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Versement volontaire dans un Plan d’épargne retraite (PER) : les salariés doivent être mieux renseignés sur les conséquences fiscales de leur choix
La fiscalité des versements volontaires du nouveau plan d’épargne retraite (PER collectif), souvent avantageuse, recèle certaines particularités qu’il est important de bien connaître avant tout versement de ce type sur ce support.
Le dossier que je vous présente ce mois-ci offre une illustration très concrète d’une information déficiente du teneur de compte sur l’alternative fiscale ayant conduit à des déconvenues très importantes pour l’épargnante dont j’ai pu obtenir réparation à l’issue de la procédure de médiation.
Les faits
Madame G a souhaité en 2020 réaliser un versement volontaire sur son plan d’épargne retraite collectif (PER collectif) dont elle bénéficiait au titre de son contrat de travail. En effet, elle disposait de la somme de 40.200 euros suite à une vente immobilière, somme supérieure à ses revenus annuels.
Soucieuse des conséquences fiscales en cas de déblocage anticipé des sommes investies, ayant un projet futur d’acquisition immobilière de sa résidence principale, elle avait pris spécialement contact avec son teneur de compte d’épargne salariale en vue d’obtenir des informations précises au plan fiscal sur l’opération projetée.
Au cours d’un échange téléphonique, un collaborateur lui aurait confirmé qu’il était possible de réaliser un versement volontaire déductible sans que la somme retirée ne soit imposée en cas de déblocage anticipé.
Sur la base de ces informations, Madame G a donc procédé au placement volontaire de ses 40.200 euros qui a été déductible de ses revenus fin décembre 2020. En conséquence, son imposition sur les revenus 2020 a été ramenée à la somme de 0 euro lors de la déclaration de juin 2021 et la somme de 1.190 euros qui lui avait d’ores et déjà été prélevée au titre du prélèvement à la source lui a été intégralement remboursée.
En avril 2021, elle sollicitait le déblocage anticipé de cette somme suite à l’acquisition de sa résidence principale.
Or, lors de sa déclaration d’impôts sur les revenus 2021 réalisée en mai 2022, Madame G s’est aperçue que le montant débloqué était pré-rempli au sein de la case AI (traitements. Salaires, Pensions, Rentes) et que son imposition s’élevait à 12.018 euros.
Madame G s’est alors immédiatement rapprochée de son teneur de compte en vue d’obtenir des explications.
Ce dernier lui a alors confirmé que le montant placé ayant fait l’objet d’une déduction d’impôts à l’entrée, il a été automatiquement et dans son intégralité réintégré aux revenus imposables à la sortie.
Estimant avoir été victime d’un grave défaut d’information lors de son versement, Madame G m’a donc saisie afin que j’intervienne auprès de son teneur de compte pour résoudre ce litige.
L’instruction
Rappelons tout d'abord que je ne suis pas habilitée ni à interpréter des dispositions fiscales, ni à intervenir lorsque le grief est fiscal. Je peux, en revanche, me saisir du dossier si l’erreur de l’établissement, objet du litige, n’est pas fiscale mais qu’elle entraine des conséquences fiscales dommageables, ce qui m’a paru être le cas dans le dossier de Madame G. J’ai donc interrogé son teneur de compte en vue d'instruire le litige sous l'angle de l'information fournie à Madame G.
En réponse, cet établissement m’a indiqué qu’une fiche informative disponible sur son espace en ligne dédié aux épargnants reprend l’ensemble des règles fiscales applicables au PER.
J’ai constaté que cette fiche précise bien, s’agissant des versements volontaires déductibles lors du placement effectué sur un PER collectif, que ces derniers permettent d’obtenir une défiscalisation sur les revenus imposables au titre de l’année du versement mais, en contrepartie, que la ladite somme est alors fiscalisée en cas de rachat anticipé des avoirs notamment pour le motif « acquisition de la résidence principale ».
Toutefois, j’ai relevé que pour arrêter sa décision, Madame G ne s’est pas fondée sur les informations figurant sur le site internet de son teneur de compte mais a pris le soin de contacter, au préalable, le service client par téléphone afin d’obtenir les renseignements souhaités.
J’ai pu obtenir l’enregistrement téléphonique de l’échange ayant eu lieu en amont du versement litigieux que j’ai écouté attentivement.
Conformément à ce que Madame G m’avait indiqué dans son courrier de saisine, j’ai pu vérifier qu’au cours de cet entretien téléphonique, des informations clairement erronées - contraires à celles figurant sur le site internet du teneur de compte - lui avaient effectivement été longuement fournies. En effet, le téléconseiller avait affirmé à Madame G que son versement volontaire déductible ne serait pas fiscalisé en cas de déblocage anticipé pour acquisition de la résidence principale.
J’ai estimé que cette information erronée avait été déterminante dans le choix de Madame G de procéder à un versement volontaire déductible ce qui a conduit, dans son cas précis et car elle projetait de débloquer les avoirs en cause à bref délai, à un surplus d’imposition dont elle n’avait aucunement pu prendre la mesure.
La recommandation
Au vu des circonstances particulières de ce dossier, il m’est apparu que Madame G n’avait, à l’évidence, pas d’intérêt à bénéficier d’une économie d’impôts de 1.190 euros en 2020 (année de son versement) pour être, un an plus tard, imposée à hauteur de 12.018 euros (année de son déblocage) compte tenu de l’importance de son versement volontaire, supérieur à une année de revenus d’activités.
