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Discours de Marie-Anne Barbat-Layani, présidente de l'AMF - Les Entretiens de l'AMF 2022 : "Les nouvelles pratiques de commercialisation des produits d’épargne" - Mardi 22 novembre 2022, Pavillon Cambon

Discours de Marie-Anne Barbat-Layani, présidente de l'AMF - Les Entretiens de l'AMF 2022 : "Les nouvelles pratiques de commercialisation des produits d’épargne" - Mardi 22 novembre 2022, Pavillon Cambon

Entretiens AMF

Seul le prononcé fait foi

Bonjour à toutes et à tous,

Je suis particulièrement heureuse de m’adresser à vous tous trois semaines à peine après ma prise de fonction comme présidente de l’Autorité des marchés financiers.

Je vous remercie d’être présents à ce rendez-vous annuel.

Quelques mots tout d’abord pour vous dire ma fierté d’avoir été nommée à ce poste. Ma fierté, mais aussi mon ambition pour cette belle institution. J’ai eu l’occasion de présenter ma feuille de route au Président de la République et au Parlement dans le cadre d’une procédure de nomination qui est, je le dis au passage, particulièrement puissante. Ce n’est pas rien de solliciter l’approbation des représentants élus du peuple français pour exercer une fonction ! Cela renforce considérablement le sens des responsabilités et de l’indépendance qui s’attachent à cette fonction.

Il m’appartient désormais d’incarner l’AMF, une institution, dont le rôle est très important et très respecté, tant en France qu’en Europe et à l’international.

Je souhaite saluer l’action des précédents présidents de l’AMF, notamment celle de Robert Ophèle, qui nous a fait l’amitié d’être parmi nous ce soir, et auquel je souhaite rendre hommage. Ils ont bâti cette réputation en Europe et à l’international, et j’aurai bien sûr à cœur de poursuivre leur action.

Je souhaite aussi souligner le rôle des services de l’AMF, dont je mesure déjà l’excellence et l’engagement. C’est un atout fondamental dans le rayonnement de l’AMF à l’international. Notre parole est écoutée, nos experts sont recherchés : c’est un actif que j’aurai également à cœur de développer. Je souhaite aussi poursuivre la modernisation de l’AMF, qui doit continuer à s’adapter aux évolutions de la finance.

C’est d’autant plus important que le rôle de l’AMF est essentiel pour l’attractivité de la Place de Paris, une place que je connais bien, et qui a toujours assis son développement sur son intégrité garantie par la qualité de sa supervision.

J’ai donc exprimé lors des auditions parlementaires mes convictions quant au rôle de de l’AMF, et à ma feuille de route en tant que présidente. Sans détailler l’ensemble des sujets, et ils sont nombreux, sans compter ceux que l’actualité nous apporte sans avarice, j’insisterai sur un point qui me semble particulièrement important. Je souhaite rendre le rôle de l’AMF et son utilité accessibles au plus grand nombre. Plus que jamais, nous devons faire des efforts pour adapter notre action et notre communication aux besoins des épargnants et des investisseurs.

L’éducation financière doit continuer à se renforcer, car c’est la meilleure des préventions. Mais au-delà, être compréhensibles par tous doit être un objectif pour chacun de nous : la finance ne doit jamais se satisfaire d’être un monde d’experts. A fortiori dans un univers où la parole des experts tend à être remise en cause systématiquement, par ceux qui ont le plus besoin d’en bénéficier. Ce n’est pas la moindre des gageures.

Venons-en maintenant au sujet des Entretiens de l’AMF. La protection des épargnants est le cœur de la mission de l’AMF. Cette année, les Entretiens de l’AMF sont dédiés aux nouveaux modes de commercialisation de l’épargne. On pense naturellement à l’impact de l’innovation technologique sur ce sujet : comment adapter notre rôle dans un monde où les canaux d’information et de commercialisation évoluent en permanence ? Comment concilier protection et innovation ?

