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Les teneurs de compte informés d’une purge du carnet d’ordres central par Euronext doivent en rendre compte aux clients concernés

Les teneurs de compte informés d’une purge du carnet d’ordres central par Euronext doivent en rendre compte aux clients concernés

Les prestataires de services d’investissement doivent transmettre ou exécuter les ordres des clients dans l'ordre de leur arrivée et avec célérité – à moins que la nature de l'ordre ou les conditions prévalant sur le marché ne rendent ceci impossible, ou que les intérêts du client n'exigent de procéder autrement. Ils doivent également informer les clients de détail de toute difficulté sérieuse susceptible d'influer sur la bonne exécution des ordres dès qu'ils se rendent compte de cette difficulté au risque de les exposer à des pertes d’opportunités boursières, comme ce fut le cas ici. 

Ainsi, une purge du carnet d’ordres central, sur décision d’Euronext, doit être considérée comme une difficulté sérieuse susceptible d'influer sur la bonne exécution des ordres et le teneur de compte se doit, dès qu’il a connaissance d’un tel évènement, de prévenir ces clients pour leur offrir l’opportunité de repasser leurs ordres dans les meilleurs délais.  

Les faits

Monsieur D., dans sa saisine, m’a informée avoir passé un ordre de vente de 1000 actions V. en date du 30 mars 2022, au cours limité de 18 euros, et avoir attribué à cet ordre une validité « mois », donc une date de fin de validité fixée au 30 avril 2022[1].

Toutefois, Monsieur D. m’indique avoir constaté, en date du 14 avril, que la vente de ses actions V. n’était pas intervenue, alors même que la limite de cours – à 18 euros –, appliquée à son ordre, avait bien été atteinte.

Dans ce contexte, Monsieur D. a interrogé son teneur de compte, l’établissement X., qui lui a répondu qu’une purge du carnet d’ordres était intervenue et qu’à cette occasion, son ordre avait été annulé.

N’ayant pas été prévenu d’une telle purge, Monsieur D. a fait valoir dans sa demande de médiation, que sans information concernant ladite purge, son ordre de vente aurait dû être exécuté. Monsieur D. considérait, par conséquent, que l’établissement X. avait commis une faute.

A la suite de cet évènement, le cours de l'action ayant chuté, Monsieur D. m’a indiqué avoir revendu ses actions V. au cours de 11,03 euros afin de ne pas subir davantage de pertes.

Concernant son préjudice, Monsieur D. demandait le remboursement de la différence entre le cours de 11,03 euros auquel ses titres avaient été vendus et le cours auquel ses titres auraient dû l’être si son ordre n’avait pas été annulé, soit 7770 euros au total.

C’est dans ce contexte que Monsieur D. m’a saisie, afin de solliciter la réparation du préjudice qu’il estimait avoir subi du fait de l’annulation – sans information préalable – de son ordre, en raison d’une purge du carnet d’ordres.

L’instruction

J’ai interrogé le teneur de compte X. afin de connaître les circonstances de la purge du carnet d’ordres ayant entrainé l’annulation de l’ordre de vente de Monsieur D.

Dans sa réponse, l’établissement X. a précisé que l’ordre, saisi le 30 mars 2022 par Monsieur D., n’avait pas été annulé le 14 avril comme ce dernier avait pu le penser mais, était « tombé » en raison d’une purge du carnet d’ordres central prévue en date du 31 mars 2022.

Selon l’établissement, Euronext avait publié un avis à destination des teneurs de comptes, en date du 18 mars 2022, informant de sa décision de modifier les pas de cotation de certaines valeurs, incluant l’action V., et de la purge du carnet d’ordres central, le 31 mars 2022, résultant de cette mise à jour.

L’établissement X. m’a informée du fait que la purge du carnet d’ordres central, réalisée par Euronext, n’avait pas fait l’objet d’une communication par l’établissement auprès de sa clientèle.

Selon l’établissement X., il appartenait à Monsieur D. de saisir une nouvelle instruction dès lors que celui-ci constatait que son ordre ne figurait plus sur le carnet.

Pour conclure, l’établissement X. m’a indiqué, dans un premier temps, qu’il ne souhaitait pas répondre favorablement à la demande de dédommagement de Monsieur D.

La recommandation

J’ai examiné attentivement les éléments de ce dossier.

En l’espèce, j’ai relevé que Monsieur D. avait transmis un ordre de vente de 1000 actions V. le 30 mars 2022 au cours limité de 18 euros, avec une date de fin de validité fixée au 30 avril 2022. En principe, ledit ordre était donc bien valable, sauf exécution ou annulation, jusqu’au 30 avril 2022.

Il m’est apparu que l’ordre litigieux avait bien été intégré au carnet d’ordres d’Euronext, sans être exécuté immédiatement. Or, le carnet avait effectivement subi une purge de la part d’Euronext avant que l’ordre n’ait pu être exécuté, et cela sans que Monsieur D. ne soit destinataire d’aucune information à ce sujet de la part de l’établissement X.

