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Un nouveau système pour la répression des abus de marché en France

La loi du 21 juin 2016 réformant le système de répression des abus de marché instaure un système nouveau de répression des abus de marché en droit français, répartie entre, d'une part, le juge pénal, et, d'autre part, l'Autorité des marchés financiers.

Pourquoi le système de répression des abus de marché a-t-il été modifié ?

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 18 mars 2015, a, à l’occasion d’une question prioritaire de constitutionnalité posée dans le cadre du volet pénal de l’affaire EADS, jugé que le système alors en vigueur, qui permettait que les mêmes personnes soient sanctionnées pour les mêmes faits, à la fois par le juge pénal et par la Commission des sanctions de l’AMF, était contraire au principe de nécessité des délits et des peines résultant de l’article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Le Conseil constitutionnel a reporté l’abrogation des dispositions légales critiquées (articles L. 621-15 et L. 465-1 du code monétaire et financier) au 1er septembre 2016, afin de laisser le temps au législateur français de légiférer et que des poursuites puissent encore être engagées ou continuées.

Pendant cette période dite transitoire, le Parquet national financier, qui est le Parquet qui a compétence spéciale pour traiter des affaires boursières, et l’Autorité des marchés financiers, se sont concertés afin que les dossiers en cours ne fassent pas l’objet d’une double répression, à la fois pénale et administrative.

A l’issue d’une réflexion à laquelle tous les acteurs de la répression des abus de marché ont été associés, AMF et Parquet national financier, mais également des représentants de la Chancellerie et du Trésor, une proposition de loi, destinée à remédier à cette inconstitutionnalité, a été déposée par le député D. Baert en mars 2016.

En quoi consiste le nouveau système mis en place ?

Le système applicable depuis l’entrée en vigueur de la loi du 21 juin 2016, complétée par un décret d’application du 11 août 2016, consiste à mettre en œuvre un système d’aiguillage des dossiers, à l’occasion de la poursuite des faits reprochés, afin de choisir, qui, de la voie pénale ou de la voie administrative, est la mieux à même de réprimer les faits reprochés, en interdisant à chacune des autorités concernées (Collège de l’AMF et Parquet national financier) de poursuivre des faits d’abus de marché concernant une personne, sans avoir obtenu l’accord de l’autre pour le faire.

Plus précisément, lorsque l’AMF ou le Parquet national financier a l’intention de notifier des griefs ou de mettre en mouvement l’action publique à l’encontre d’une personne pour des faits relevant d’un abus de marché (ie manquement ou délit d’initié, manipulation de cours ou manquement ou délit de fausse information), il informe l’autre de son intention, afin de recueillir, dans un délai de 2 mois, son accord.

En cas de désaccord (c’est-à-dire de volonté de chacune des parties de poursuivre), la décision de savoir quelle voie répressive doit être privilégiée est confiée à un tiers, le Procureur général près la Cour d’appel de Paris, qui doit rendre sa décision dans un délai d’un mois. Cette décision est insusceptible de recours.

Le décret du 11 août 2016 est venu préciser les modalités de mise en œuvre du dispositif d’aiguillage prévu par la Loi.

Quels sont les changements apportés s’agissant de la possibilité, pour l’AMF, de sanctionner les abus de marché ?

En principe, la compétence, pour le Collège de l’AMF, de poursuivre, et de la Commission des sanctions, de réprimer les abus de marché est intacte. Mais en pratique, pour adresser une notification de griefs et, le cas échéant, sanctionner un abus de marché, deux pré requis sont désormais nécessaires : (i) que la personne à l’encontre de laquelle des griefs d’abus de marché sont envisagés n’ait pas déjà fait l’objet d’une mise en mouvement de l’action publique de la part du Parquet national financier pour les mêmes faits, (ii) que le Parquet national financier ait indiqué ne pas souhaiter également exercer des poursuites pénales à son encontre et obtenu de le faire dans le cadre de la procédure d’aiguillage.

L’aiguillage des dossiers étant organisé au moment de la notification des griefs, le pouvoir d’enquête de l’AMF reste identique, à l’encontre de tous les abus de marché, et continuera de s’exercer dans des conditions similaires, en bonne intelligence et coopération avec les services du Parquet national financier.

Il convient de noter que la loi du 21 juin 2016 a également ouvert la possibilité, pour l’AMF, de conclure des compositions administratives en matière d’abus de marché, voie qui était jusqu’alors réservée aux manquements aux règles professionnelles reprochés aux professionnels régulés.