui peut durer de nombreuses années, la ligne est ainsi maintenue en portefeuille, même si elle est valorisée à zéro.
Dans l’attente, je regrette que certains teneurs de comptes (TCC) continuent à prélever des droits de garde et que les clients concernés peuvent se voir opposer un refus desdits professionnels lorsqu’ils demandent la clôture de leur compte. Je recommande donc que les professionnels, à l’avenir, proposent spontanément à leurs clients, sans attendre l’intervention du médiateur, les différentes options possibles : conservation des titres, désistement, cession pour un euro symbolique au teneur de comptes, conversion des titres au nominatif pur. Chaque option peut présenter des avantages et des inconvénients comme le récapitule le tableau ci- dessous :
Option* | Avantages | Inconvénients |
---|---|---|
Conservation des titres en portefeuille | Pour un compte-titres ordinaire : possibilité d’imputer de manière anticipée la moins-value en application de l’article 150-O D, 12 al. 2 du CGI et sous réserve de se conformer à la procédure prévue à l’article 74-0 G du même code. Spécificité pour le PEA : pas d’imputation anticipée. La plus ou moins-value s’apprécie de manière globale lors de la clôture du plan et correspond à la différence entre :
| Ligne susceptible d’être soumise au prélèvement de droits de garde jusqu’à clôture de la liquidation judiciaire - sauf à ce que le TCC n’en exonère les clients, dans le cas d’une bonne pratique qui tend à se généraliser. Il arrive que la ligne ne soit pas valorisée à zéro mais conserve, bien des années après, la dernière valorisation avant la radiation de cotation. Si le TCC prélève tout de même des frais, le Médiateur de l’AMF considère que l’établissement prend le risque de se voir contester le prélèvement au motif que la contrepartie existe mais qu’elle est illusoire ou dérisoire, les titres étant sans valeur (article 1169 du Code). Spécificité pour le PEA : La présence de titres, même valorisé à zéro, empêche la clôture du PEA, tant qu’ils n’en sont pas retirés. |
Désistement (ou abandon volontaire des titres par le client) | Permet de supprimer la ligne du portefeuille et présente donc un intérêt notamment lorsque la clôture du compte est précisément empêchée par la présence de titres dont l’émetteur est en liquidation judiciaire. | Le désistement vaut renonciation définitive à tout droit de créance éventuelle, présente ou future, relative aux titres abandonnés, y compris l’attribution d’un boni de liquidation et la possibilité éventuelle d’une imputation de moins-value. Ce désistement est fortement à déconseiller si l’imputation anticipée de la moins-value est préalablement intervenue. |
Cession pour 1€ symbolique au teneur de comptes | Solution négociée par le Médiateur à l’occasion d’un dossier. Permet de supprimer la ligne du portefeuille et présente donc un intérêt notamment lorsque la clôture du compte est précisément empêchée par la présence de titres en liquidation judiciaire. Evite d’avoir à créer un compte-titres à ce seul effet et de se voir, le cas échéant, prélever des droits de garde. Ne prive pas le client de la faculté d’imputer sa moins-value, s’il ne l’a pas déjà imputée de façon anticipée. | Pas d’inconvénient, cependant la solution n’est pas acceptée par tous les établissements, elle est examinée au cas par cas. |
Conversion des titres au nominatif pur | L’option de la conversion au nominatif pur entraîne de facto la sortie des titres de sociétés en liquidation du portefeuille du client évitant ainsi à celui-ci de supporter des droits de garde tout en sauvegardant ses intérêts dans la perspective d’une éventuelle indemnisation. Spécificité pour le PEA : en application de la loi Pacte (cf. article L. 221-32 IV du Code monétaire et financier), la sortie des titres de sociétés en liquidation des PEA est permise, sans frais, sans entraîner l’impossibilité d’effectuer de nouveaux versements ou la clôture du plan. Cette disposition permet au TCC de convertir ensuite les titres au nominatif pur, si les conventions de compte d’instruments financiers le permettent. | Procédure subordonnée à la réception par le teneur de comptes d’une « Securities info » de la part d’Euroclear France pour les informer de cette opération spécifique. |
* Certaines des options peuvent être plus complexes à mettre en œuvre s’agissant de valeurs étrangères
[ 1 ] Voir le dossier du mois de mai 2022 - PEA : les titres non cotés d’une société en liquidation judiciaire peuvent être retirés du plan sans en entraîner la clôture
[ 2 ] RCS : Le registre du commerce et des sociétés est une base de données regroupant toutes les personnes physiques et les personnes morales exerçant une activité commerciale. Toutes les entreprises dont l'activité est commerciale doivent obligatoirement s'y inscrire (immatriculation) sous peine de sanctions.
[ 3 ] Un actionnaire individuel a le choix pour conserver ses actions : soit directement auprès de la société (le nominatif pur), soit auprès d'un intermédiaire financier (le nominatif administré ou au porteur). Pour en savoir plus : Nominatif ou porteur ? Bien choisir le mode de détention de vos actions
[ 4 ] « Pour l’application des dispositions des 12 et 13 de l’article 150-0 D du code général des impôts, les contribuables doivent joindre à la déclaration spéciale des plus-values prévue à l’article 74-0 F :
a) Soit la copie d’un extrait d’un des jugements mentionnés au premier alinéa du 12 de l’article 150-0 D du code général des impôts ou au deuxième alinéa, en cas d’exercice de l’option prévue à cet alinéa, soit la copie de l’une des formalités assurant la publicité de ces jugements dans les conditions prévues à l’article R. 62 1-8 du code de commerce dont les dispositions sont applicables aux procédures de redressement judiciaire en vertu de l’article R. 63 1-7 du même code ;
b) Une copie d’un document justifiant du nombre de titres détenus à la date du jugement ;
c) Le montant des pertes constatées ainsi que les éléments nécessaires à leur détermination. »
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Responsable de la publication : Le Directeur de la Direction de la communication de l'AMF. Contact : Direction de la communication, Autorité des marchés financiers - 17, place de la Bourse - 75082 Paris Cedex 02