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Transfert d’un plan d’épargne retraite : quand une information incomplète entraîne une situation de blocage

Transfert d’un plan d’épargne retraite : quand une information incomplète entraîne une situation de blocage

La loi Pacte de 2019 a rendu possible le transfert de différents produits d’épargne retraite existants, par exemple d’un ancien produit vers le nouveau plan d’épargne retraite (PER), y compris le PER d’entreprise collectif (dénommé PERECO ou PERCOL), qui succède à l’ancien PERCO.

Des informations précises sur l’historique et la catégorie des sommes épargnées, propres à calculer leur régime fiscal, sont exigées. A défaut, le transfert ne peut être réalisé chez le nouveau gestionnaire. Ces délais supplémentaires peuvent être préjudiciables pour l’épargnant, comme c’était le cas dans ce dossier du mois.

Les faits

Madame R. était titulaire d’un PER individuel ouvert auprès de la compagnie d’assurance X. Elle en a demandé le transfert, afin de regrouper ses produits d’épargne retraite, vers son PERCOL détenu auprès de son teneur de compte d’épargne salariale Y, le 2 février 2021.

Sans nouvelle de ce gestionnaire et après contact avec l’assureur, Madame R. informe le 7 juillet 2021 le gestionnaire de ce que, le 22 mars 2021, la compagnie d’assurance X a bien viré la somme de 27.846,71 € vers le teneur de compte d’épargne salariale Y.  

Entre le 7 juillet 2021 et le 25 décembre 2021, le teneur de compte d’épargne salariale Y indique à Madame R. rester dans l’attente d’un retour complémentaire de la compagnie d’assurance X pour finaliser sa demande de transfert.

Le 25 décembre 2021, le transfert est enfin effectif, occasionnant un manque à gagner important pour Madame R., car elle avait demandé, dès le 2 février 2021, que la somme transférée soit investie dans le FCPE Z, qui s’est révélé être très performant.

C’est dans ces circonstances que Madame R. me saisit. En effet, d’après ses calculs, entre le 25 mars et le 25 décembre 2021, le FCPE Z avait enregistré une performance de 12,63 %. Elle estime donc avoir subi un manque à gagner équivalent, dont elle souhaite être dédommagée par le teneur de compte Y, qu’elle tient pour responsable du délai, et auprès de qui elle avait effectué une réclamation préalable.

L’instruction

J’ai interrogé le teneur de compte Y qui m’a confirmé avoir reçu, le 2 février 2021, un bulletin de demande de transfert de Madame R. relatif à ses avoirs détenus par la compagnie d’assurance X.

Si la somme elle-même a été virée par la compagnie d’assurance le 24 mars 2021, l’intitulé du virement ne permettait pas de connaître les références suffisantes liées au placement du salarié concerné. Les services du teneur de compte Y n’ont relancé la compagnie d’assurance X que le 9 septembre 2021, puis plusieurs fois par mails, jusqu’au 30 novembre 2021. Le 4 décembre 2021, une réponse est apportée par la compagnie d’assurance X, mais avec des informations manquantes, pourtant indispensables à l’application de la fiscalité adéquate, notamment :

  • La nature des compartiments d’origine (versement volontaire, épargne salariale ou bien versement obligatoire) ;
  • Le montant net et le montant brut transférés.

Le 15 décembre 2021, la compagnie d’assurance X indique au teneur de compte Y que les fonds sont issus d’un contrat PER et que l’ensemble des versements est affecté au compartiment des versements volontaires déductibles. Le placement peut alors seulement être réalisé.

Au regard de ces éléments, le teneur de compte Y a estimé qu’aucun dysfonctionnement dans le traitement de cette opération ne relevait de ses services et m’a indiqué refuser de prendre en charge le manque à gagner dont se prévalait Madame R.

La recommandation

J’ai examiné les éléments de ce dossier.

L’article L. 224-40 du Code monétaire et financier, issu de la loi Pacte, oblige le gestionnaire d’origine à communiquer au teneur de compte bénéficiaire la répartition précise de l’origine des sommes transférées. En effet, en fonction de leur provenance (versements volontaires [déductibles/non déductibles], cotisations obligatoires, épargne salariale), les sommes sont logées dans trois compartiments différents, qui ont chacun leur fiscalité propre. L’information sur l’origine des sommes placées sur un PER est donc obligatoire pour l’établissement destinataire.