Nous observons plusieurs tendances :

  • Tout d’abord, un renouveau de l’intérêt des investisseurs pour la bourse. Depuis 2020, le nombre de nouveaux investisseurs en bourse a substantiellement augmenté : +800 000. Parmi ces nouveaux investisseurs, on constate une part significative de jeunes. C’est encourageant, même si on a observé un fléchissement au cours du 3ème trimestre.
  • Seconde tendance : nous constatons également un intérêt croissant des investisseurs pour des produits alternatifs aux offres de la finance régulée, en particulier les crypto-actifs. Ils sont souvent promus par intermédiaires très innovants dans leur mode d’intervention et par des circuits de publicité spécifiques, parfois des influenceurs – on parle de « fin-influenceurs », et ils sont accessibles sans limites de frontières ni de droit.
  • Ces nouvelles approches suscitent de vraies questions en matière d’information, de protection des épargnants et de contrôle. L’AMF a développé une relation forte avec l’ARPP, l’autorité de régulation de la publicité, et la DGCCRF, la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, dont je salue la participation à nos travaux aujourd’hui, mais on voit bien que des questions subsistent et nous avons probablement besoin de renforcer notre action commune.
  • Ces nouveaux développements interrogent aussi les business models en Europe. Une offre sans frais, ce n’est économiquement pas possible. Le zéro commission signifie que l’on paye autrement ; encore faut-il disposer de la transparence nécessaire pour pouvoir évaluer si le prix est justifié par le service rendu, et comparer les offres. Plus problématique encore, il faut pouvoir s’assurer que le courtier, commissionné sur les ordres qu’il transmet, n’oriente pas vos ordres vers une plateforme d’exécution plus chère, ou moins performante. Du point de vue du « consommateur financier », ce n’est pas acceptable.  
  • Le développement de ces nouvelles offres soulève aussi des questions de contrôle du respect de la règlementation. Certains acteurs ne sont pas établis en France et s’adressent à une clientèle française, grâce au passeport européen. Cela permet à l’épargnant français de bénéficier du marché unique européen, qui lui donne accès à un plus grand choix d’offres et à des prix intéressants. Cela incite aussi à une plus grande convergence des pratiques de supervision, pour s’assurer que l’épargnant français bénéficie bien des protections qu’il est en droit d’attendre. C’est l’un des dossiers que l’AMF défend à l’ESMA !
  • Je salue dans ce contexte la participation à nos travaux d’une représentante du régulateur britannique, la FCA (Financial Conduct Authority), dont la perspective sur ces points sera très intéressante. L’ESMA est également présente et nous pourrons ainsi bénéficier de son éclairage, particulièrement utile comme j’ai pu m’en rendre compte lors de ma première réunion du Board la semaine dernière. Nous aurons aussi l’éclairage d’une représentante du BEUC, le bureau européen des unions de consommateurs.
  • Au-delà de ces sujets connus, l’affaire FTX nous interroge tous. L’AMF a comme vous le savez, interrogé les PSAN enregistrés en France pour mieux identifier l’impact de la faillite de FTX. Mais cette affaire, qui est grave car beaucoup de gens ont sans doute perdu leur investissement, met en lumière la nécessité de réguler plus vite et plus fort le monde des crypto-actifs, pour mieux protéger les investisseurs, et de mieux les informer sur les risques pris. Nous ne pouvons pas souhaiter que le premier contact avec l’investissement, pour un certain nombre de jeunes, se traduise par des pertes brutales. Il est important que l’écosystème des cryptos, démontre aujourd’hui son intégrité et son utilité sociale.
  • La France a été précurseur sur la réglementation crypto. Les événements récents nous amènent à appeler de nos vœux une accélération de la mise en œuvre de la règlementation européenne. Dans l’attente de cette réglementation européenne, je souhaite encourager le secteur à basculer le plus vite possible vers l’agrément qui seul peut offrir le niveau de garanties que les investisseurs sont en droit d’attendre aujourd’hui.
  • Cet n’est nullement contradictoire avec l’attitude, qui demeure celle de l’AMF d’encourager l’innovation et d’accompagner ces nouvelles offres pour permettre aux investisseurs de profiter de ce monde nouveau mais en connaissance de cause et dans un cadre maîtrisé, ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui.

Nous allons revenir sur ces thèmes lors des deux tables-rondes qui vont suivre et avant cela, j’ai le plaisir de passer la parole, par vidéo, à madame Danuta Hübner, euro-députée, membre de la Commission économique et monétaire au Parlement européen rapporteure sur la révision du règlement européen sur les marchés financiers, MIFIR.

Je vous remercie de votre attention, et souhaite que les entretiens de l’AMF vous apportent réflexions et éclairages utiles sur l’ensemble de ces sujets.