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Quand le régime matrimonial change le calcul d’une plus ou moins-value
En présence d’un régime matrimonial de communauté universelle avec clause d’attribution intégrale, le patrimoine du couple est entièrement attribué au conjoint survivant.
Ainsi que l’illustre le dossier que je vous présente ce mois-ci, la question se pose alors de savoir quel prix d’acquisition retenir pour le calcul des plus ou moins-values de cession de valeurs mobilières dues par le conjoint survivant en cas de vente des titres reçus.
Les faits
Madame T m’a indiqué que son époux détenait des actions de la société X, inscrites sur un compte-titres ordinaire, qui lui sont revenues après le décès de celui-ci en 2012.
La société X a récemment procédé à un retrait obligatoire[1] conduisant à une vente des actions au profit de l’émetteur et déclenchant pour le titulaire la fiscalité des plus-values de cession. Toutefois, Madame T mettait en cause le document de calcul de la plus-value établi par son teneur de compte lors du retrait obligatoire des actions de la société X.
En réponse à sa réclamation, le teneur de compte lui a indiqué que le prix d’acquisition moyen pondéré (PAMP) à prendre en compte pour le calcul de la plus ou moins-value n’était pas le prix d’achat initial des actions, mais le cours de celles-ci au jour du décès de son époux.
Or, Mme T faisait valoir qu’elle et son époux étaient mariés sous le régime de la communauté universelle de sorte que, selon elle, la valeur à prendre en compte était celle du jour de l’acquisition des actions X par son mari.
Selon que le PAMP retenu était le cours de l’action X au jour de l’acquisition ou au jour du décès de M. T, il en résultait pour Mme T soit une moins-value dans la première hypothèse, soit une plus-value imposable dans la seconde.
Sa demande de rectification ayant été rejetée par le professionnel, Madame T a sollicité mon intervention.
L’instruction
J’ai interrogé le teneur de compte et lui ai rappelé qu’en présence d’un régime matrimonial de communauté universelle assorti d’une clause d’attribution intégrale, le patrimoine du conjoint prédécédé revient dans sa totalité au conjoint survivant. Ainsi, il n’y a d’ouverture de succession qu’au décès du second conjoint.
En outre, le Bulletin officiel des impôts (BOFIP) dans sa partie « Plus-values sur biens meubles incorporels-Base d’imposition-Calcul du gain net de cession-Prix ou valeur d’acquisition-Prix d’acquisition à titre gratuit » spécifie bien que lorsque l’avantage matrimonial est constitué au profit du conjoint survivant par l’effet d’une convention de mariage, le gain de cession des titres recueillis au titre de cet avantage matrimonial est calculé à partir de la valeur d’acquisition originelle des titres.
Ainsi, j’ai indiqué au teneur de compte que la valeur à retenir dans le calcul du PAMP n’était pas la valeur des titres au jour du décès de M. T mais bien la valeur des titres au jour de leur acquisition originelle, étant précisé que le dossier n’a pas fait apparaitre d’opérations sur titres qui auraient eu depuis un impact sur le prix de revient de cette ligne d’actions.
En réponse à ma demande, le teneur de compte m’a confirmé que le régime de communauté universelle des époux T était assorti d’une clause d’attribution intégrale au profit du conjoint survivant.
Le professionnel a reconnu avoir attribué, à tort, aux actions X, lors de leur transfert au nom de Mme T en 2012, un PAMP correspondant à leur valeur au jour du décès de M.T.
La recommandation
Le professionnel a donc accepté d’éditer un imprimé fiscal unique (IFU) rectificatif au nom de Mme T, afin qu’elle puisse justifier auprès du Trésor public de sa demande de remboursement d’impôt sur la plus-value, prélevé indûment au titre du retrait obligatoire des actions X.
En effet, compte tenu de la rectification opérée, Madame T avait en réalité enregistré 3.456,55€ de moins-values et non 400,08€ de plus-values annoncées à tort et ayant généré une imposition indue à hauteur de 140 euros que le professionnel a proposé de rembourser à titre de geste commercial.
La leçon à tirer
Tout d’abord, même si l'AMF n’a aucune compétence en matière de fiscalité et que je ne suis pas habilitée ni à interpréter des dispositions fiscales, ni à intervenir lorsque le grief est purement fiscal, je peux, en revanche, me saisir du dossier si l'erreur de l'établissement mis en cause, objet du litige, n'est pas fiscale mais qu'elle a des conséquences fiscales, ce qui était précisément le cas dans ce dossier (conséquence du régime matrimonial).
Par ailleurs, comme j’ai eu l’occasion de le rappeler dans mon Journal de bord en novembre 2020, dans le cadre du régime de la communauté universelle, tous les biens, présents et à venir, quelle que soit leur date d’acquisition ou leur origine, sont mis en commun. La mise en place d’une clause d’attribution intégrale permet d’assurer l’avenir du conjoint survivant en lui attribuant la totalité de la masse commune au premier décès, sans qu’aucune formalité ne soit à remplir.
Le conjoint survivant devient donc pleinement propriétaire des titres composant le portefeuille d’actions du conjoint prédécédé, de façon rétroactive au jour de leur acquisition. Cette particularité implique donc, sur le plan fiscal, que la valeur à retenir pour le calcul des plus ou moins-values soit celle de l’acquisition originelle des titres, et non leur valeur au jour du premier décès.
Signalons que la situation aurait été différente en présence non pas d’un compte-titres mais d’un PEA. En effet, le décès du titulaire, quel que soit le régime matrimonial, entraine la clôture du plan[2] qui ne peut être transféré tel quel. Il appartient alors aux héritiers de décider du sort des titres composant le portefeuille du défunt. Ils peuvent choisir de les conserver sur un compte-titres ouvert à cet effet ou bien préférer les vendre. Dans ce cas, la valeur des titres à retenir pour le calcul des prélèvements sociaux est celle au jour du décès du titulaire et non celle de leur date d’acquisition.
[ 1 ] Le retrait obligatoire consiste dans le transfert automatique à l’actionnaire majoritaire de l’ensemble des titres non apportés par les minoritaires à l’issue d’une offre publique. Ce transfert s’accompagne du versement d’une indemnité égale au prix offert lors de l’offre précédente.
[ 2 ] Le PEA doit être clos au décès du titulaire mais sa clôture ne vaut pas ordre de liquidation (https://www.amf-france.org/fr/le-mediateur/journal-de-bord-du-mediateur/dossiers-du-mois/le-pea-doit-etre-clos-au-deces-du-titulaire-mais-sa-cloture-ne-vaut-pas-ordre-de-liquidation)
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Responsable de la publication : Le Directeur de la Direction de la communication de l'AMF. Contact : Direction de la communication, Autorité des marchés financiers - 17, place de la Bourse - 75082 Paris Cedex 02