Tous les éléments en présence soulignent qu’elle aurait à l’évidence choisi de renoncer à la déduction à l’entrée si elle avait été correctement informée.
En lui fournissant des informations inexactes, j'ai considéré que le teneur de compte avait causé un préjudice direct à Madame G consistant en une perte de chance. Aussi, la probabilité qu’elle aurait alors choisi de ne pas être imposée à la sortie m’est apparue suffisamment forte pour être évaluée à hauteur de 90% de la perte induite.
J’ai donc estimé qu’il appartenait au teneur de compte d’indemniser Madame G à hauteur de 90% de son surplus d’imposition, déduction faite de l’avantage fiscal à l’entrée et de l’impôt dont elle était bien redevable au titre de ses revenus, soit la somme totale de 8 606 euros.
Le teneur de compte a accepté de procéder à ce versement au profit de Madame G.
La leçon à tirer
Outre l’erreur humaine commise par le conseiller, ce dossier révèle, selon moi, toute la complexité attachée à la fiscalité du PER s’agissant des versements volontaires, lesquels ne font d’ailleurs l’objet d’aucun plafonnement en leur montant[1].
Comme cela est rappelé sur le site dédié à la semaine de l’Epargne Salariale[2], le salarié peut choisir la déduction fiscale à l’entrée - au demeurant plafonnée - en fonction de sa tranche marginale d’imposition, de son besoin de réduire son imposition sur le revenu à l’instant T et de l’évolution de cette tranche que le salarié anticipe au moment soit de son départ à la retraite, soit de l’utilisation des cas de déblocages anticipés.
Il est également important de signaler qu’à défaut d’option, l’article L224-20 du code monétaire et financier prévoit que la déductibilité à l’entrée s’applique par défaut. En effet, le postulat à l’origine de cette règle repose sur le fait que l’imposition de l’épargnant sera généralement plus faible au moment de la levée de l’indisponibilité puisqu’elle survient, par principe, au moment du départ en retraite, souvent associé à une baisse significative des revenus.
Or, la réintégration du montant des versements volontaires dans l’assiette des revenus imposables peut s'avérer problématique notamment quand la levée de l’indisponibilité intervient à la suite d’un déblocage anticipé pour acquisition de la résidence principale. En effet, dans ce cas de figure, il faut le rappeler, les sommes versées – déduites des revenus imposables dans la limite du plafond d’épargne retraite[3] – sont réintégrées, et cette fois dans leur intégralité, aux revenus imposables, sans l’abattement forfaitaire de 10%, et ce alors même que cet événement peut survenir bien avant la retraite, à un moment où les revenus de l’épargnant sont égaux ou supérieurs à ce qu’ils étaient au moment du versement. Un surplus d’imposition, non anticipé et parfois très significatif, peut alors en résulter.
Dans ces circonstances, il m’apparaît nécessaire que l’information quant à l’alternative fiscale, claire, accessible et compréhensible des bénéficiaires, soit renforcée par les teneurs de compte, d'autant que les salariés peuvent être naturellement séduits par l'avantage fiscal immédiat résultant d'un versement volontaire déductible.
Cette information, qui prend déjà la forme d’une information seulement quérable chez plusieurs teneurs de compte d’épargne retraite (fiche pédagogique à disposition des épargnants sur leur site internet), devrait également être portable.
En effet, seule une information directement et personnellement délivrée à l’épargnant au moment de son versement volontaire serait de nature à lui permettre de faire un choix éclairé et de comprendre l’ensemble des conséquences fiscales attachées à la déductibilité des versements :
- En optant pour la déductibilité du versement volontaire, à l’entrée, le montant – dans la limite du plafond susmentionné – en sera immédiatement déduit des revenus imposables. En contrepartie, ce montant sera réintégré en totalité dans les revenus imposables de l’épargnant à la sortie, que celle-ci intervienne par l’effet du départ à la retraite ou à l’occasion d’un déblocage anticipé ;
- En choisissant, au contraire, la non déductibilité du versement volontaire, à l’entrée, l’épargnant ne bénéficie d’aucun avantage fiscal mais le montant de son versement est, en contrepartie, exonéré de la réintégration dans les revenus imposables au moment de la sortie.
Cette distinction ne peut être parfaitement appréhendée par les épargnants qu’à la suite d’une information spécifique, lisible et complète qui, seule, permettrait de prévenir d’éventuels contentieux pour des montants parfois importants. Et cela d’autant plus que le choix par défaut d’une déductibilité, à l’entrée, est prévue par les textes.
[1] Contrairement au PEE et au Perco, dispositifs sur lesquels les versements volontaires sont plafonnés à 25% des revenus annuels bruts du titulaire.
[2] Quelle est la fiscalité de mon épargne salariale ? | Semaine de l'épargne salariale (epargnesalariale-france.fr)
[3] Pour plus d'informations : Impôt sur le revenu - Cotisations d'épargne retraite (déduction) - Pour le plafond, voir la rubrique Quelles sont les limites de déduction des cotisations d'épargne retraite ?
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Responsable de la publication : Le Directeur de la Direction de la communication de l'AMF. Contact : Direction de la communication, Autorité des marchés financiers - 17, place de la Bourse - 75082 Paris Cedex 02