Il m’est alors apparu qu’en l’absence de ces informations, le teneur de compte Y avait effectivement été dans l’impossibilité de finaliser le transfert du plan.

Néanmoins, j’ai également constaté que, si de nombreuses relances avaient été effectuées par le teneur de compte Y entre septembre et décembre 2021, il n’en était rien sur la période allant de mars à septembre 2021, soit pendant près de six mois, et ce malgré de nombreuses relances de la part de Madame R. A ce titre, j’ai considéré que le teneur de compte Y avait manqué à son obligation de diligence.

Au vu de ces éléments, j’ai donc considéré qu’un partage de responsabilité devait être retenu sur ce dossier et j’ai procédé à une évaluation précise du préjudice, en me fondant sur la performance du fonds FCPE Z.

Pour ce faire, je me suis attachée à ne retenir que la période où je considère que le teneur de compte Y a manqué de diligence, soit du transfert des fonds jusqu’au moment où les relances ont commencé (du 22 mars 2021 au 9 septembre 2021), d’où il ressortait une performance du FCPE Z de 10,5 %.

En retenant cette performance, j’ai alors évalué le préjudice de la manière suivante :

27.846,71 € x 10,5 % / 2 = 1.500 €

J’en ai informé Madame R. et le teneur de compte Y, qui ont accepté ma proposition.

Enfin, j’ai rappelé à Madame R. que la compagnie X était une mutuelle d’assurance, entité non régulée par l’AMF, et que pour cette raison je n’étais pas habilitée à saisir cet établissement pour recueillir ses observations et obtenir, le cas échéant, un dédommagement dans le cadre d’une procédure de médiation avec le médiateur de l’AMF.

RAPPEL *

L'article 71 de la loi Pacte du 22 mai 2019, entrée en vigueur le 1er octobre 2019, a instauré un mécanisme de transfert des droits d'un PER à un autre, inscrit à l'article L 224-6 nouveau du Code monétaire et financier.

Il est possible de transférer les droits individuels en cours de constitution correspondant à des versements volontaires ou à des sommes issues de l'épargne salariale à tout moment vers tout autre PER.

Le transfert n'emporte pas modification des conditions de leur rachat ou de leur liquidation (C. mon. fin. art. L 224-6 al. 1). Cette règle suppose que tout PER soit constitué de 3 compartiments correspondant aux 3 types de versements déterminés à l'article L 224-2 du Code monétaire et financier, pour que puissent leur être appliqués les conditions différenciées de rachat, liquidation, transfert et les différents régimes sociaux et fiscaux.

L'idée est que les droits des titulaires ne soient pas « prisonniers » des plans dans lesquels ils ont été constitués, mais que les intéressés puissent les déplacer facilement d'un dispositif à un autre en fonction des évènements de leur vie professionnelle et des performances respectives des différents PER.

Attention néanmoins, l’article L. 224-40-III du Code monétaire et financier prévoit que ce type de transfert n’est prévu que dans la limite d’un transfert tous les trois ans.

* Éditions Francis Lefebvre - Feuillet Rapide Social 19/19 (Réforme de l'épargne retraite : paru le 12/09/19)

La leçon à tirer

La possibilité de transférer les produits d’épargne retraite est au cœur des dispositions de la loi Pacte. En fonction de leur provenance, les sommes sont placées dans trois compartiments différents (versements volontaires, épargne salariale et versements obligatoires), qui ont chacun leur fiscalité propre.

Le teneur de compte d’origine doit délivrer des informations précises au nouveau teneur de compte, notamment celles relatives à l’origine et à la catégorie des sommes placées sur le PER. En leur absence, le transfert ne peut être achevé ce qui peut générer un préjudice pour l’épargnant.

Il est important également que le nouveau teneur de compte informe le teneur de compte d’origine en cas de situation de blocage.

Enfin, ce dossier permet de rappeler le champ de compétences du Médiateur de l’AMF, qui ne peut en aucun cas intervenir lorsque le mis en cause est une compagnie d’assurance, mais seulement auprès du teneur de compte gestionnaire régulé par l’AMF.