Une purge du carnet d’ordres central a pour effet la suppression, par l’entreprise de marché, des ordres en attente d’exécution dans le carnet d’ordres central. Certaines opérations sur titres ou opérations administratives conduisent, en effet, à l’annulation des ordres en carnet. Ces règles spécifiques sont prévues par l’instruction Euronext N4-01, plus communément connue sous le nom de Manuel de négociation (article 2.7 ORDER MODIFICATION OR CANCELLATION).

Dans ce contexte, j’ai tout d’abord relevé que l’article 67(1)(c) du règlement délégué européen sur les exigences d’organisation et les conditions d’exercice des entreprises d’investissement (2017/565) prévoit que les prestataires de services d’investissement se doivent d’informer leurs clients de détail de toute difficulté sérieuse susceptible d'influer sur la bonne exécution des ordres dès qu’ils se rendent compte de cette difficulté.

La question était donc de savoir si l’établissement X avait bien lui-même été informé préalablement à la purge qui allait intervenir sur le carnet d’ordres.

En effet, en principe, lors d’une purge de carnet d’ordres, Euronext transmet une notice à ses membres afin de les informer de la nécessité de renouveler les ordres clients. Cette information est également disponible librement sur le site d’Euronext.

En l’espèce, au regard des documents qui m’ont été transmis, il m’est apparu que l’établissement X. avait bien été informé de cette purge en date du 18 mars 2022. 

Ainsi, ayant été informé de ce que les ordres de ses clients allaient être supprimés du carnet d’ordres, j’ai considéré que l’établissement X. aurait dû les en informer comme le prévoit le règlement délégué, afin que ceux-ci aient l’opportunité de renouveler leurs instructions.

Au regard des éléments évoqués précédemment, il m’a semblé incorrect que l’établissement X. puisse considérer qu’une purge du carnet d’ordres central réalisée par Euronext, ne doive pas faire l’objet d’une communication auprès de sa clientèle.

Par ailleurs, concernant le fait que selon l’établissement X., il appartenait à Monsieur D. de saisir un nouvel ordre. Monsieur D. n’ayant pas été informé de ladite purge, il n’avait pas été en mesure de le faire. En outre, en l’absence de confirmation de l’exécution de son ordre, et dans la mesure où ce dernier était valable jusqu’au 30 avril 2022, il m’est apparu que M. D. avait pu légitiment penser que celui-ci n’avait pas encore été exécuté.

En conséquence, j’ai indiqué à l’établissement X. qu’il était opportun que Monsieur D. soit dédommagé du fait d’avoir été dans l’impossibilité – faute d’avoir été informé par l’établissement X. de la tombée de son ordre en date du 31 mars 2022 – de réaliser une vente de ses 1 000 titres V. au cours minimal de 18 euros, soit à la limite fixée par le client, atteinte le 14 avril ainsi que j’ai pu le vérifier.

J’ai donc proposé à l’établissement X. de procéder au dédommagement du client pour un montant de 7700 euros, ce qui a été accepté.

La leçon à tirer  

Les prestataires de services d’investissement doivent certes transmettre ou exécuter les ordres des clients dans l'ordre de leur arrivée et avec célérité – à moins que la nature de l'ordre ou les conditions prévalant sur le marché ne rendent ceci impossible, ou que les intérêts du client n'exigent de procéder autrement – mais doivent également informer les clients de détail de toute difficulté sérieuse susceptible d'influer sur la bonne exécution des ordres dès qu'ils se rendent compte de cette difficulté.

Ainsi, une purge du carnet d’ordres doit être considérée comme une difficulté sérieuse susceptible d'influer sur la bonne exécution des ordres et le teneur de compte se doit, dès qu’il a connaissance d’un tel évènement, de prévenir ces clients pour leur offrir l’opportunité de repasser leurs ordres dans les meilleurs délais.

En outre, ce dossier a pu aboutir favorablement du fait que Monsieur D. avait affecté à son ordre une validité « mois ». Son ordre était donc encore valable après la purge. Tel n’aurait pas été le cas si son ordre n’avait été valable qu’à la journée puisque dans ce dernier cas, l’ordre serait tombé à la fin de la journée de bourse du 30 mars 2022.

Les investisseurs doivent prêter attention aux durées de validité affectées à leurs ordres d’autant plus que celles au mois ou à révocation peuvent ne pas avoir exactement le même sens selon les conditions générales des établissements. 

[ 1 ] L’établissement X précise dans sa convention de compte que sauf stipulation contraire de la part du client, les ordres transmis pendant les quatre jours de bourse précédant la fin du mois ont une durée de validité allant jusqu’à la fin du mois suivant. En l’espèce, Monsieur D. ayant transmis son ordre le 30 mars, soit dans les 4 jours précédant la fin du mois, celui-ci était donc valable jusqu’au 30 avril.