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Droit préférentiel de souscription : bien informer les investisseurs, même non actionnaires

Droit préférentiel de souscription : bien informer les investisseurs, même non actionnaires

Lors d’une opération sur titres, un teneur de comptes peut anticiper la date de clôture de la période de souscription. Encore faut-il que les investisseurs soient informés de façon adéquate. De quelle façon les teneurs de comptes doivent-ils fournir cette information aux investisseurs, y compris non actionnaires, souhaitant participer à une augmentation de capital ?

C’est la question à laquelle j’ai été amenée à répondre dans ce dossier.

Les faits

M. G. a acquis sur le marché, entre le 29 mai et le 2 juin 2020, des droits préférentiels de souscription (DPS) de la société L.

Le 9 juin 2020, il a souhaité exercer ses DPS mais le service clients de son teneur de comptes lui a répondu que la période de souscription avait été clôturée le 5 juin 2020 de telle sorte qu’il ne pouvait plus exercer ses droits.

M. G. estime que la clôture n’aurait pas dû intervenir avant le 9 juin 2020 conformément aux informations figurant dans la note d’opération diffusée par la société et visée par l’AMF. Il se prévaut du calendrier de l’opération qui était le suivant :

25 mai : Détachement des DPS et ouverture de la période de négociation des DPS sur le marché

27 mai : Ouverture de la période de souscription à l’augmentation de capital (période d’exercice des DPS)

5 juin : Clôture de la période de négociation des DPS (fin de la période de cotation)

9 juin : Clôture de la période de souscription.

M. G., s’estimant victime d’un dysfonctionnement de la part des services de son teneur de comptes, m’a saisie afin d’obtenir l’indemnisation de son préjudice résultant du non-exercice de ses DPS.

L’instruction

J’ai interrogé ce teneur de comptes qui m’a confirmé avoir reçu la demande d’exercice des DPS de M. G. le 9 juin 2020 et l’avoir refusée à cette même date, puisque, selon lui, hors délai.

L’établissement m’a certes confirmé que le calendrier officiel tel qu’arrêté par la société L indiquait bel et bien une clôture de la période de souscription au 9 juin. Néanmoins, l’établissement m’a indiqué qu’une date antérieure de clôture de la période de souscription à l’augmentation de capital avait été fixée au sein de cet établissement, à savoir le 5 juin, soit 2 jours ouvrés avant la clôture officielle de la période de souscription.

En effet, le teneur de comptes m’a précisé que, depuis l’harmonisation européenne des opérations sur titres, les teneurs de comptes sont en droit d’aménager la date limite de réponse afin de sécuriser les traitements. En l’espèce, le teneur de comptes avait fixé une date limite d’exercice des DPS à J-2 jours ouvrés de la date officielle.

Afin d’en informer les clients, le teneur de comptes explique avoir mis en place un « pop-up », c’est-à-dire une fenêtre d’alerte sur son site, sur la page de la fiche valeur concernée, visible dès l’acquisition du DPS. Cette fenêtre d’alerte rappelait que les délais de souscription pouvaient être réduits et détaillait le calendrier de l’opération sur titres de la société L, en particulier la période de souscription qui, dans cet établissement, s’étendait du 27 mai au 5 juin 2020 inclus.

En conséquence, l’établissement m’a indiqué qu’il considérait n’avoir commis aucune faute dans le traitement de la demande de M. G.

La recommandation

J’ai examiné attentivement les éléments de ce dossier.

Rappelons tout d’abord qu’à l’occasion d’une augmentation de capital, les actionnaires de la société concernée peuvent se voir attribuer des droits préférentiels de souscription (DPS) au prorata de leur participation au capital.

Ils peuvent alors, à leur convenance, soit les exercer, c’est-à-dire souscrire à de nouvelles actions à prix réduit avant la fin de la période de souscription, soit les vendre sur le marché pendant toute la période de négociation des droits (période de cotation), puisque les DPS sont eux-mêmes cotés en bourse.

Les DPS non exercés peuvent alors s’échanger sur le marché et être acquis par des investisseurs, ce qui était le cas en l’espèce, investisseurs qui pourront alors participer à l’augmentation de capital en les exerçant et devenir ainsi actionnaires de la société.

Comme je l’indiquais déjà dans le dossier du mois de mars 2017 ainsi que de façon beaucoup plus complète dans mon rapport annuel 2017 (p. 32-35), l’article L. 225-132 du Code de commerce tel que modifié par l’ordonnance du 31 juillet 2014 (n°2014-863) prévoit que la période de négociation des DPS s’ouvre deux jours avant la période de souscription et se termine donc également deux jours avant. Il faut ajouter, en outre, que les teneurs de compte peuvent, pour des raisons administratives et techniques, également réduire le délai de réponse relatif à l’exercice des DPS, de façon à être en mesure de disposer du temps nécessaire pour traiter les souscriptions à l’augmentation de capital.

La question posée dans ce présent dossier n’était donc pas celle de la validité du procédé mais celle de l’information délivrée à l’investisseur.

Je vérifie dans un premier temps la qualité de cette information traditionnellement au travers de l’avis d’opération sur titres qui est adressé à l’actionnaire.

Toutefois, en l’espèce, l’avis d’opération sur titres ne pouvait pas résoudre la question puisque ces avis, dans le cadre d’une augmentation de capital, sont personnellement et seulement adressés aux actionnaires bénéficiaires de DPS antérieurement à l’opération. Or, M. G. n’était pas actionnaire de la société antérieurement à l’opération mais avait acquis ses DPS, sur le marché, pendant la période de négociation des droits.

Néanmoins, j’estime qu’une fenêtre d’alerte qui s’ouvre automatiquement dès lors que la fiche de la valeur en question est consultée constitue une information claire, faisant apparaitre sans équivoque que la date de clôture des opérations de souscription et donc d’exercice des DPS était, en l’espèce, fixée au 5 juin 2020, au sein de cet établissement.

J’en suis ainsi arrivée à la conclusion qu’aucun dysfonctionnement ne pouvait être imputé au teneur de comptes concernant la demande tardive de l’investisseur.

La leçon à tirer

En cas de changement du calendrier d’une opération sur titres, les teneurs de comptes doivent en alerter chaque investisseur susceptible de participer à celle-ci. Pour ce faire, la mise en place d’un « pop-up », c’est-à-dire d’une fenêtre d’alerte sur son site, visible dès l’acquisition du DPS, comme cela été fait par ce teneur de comptes, me semble être une bonne pratique. En effet, de cette façon, toute personne intéressée par l’achat des DPS aura immédiatement accès à l’information.

Bien entendu, cette information n’exclut pas celle qui doit être personnellement délivrée aux actionnaires au travers de l’avis d’opération sur titres qui leur est adressé.

Par ailleurs, il incombe aux investisseurs d’être attentifs aux messages d’alerte qui s’affichent puisque c’est ce calendrier modifié qui a vocation à s’appliquer en lieu et place de celui initialement arrêté par la société.