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Un ordre de bourse doit pouvoir être annulé ou modifié tant qu’il n’est pas exécuté

Un ordre de bourse doit pouvoir être annulé ou modifié tant qu’il n’est pas exécuté

Il arrive parfois que des investisseurs ne profitent pas de la possibilité d’annuler ou de modifier leur ordre, transmis au marché, alors qu’il serait encore temps, par exemple pendant la phase de réservation de cotation, pour éviter que celui-ci ne soit exécuté à un cours très différent de celui envisagé.

Mais qu’en est-il lorsqu’un client, voulant annuler son ordre, n’y parvient pas malgré la preuve de ses tentatives, faute de pouvoir joindre ce teneur de compte ?

Ce dossier du mois analyse cette mésaventure arrivée à un client, et qui s’est bien terminée en médiation.

Les faits

Le samedi 28 février 2020, à 5h01, M. X passe par internet deux ordres d’achat au marché de 800 et 2 000 actions A cotées sur Euronext Growth.

Le lundi 2 mars 2020 dès 9h, M. X tente de se connecter à l’espace bourse du site internet de son intermédiaire financier pour vérifier si ses ordres d’achat ont été exécutés. Il précise ne pas avoir pu se connecter, en raison de l’apparition sur le site d’un message indiquant un problème technique. Il explique avoir alors tenté de joindre le service clients par téléphone, en vain.

Vers 9h30, M. X découvre sur un site boursier que le cours de l’action A était passé à 25 €, soit une hausse de 145% par rapport au cours de clôture du 28 février 2020.

Dans les heures qui ont suivi, M. X a essayé d’annuler ses ordres, sans y parvenir. Il indique avoir alors contacté par téléphone une conseillère, mandataire de l’établissement en matière d’assurance, qui n’avait cependant pas les accès requis pour saisir l’annulation des ordres. Cette dernière a attesté par écrit avoir été saisie dans ce sens.

Selon les explications de M. X, la cotation du titre A a été suspendue jusqu’aux environs de 11h00. Il a alors envisagé que ses ordres n’avaient pas été exécutés en raison de l’insuffisance de provision.

Le lendemain, une fois les transactions mises à jour sur son espace personnel, M. X constate que le compte-espèces rattaché à son compte-titres présente un solde débiteur supérieur à 38.000€. Pensant d’abord qu’il s’agit d’une erreur, M. X comprend finalement que ses ordres ont été exécutés alors même que le solde créditeur était insuffisant. Puis, son intermédiaire financier lui a adressé un email l’enjoignant de combler le déficit sous peine de l’application de pénalités de retard.

Afin de comprendre la situation et de demander l’annulation des ordres d’achat, M. X s’est alors rapproché d’un conseiller de l’établissement qui lui a indiqué : « nous ne pouvons plus annuler les ordres une fois qu’ils ont été envoyés au marché ». Il lui a recommandé de vendre ses titres afin de combler le découvert.

Ne voyant aucune autre solution, M. X explique avoir cédé les 2 800 actions A, dont le cours avait fortement baissé, ainsi que l’essentiel de son portefeuille, afin de faire face au débit de son compte-espèces.

C’est dans ces conditions que M. X a sollicité mon intervention.

A l’appui de sa saisine, M. X précisait que s’il avait pu accéder à l’espace bourse en ligne, joindre un téléconseiller ou la salle de marché durant la période de réservation, il aurait annulé les deux ordres d’achat litigieux. Il demandait l’annulation des transactions passées le 29 février 2020 et exécutée le 2 mars 2020, ainsi que la restitution des sommes perdues en raison du dysfonctionnement du site internet et de la plateforme téléphonique.

L’instruction

Dans le cadre de l’instruction de ce dossier, je me suis rapprochée de l’établissement mis en cause qui m’a fait part de ses observations.

En premier lieu, l’établissement a confirmé les conditions dans lesquelles les ordres avaient été saisis. Il m’a également précisé que le contrôle de la provision disponible sur le compte-espèces a été calculé par rapport au dernier cours connu à la date de leur saisie, soit au cours de clôture du 28 février 2020 à 10,20€ augmenté d’une marge de précaution automatique fixée à 2%. L’établissement a ajouté qu’au moment de la saisie des ordres, une alerte était affichée sur les risques importants de fluctuation de cours et de liquidités sur cette valeur.

En second lieu, l’établissement a fait valoir que les ordres transmis au marché ne peuvent être annulés, conformément aux termes de l’article relatif aux caractéristiques des ordres, inclus dans ses conditions générales.

Le professionnel affirmait également ne pas avoir reçu d’appel de M. X et ne reconnaissait donc pas la volonté de ce dernier d’annuler les ordres avant que ceux-ci ne soient exécutés.

A réception de ces éléments, j’ai procédé à une analyse approfondie du dossier.

Dans un premier temps, j’ai constaté que le titre A avait fait l’objet d’une réservation de cotation de 9h00 à 11h03 en raison d’une forte demande entrainant l’augmentation du cours de l’action.

Dans un second temps, j’ai tenté de déterminer si, effectivement, un dysfonctionnement technique avait affecté le site internet et la plateforme téléphonique de l’intermédiaire financier. Sans précision du professionnel sur ces points, j’ai retenu le témoignage écrit qui m’a été adressé par l’agent mandataire et qui corroborait la volonté de M. X d’annuler les ordres litigieux durant la période de réservation et les difficultés que ce dernier avait rencontrées pour tenter de joindre l’établissement.

Enfin, j’ai pris l’attache de l’intermédiaire financier pour lui rappeler la teneur des règles de marché  harmonisées d’Euronext, et plus particulièrement la disposition selon laquelle un ordre peut être annulé tant qu’il n’a pas été exécuté(1). J’ai enfin attiré l’attention du professionnel sur le caractère manifestement erroné de ses conditions générales en ce qu’elles retenaient que l’ordre ne pouvait pas être annulé dès lors qu’il a été saisi par le client.

La recommandation

Au regard des pièces du dossier et du témoignage transmis, mais également compte tenu des règles de marché, il m’est apparu que M. X était en droit d’obtenir l’annulation de son ordre qui, bien que transmis au marché et enregistré dans le carnet d’ordres central, n’avait toujours pas été exécuté. L’établissement a alors accepté de procéder à l’intégralité du remboursement nécessaire.

La leçon à tirer 

Un ordre de bourse est avant tout un mandat donné par un client à son teneur de compte.

S’il est exact que la vérification de la provision, prévue par les conditions générales de la banque, a lieu lorsque l’ordre est donné et non lorsque l’ordre est exécuté, il n’en demeure pas moins que, tant qu’il n’est pas exécuté, l’ordre de bourse demeure annulable ou modifiable, comme d’ailleurs est révocable tout mandat donné en application de l’article 2004 du code civil. En matière d’ordre de bourse, cette faculté est expressément visée par les règles de marchés d’Euronext (Livre I n° 4202/4).

Il importe donc, à la fois, que les établissements teneurs de comptes, vérifient que leurs conditions générales n’indiquent pas le contraire par erreur, et que les investisseurs soient vigilants, comme a tenté de le faire ce client, en saisissant cette possibilité, et en le justifiant, pour éviter de mauvaises surprises qui peuvent se révéler très préjudiciables.

[ 1 ] Règles de Marché Euronext Livre I n°4202/4 Modification et annulation : Tout ordre produit dans le Carnet d’Ordres Central peut être modifié ou annulé tant qu’il n’a pas été exécuté. (…).